AO 2024 – J10 : des demies quatre étoiles

Loin d’être avare en surprises et en révélations, le premier Grand Chelem de la saison offrira tout de même deux duels très attendus aux spectateurs de Melbourne Park. Embarqués dans des scénarios bien différents ce mardi, Coco Gauff, Aryna Sabalenka, Novak Djokovic et Jannik Sinner s’affronteront bien dans le dernier carré.

Gauff a eu chaud, Sabalenka sur sa lancée

Ce mardi, c’était couvre-chefs et crème solaire obligatoires dans les tribunes de la Rod Laver Arena ! Mais outre les heureux spectateurs, les ténors aussi ont eu chaud, au sens propre comme au figuré.

Favorite de son quart de finale, Coco Gauff s’est grandement compliqué la tâche face à Marta Kostyuk. Pas vraiment dans son assiette en début de rencontre, la championne de l’US Open s’est retrouvée menée 1-5 avant de totalement renverser la manche pour la remporter au tie-break, non sans avoir sauvé deux balles de set en cours de route. Un impressionnant come-back suivi d’un break précoce qui auraient dû la lancer définitivement sur la voie du succès. Mais alors qu’elle servait pour le gain du match à 5-3, ses trop nombreux errements en coup droit ont inévitablement remis son adversaire dans la rencontre. Contrainte de disputer une troisième manche, elle est enfin parvenue à enquiller les jeux pour s’imposer 7/6(6), 6/7(3), 6/2 en 3h08.

Un succès décousu et marqué par une avalanche de fautes directes (51 pour Gauff, 56 pour Kostyuk) mais qui lui ouvre tout de même les portes du dernier carré, pour la première fois de sa carrière à Melbourne. "En m’entraînant avant le match, je frappais et je servais bien, j’étais à l’aise, a-t-elle analysé en conférence de presse. Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé mais c’est comme ça. J’ai l’impression d’avoir tenté des frappes que je réussis normalement mais je les ai manquées et pas qu’un peu ! Je me suis frustrée mais je suis soulagée d’avoir réussi à m’en sortir aujourd’hui." Des erreurs qu’elle ne devra pas reproduire si elle veut poursuivre ses très belles séries de 12 victoires consécutives en Grand Chelem et 10 depuis le début de la saison.

Car dans deux jours, se dressera en face d’elle la joueuse la plus impressionnante de cette quinzaine australienne. Devant l’incroyable puissance et la précision d’orfèvre d’Aryna Sabalenka (20 coups gagnants, 13 fautes directes), Barbora Krejcikova a été éparpillée façon puzzle, comme toutes les précédentes adversaires de la championne en titre. Malgré un débreak par set sans conséquence, elle n’a jamais desserré l’étau, notamment sur l’engagement de la championne de Roland-Garros 2021 (53% de points gagnés en retour). Une entreprise de démolition rondement menée qui a logiquement laissé la Tchèque sans solution. Après 1h11 de jeu, "Saba" s’impose 6/2, 6/3 et disputera sa sixième demi-finale consécutive en Majeur, la huitième au total.

Un stade de la compétition atteint en ne perdant que 16 jeux et en ne passant que 5h13 sur le court ! "J’essaie de ne pas me rendre folle sur le court, de ne pas précipiter les choses, a-t-elle expliqué à propos de son nouvel état d’esprit. Je me bats sur chaque point sans trop songer à mes rêves, à ce que je veux faire, au nombre de tournois du Grand Chelem que je veux gagner etc. J’ai changé de mentalité, je me concentre sur moi-même, sur les choses que je peux améliorer et sur ce que je dois faire pour gagner chaque match que je joue."

Le plein de confiance et une préparation idoine avant de retrouver la n°4 mondiale. Si elle a joué près de 3h de moins jusqu’ici et que son expérience parle pour elle, la dauphine d’Iga Swiatek débutera toutefois avec un léger désavantage psychologique puisque l’Américaine mène 4-2 dans leur face-et-face et l’a privée d’un deuxième titre en Majeur lors de leur précédent affrontement à Flushing Meadows. "J’adore ça ! Après l’US Open, je voulais vraiment prendre ma revanche ! Ce sont toujours de belles batailles avec Coco, c’est une adversaire très difficile et une grande joueuse. Je suis heureuse de jouer contre elle et j’ai hâte de disputer cette demi-finale."

Un sommet aussi indécis qu’alléchant entre deux stars dont la constance et les prises d’initiatives fascinent le circuit depuis de nombreux mois. Une véritable finale avant l’heure et un objectif commun : réaliser un étincelant back-to-back sur la dernière marche d’un Grand Chelem.

