On ne s’en remet toujours pas. Officiellement bouclée la semaine passée par les Finales ATP Next Gen de Jeddah, la saison 2025 a laissé une empreinte indélébile, aussi bien dans les mémoires que dans les livres d’histoire. De Melbourne à Turin en passant par l'écrin de la Porte d’Auteuil – qui a accueilli LE match de l’année –, les deux meilleurs joueurs du monde se sont sublimés ces derniers mois, tractant derrière eux un wagon de poursuivants en quête de gloire et de victoires.
Rétro ATP 2025 : seuls au monde
Retour sur les plus beaux accomplissements de l’année sur le circuit masculin, une nouvelle fois marqué par l’intense et prolifique rivalité entre les deux ogres de la discipline.

Inséparables
Des batailles épiques, des trophées à la pelle, un chassé-croisé digne des vacances d’été et même un monument de tennis qui restera dans les annales : en 2025, la rivalité entre Carlos Alcaraz et Jannik Sinner est entrée dans une nouvelle dimension, inatteignable pour le commun des mortels. Un duel au sommet qui ne les décourage jamais, tant ces deux génies semblent progresser après chaque entrevue. Les succès comme les revers les poussent à débloquer de nouvelles capacités et leur confèrent une irrépressible envie de retourner au combat. En onze mois, les invincibles se sont affrontés à six reprises (à chaque fois en finale) et ont brandi pas moins de 14 trophées dont les quatre levées du Grand Chelem.
Dans le détail, Alcaraz a glané huit titres (Rotterdam, Monte-Carlo, Rome, Roland-Garros, le Queen’s, Cincinnati, l'US Open et Tokyo), cumulant 71 victoires pour seulement 9 défaites. Sacré dès janvier à l’Open d’Australie, Sinner a repris sa marche en avant à Wimbledon avant de s’adjuger quatre des cinq derniers titres de l’année (Pékin, Vienne, le Rolex Paris Masters et les Finales ATP), affichant un bilan de 58 victoires et 6 défaites, dont 4 face à son plus grand rival. Invaincu sur dur intérieur depuis la finale de l’édition 2023 du Masters, l’Italien a logiquement pris le dessus lors du dernier "Sinalcaraz" en date mais c’est bien le Murcien qui a terminé l’année au sommet de la hiérarchie, une place qu’il a récupérée à New York, détrônant doublement le patron de l’époque.
Un sacré bilan comptable sublimé par le mano-a-mano que se sont livré les deux hommes dans les grands rendez-vous, le plus beau étant sans aucun doute la finale la plus longue de l’histoire de Roland-Garros. Mené deux manches à rien puis 3-5 dans la 4e manche, le désormais ex-protégé de Juan Carlos Ferrero a sauvé trois balles de match afin de transformer cette affiche de gala en thriller d’anthologie, finalement remporté au super tie-break après 5h29 de jeu. Trois semaines plus tard, alors qu’il aurait pu accuser le coup et lâcher du lest, Sinner a subtilisé la couronne de son meilleur ennemi à Wimbledon. Pied au plancher ou la tête dans le guidon, c’est selon, Alcaraz s’est relevé et a repris sa route dorée, rendant ainsi la monnaie de sa pièce à son adversaire, sur le court Arthur-Ashe de Flushing Meadows.
Les plus grandes enceintes du monde sont leur terrain de jeu, leurs adversaires ont parfois des allures de sparring partners et leurs armoires à trophées (oui, ils en ont plusieurs chacun) se remplissent semaine après semaine à coups de sourires assassins et de démonstrations de sang-froid. Le pire dans tout ça ? Ils ont tous les deux promis qu’ils n’allaient pas s’arrêter là…
Djokovic, le "troisième homme"
Actuellement séparés par 550 points au classement ATP, les deux meilleurs joueurs du monde ont creusé un fossé qui sera bien difficile à combler par leurs poursuivants en 2026. L’actuel n°3 mondial, Alexander Zverev, compte 6340 points de retard sur Jannik Sinner et 6890 sur Carlos Alcaraz ! Finaliste de l’Open d’Australie, l’Allemand n’est pas parvenu à suivre la cadence infernale imprimée par le Big 2, lui qui n’a remporté qu’un seul titre – à Munich – et qui s’est incliné à quatre reprises face à l’Italien (en quatre matchs) et une fois (lors de leur seule confrontation) contre l’Espagnol. Notons également que Sascha a été éliminé dès son entrée en lice à Wimbledon, au troisième tour à l’US Open puis lors de la phase de poule des Finales ATP…
Au vu des résultats du "reste du monde", c’est bel et bien Novak Djokovic qui a fait office de troisième homme lors de l’exercice écoulé. Toujours en quête d’un fameux 25e titre du Grand Chelem qui le propulserait encore davantage au sommet du jeu (toutes épreuves et toutes époques confondues), le Serbe a rallié le dernier carré des quatre levées majeures, s’offrant même le scalp du nouveau n°1 mondial en quarts de finale à Melbourne. Titré à Genève et Athènes, il y a soulevé ses 100e et 101e trophées en carrière, rejoignant ainsi Roger Federer (103) et Jimmy Connors (108) dans le club très fermé des centenaires.
Alors évidemment, réussir un enchaînement de victoires face à Alcaraz et Sinner au meilleur des cinq manches à deux jours d’intervalle s’apparente à une mission impossible pour n’importe quel joueur et c’est d’autant plus vrai à 38 ans. Mais il a prouvé qu’il avait encore le coffre pour livrer des batailles exceptionnelles d’intensité (cf. sa finale contre Lorenzo Musetti dans la capitale grecque), sans oublier qu’un accident de parcours est vite arrivé. Tant que le "Djoker" sera haut placé et qu’il prendra part aux rendez-vous étoilés, il y aura de l’espoir. Et cela pourrait bien durer jusqu’aux Jeux olympiques de Los Angeles, en 2028…
La jeunesse en première ligne
A la lecture des faits exposés précédemment, il serait légitime de penser que l’outrageuse domination des n°1 et n°2 mondiaux n’a laissé que des miettes aux autres protagonistes de la discipline. Mais si l’on compare le circuit ATP à une galette des rois (et pourquoi pas ?), on visualise aisément les nombreuses parts restantes sur le plateau d’argent et naturellement, les fèves qui vont avec. Ainsi, Jack Draper et Jakub Mensik ont profité de l’absence de Sinner et de la méforme d’Alcaraz en début d'année pour devenir des vainqueurs de Masters 1000, respectivement à Indian Wells et Miami. Taillé pour incarner le fameux empêcheur de tourner en rond, le Britannique a malheureusement été stoppé dans son très bel élan par son physique, lui qui a aussi disputé les finales à Doha et Madrid. La capitale espagnole a d’ailleurs assisté à la fin d’une anomalie pour Casper Ruud, enfin récompensé dans la catégorie 1000 sur ocre, une surface sur laquelle il détient de nombreux records (titres et victoires) depuis 2020.
Les Américains – qui ont très récemment pu célébrer le deuxième titre de leur histoire dans la catégorie Next Gen grâce à Learner Tien – ont également vibré pour leurs représentants Taylor Fritz et Ben Shelton. Le premier a particulièrement brillé sur herbe, s’adjugeant deux titres (à Eastbourne et Stuttgart) avant de rejoindre le dernier carré de Wimbledon. Le second a pour la première fois de sa jeune carrière disputé les Finales ATP de Turin, boosté par une demie à Melbourne, un quart au All England Club et un sacre au Masters 1000 de Toronto.
Le Canada justement, a pu quant à lui fêter comme il se doit le retour en haut de l'affiche de Félix Auger-Aliassime, champion à trois reprises (Adélaïde, Montpellier et Bruxelles), demi-finaliste à l’US Open et aux Finales ATP, finaliste au Rolex Paris Masters et désormais n°5 mondial ! Enfin, puisque les tournois prennent régulièrement l’accent italien, terminons ce tour d’horizon par l’irrésistible ascension de Flavio Cobolli, héros des siens en Coupe Davis, quart-de-finaliste à SW19 et champion à deux reprises (à Hambourg et Bucarest).