Djokovic à l’usure, Sinner impitoyable

La chaleur, il en a également été question lors du choc entre Novak Djokovic et Taylor Fritz. Il faut dire que dans la fournaise de Melbourne Park, les deux hommes n’ont pas ménagé leurs efforts et ce dès les premiers coups de raquette. A l’image d’un premier jeu long de 16 minutes, le n°1 mondial a constamment mis sous pression le n°1 américain sur son point fort : son service. Mais ce dernier a parfaitement répondu en se transformant – et ce n’était sans doute pas prévu par le "Djoker" – en roi de la balle de break sauvée ! Au total, lors des deux premières manches, il a écarté les 15 premières opportunités du décuple champion (un record), avec un aplomb et une détermination sans faille.

Et si le boss du tie-break a tout de même viré en tête après 1h24 de combat, il a fort logiquement concédé le deuxième set, la montée en puissance adverse coïncidant avec son gros coup de pompe physique. Le souffle court et l’œil hagard, il a évacué sa frustration en s’en prenant à son clan tout en essayant de faire redescendre la température à l’aide de serviettes humides et de glace pilée. "J’ai fait tout ce que j’ai pu dans le laps de temps très court des changements de côtés, a-t-il détaillé aux journalistes. C’est difficile de ralentir son rythme cardiaque et de contrôler sa respiration […] Les sacs de glace sur la tête et sur tout le corps sont un moyen d'essayer de se rafraîchir un peu, parce qu'on a l'impression d'être piégé par la chaleur, à l'intérieur comme à l'extérieur, en particulier aujourd'hui."

Tapis dans l’ombre durant de nombreux jeux, "Nole" a retrouvé la lumière et de l’énergie pour repartir au combat. Une fois sa première balle de break convertie (la 16e donc !), il a déroulé son plus beau tennis pour définitivement écarter de son passage un Taylor Fritz courageux mais trop juste, pour la neuvième fois en autant de confrontations (7/6(3), 4/6, 6/2, 6/3 en 3h45). Toujours en course pour glaner un 25e Majeur, celui qui a partagé un moment très sympa en compagnie de Nick Kyrgios lors de l’interview d’après-match disputera sa 48e demi-finale de Grand Chelem, la 11e à Melbourne.

Et puisque pour les amateurs de tennis, les rêves sont possibles, c’est bien Jannik Sinner qui se présentera au pied de la montagne vendredi. Seul prétendant masculin à ne pas encore avoir perdu le moindre set, l’Italien s’est montré impitoyable face à Andrey Rublev (6/4, 7/6(6), 6/3 en 2h39). Comparé à Aryna Sabalenka (8/8), le n°5 mondial se situe donc toujours à l’autre extrémité de l’échelle de la réussite en quarts de finale (10 tentatives, 10 défaites). Incapable de convertir la moindre balle de break (0/8), "Rublo" aura sans doute des regrets mais pourra se consoler en admettant être tout simplement tombé sur plus fort que lui aujourd’hui. Impérial sur sa ligne de fond de court, le "Renard" a de nouveau excellé tactiquement en employant avec justesse sa très belle palette de variations pour remporter les points clés.

Mélange de puissance et de toucher, chaque frappe a eu pour objectif d’empêcher son adversaire de déclencher un coup droit dévastateur. Et quand cela n’a pas été possible, Sinner s’est prêté avec brio au duel de canonniers. Symbole parfait de cette domination, sa folle remontée dans le tie-break de la deuxième manche alors qu’il y était mené 1-5, a définitivement écœuré son partenaire de show. "Il y a eu beaucoup de moments clés et la plupart du temps, ils ont tourné en ma faveur donc je suis très content, a-t-il admis à l'issue de sa victoire. Lorsque vous gagnez un set crucial comme le deuxième aujourd'hui, cela aide un petit peu pour le troisième. Mais je suis heureux d'avoir eu à gérer des moments difficiles aujourd'hui, je l'ai fait de la bonne manière et j'espère que cela m'aidera pour le prochain match."

Une avant-dernière étape vers la gloire face à celui qui a longtemps été sa bête noire (tout comme Daniil Medvedev) sur le circuit. Mais s’il est toujours mené dans leur face-à-face (4-2 pour Djokovic), le quatrième mousquetaire a récemment glané deux victoires éblouissantes en phase de poules du Masters et en demi-finale de Coupe Davis. Suffisant pour réussir un exploit dans le jardin du patron ? "Il est évident qu’il a un palmarès incroyable ici, donc c’est un plaisir pour moi de jouer contre lui, surtout à ce moment-là du tournoi. J’ai hâte d’y être pour être honnête. Ce sera difficile, je le sais et je vais contrôler ce qui est contrôlable. Je vais me donner à 100%, avoir la bonne attitude et me battre sur chaque balle. Je ne peux pas faire plus que ça, peu importe mon adversaire. J’attends ce match avec impatience et je vais essayer de le préparer de la meilleure façon possible" a-t-il conclu.

Reste à savoir si celui qui n’a encore jamais battu le Serbe au meilleur des cinq manches (défaites en quarts et en demies à Wimbledon) parviendra à rééditer ses récentes très belles performances.