Bublik, l’ennemi devenu trésor
"Attendez, ils ont osé faire le bilan de la saison sans citer Joao Fonseca ni Alexander Bublik ?". Pas de panique, les voici. Vainqueur du Masters des joueurs de 20 ans et moins fin 2024, le Brésilien a confirmé son énorme potentiel en embrasant les tribunes des tournois du Grand Chelem – Roland-Garros n’a pas échappé à la folie Fonseca – et en soulevant la bagatelle de deux trophées, à Buenos Aires et Bâle, devenant au passage le troisième plus jeune joueur de l’histoire à remporter un ATP 500. C’est une lapalissade mais à 19 ans, il a l’avenir devant lui.
Un futur qui ne s’annonçait pas aussi radieux pour le Kazakhstanais au sortir de ses 18 défaites en 22 rencontres disputées entre juillet 2024 et mars 2025. Une spirale infernale qui a pris fin lors du Challenger de Phoenix, où il a atteint la finale, seulement battu par… Joao Fonseca. "J’ai vécu des mois tellement compliqués… J’ai bien failli tout arrêter parce que je ne m’amusais plus. J’ai promis à mon entraîneur que j’allais rester sur le circuit et continuer de m’entraîner avant de prendre une décision. Et voilà ce qu’il se passe maintenant : quart-de-finaliste à Roland, vainqueur ici… Je n’ai pas les mots" avait-t-il tenté d’expliquer à Halle, un tournoi au cours duquel il a renversé Jannik Sinner en huitièmes avant de prendre le meilleur sur Daniil Medvedev en finale, un adversaire qu’il n’avait jamais battu lors de leurs six précédentes confrontations.
Également titré à Gstaad, Kitzbühel et Hangzhou, il culmine désormais au 11e rang mondial (son meilleur classement) et était tout proche de disputer le Masters. Mais ses plus belles émotions, il les a vécues sur la terre battue parisienne, une surface qu’il exécrait jusqu’ici. Tombeur d’Alex De Minaur au deuxième tour, il y a livré l’une des plus belles parties de l’année face à Jack Draper (68 coups gagnants, 83% de points gagnés au filet, 37 amorties dont 12 gagnantes) pour accéder aux quarts de finale d’un Majeur pour la première fois de sa carrière. "Parfois dans la vie, on n'a qu'une chance et aujourd'hui j'ai senti que c'était la mienne. C'était le plus beau moment de ma vie" avait-il réagi. S’il maintient son niveau l’an prochain, nul doute qu’il en vivra d’autres.
La belle histoire
Comment ne pas terminer ce récap’ par LE conte de fées de l’année ? Une histoire dingue comme on n’en fait plus ou du moins très peu, un scénario inimaginable et inoubliable dans lequel deux joueurs, mieux, deux membres de la même famille ont renversé l’ordre établi pour vivre la plus grande aventure de leur vie. A Shanghai, Valentin Vacherot (204e mondial au début de la compétition), est devenu le premier Monégasque à remporter un tournoi ATP et le joueur le moins bien classé de l’histoire à soulever un trophée de la catégorie 1000, le tout face à son cousin, Arthur Rinderknech ! Un champion passé par l’étape des qualifications et qui n’avait jusqu’ici gagné qu’un seul match sur le circuit principal.
Une cousinade dorée organisée à la hâte, sans concertation et grâce à de prestigieuses victoires, les deux hommes ayant éliminé Alexander Bublik, Holger Rune, Novak Djokovic, Alexander Zverev, Félix Auger-Aliassime ou encore Daniil Medvedev pour ne citer qu’eux. En l’emportant sur la dernière marche après avoir cédé la première manche, Vacherot s’est offert bien plus qu’un titre, il a définitivement acté un changement de vie. Élu "joueur ayant le plus progressé" par l’ATP, il a confirmé ses velléités de sommet en atteignant les quarts de finale du Rolex Paris Masters, se stabilisant finalement à la 31e place mondiale.
La preuve qu’en tennis, les rêves les plus fous peuvent se réaliser et que rien n’est écrit d’avance. L’an prochain, le Monégasque n’aura rien à perdre et tout à prouver. Voilà qui pourrait bien être la clé de nouveaux succès pour lui mais aussi pour ses nombreux petits camarades sur le circuit.