Peuvent-ils doubler ?

 - Guillaume Willecoq

Rafa et Simona partent à l'assaut du plus mythique des doublés.

Rafael Nadal Simona Halep Roland-Garros champions 2018

C’est le doublé le plus mythique du tennis. Le plus difficile, aussi. Trois semaines après Roland-Garros, Rafael Nadal et Simona Halep peuvent-ils s’imposer à Wimbledon ?

Un doublé pour les géants

Rare, et élitiste : le doublé Roland-Garros - Wimbledon ne s’adresse qu’aux plus grands : Rod Laver, Margaret Court, Billie Jean King, Chris Evert, Björn Borg, Martina Navratilova, Steffi Graf, Serena Williams, Rafael Nadal et Roger Federer sont les seuls à l’avoir accompli ces 50 dernières années.

Différences fondamentales entre les deux surfaces, laps de temps restreint entre les deux évènements (deux semaines jusqu'en 2015, trois dorénavant)... Les raisons expliquant l'extrême difficulté de cet enchaînement ne manquent pas.

"Rafa" fait déjà partie du club, ayant réalisé le doublé en 2008 et 2010 (à mi-chemin du record absolu de Steffi Graf, qui y est parvenue quatre fois, en 1988, 1993, 1995 et 1996). Lauréate de son premier titre en Grand chelem lors de ce Roland-Garros, Simona Halep le tente quant à elle pour la première fois. 



Une même préparation pour nos héros

Pas de compétition sur la route du troisième Grand chelem de l’année pour Rafael Nadal et Simona Halep. Après Roland-Garros, les deux champions parisiens ont pris le parti de s’offrir une (courte) pause, salutaire autant pour se retourner sur ce qu'ils ont accompli à Paris que pour soigner les blessures diverses inhérentes à la compétition de haut niveau. Rafael Nadal a donc déclaré forfait au Queen’s, où il était inscrit, et Simona Halep en a fait de même à Eastbourne.

L'un comme l'autre ont privilégié une reprise en douceur. Rafael Nadal a pu compter sur les installations du tournoi WTA de Majorque pour reprendre contact avec l’herbe tout en restant à domicile, avant d'opter pour une exhibition à Londres (victoire 7/6 7/5 sur l'attaquant australien Matthew Ebden, avant un match contre Lucas Pouille ce vendredi). Quant à Simona Halep, après avoir testé sa popularité au pays en remplissant un stade de foot, elle n’a même repris la raquette que dimanche dernier, quinze jours après son titre parisien.



Leur état d'esprit : "Rafa" apprend à s’écouter...

Pour Nadal, ce type de preparation est nouveau : ce n’est que depuis l'an passé que l’Espagnol fait l’impasse sur tout tournoi officiel en préparation à Wimbledon. "J'ai eu une campagne sur terre très intense et mon corps a eu besoin de repos parce que les changements drastiques, ce n’est jamais bon", explique t-il.

A 32 ans, il a pris conscience que son corps doit être ménagé : "Pour Rafael, ce n'est plus comme quand il avait 20 ans et qu'un tournoi de plus ou de moins, ce n'était rien, déclarait même Toni Nadal à propos du forfait de son neveu au Queen's. Il doit maintenant considérer ce qui est le meilleur pour son corps, et ne jouer que des tournois sur lesquels il s'estime en mesure de gagner." Comme un écho à la philosophie nouvelle de son éternel rival Roger Federer ?

... et Simona a profité

Simona Halep avait bien mérité de savourer son premier titre majeur, elle qui a dû attendre sa quatrième finale pour s'imposer. Et le temps qu’elle n’aura pas passé sur le court depuis Roland-Garros, elle espère le compenser par la fraîcheur et l’enthousiasme, ainsi qu’une certaine légèreté maintenant que son rêve en carrière est accompli : "Peut-être que ce titre changera ma vision de la pression et toutes ces choses parfois parasites. Je pense que cela va me rendre plus relax vis-à-vis de ça", estime t-elle.

Elle sait aussi que ses meilleurs Wimbledon (demi-finale en 2014, quart de finale en 2017) ont été réalisés dans la foulée d’une finale à Roland-Garros, sur son élan. Alors cette fois que sa dynamique est celle d’une championne du tournoi parisien…

Une projection ?

Il est forcément difficile d'émettre un avis dans le cas de Simona Halep. La championne de Roland-Garros vit actuellement une situation nouvelle pour elle, et personne, pas même elle, ne sait à cette heure si, à peine sortie du tourbillon Roland-Garros, elle aura déjà retrouvé les ressources physiques et mentales nécessaires pour se jeter dans celui d'un autre Grand chelem. Energie décuplée ou réservoir (momentanément) à sec ? Simona Halep ne le découvrira qu'a l'épreuve des matchs.

Pour Rafael Nadal, c'est plus évident puisqu'il a déjà été capable d'enchaîner sans sourciller, figurant à cinq reprises à l'affiche des finales des deux tournois (en 2006, 2007, 2008, 2010 et 2011). Depuis cette série de cinq finales en cinq participations (il était forfait en 2009), "Rafa" n'a plus disputé le moindre quart à Londres. Mais pas de quoi diminuer pour autant la méfiance de ses rivaux : "Il est l'un des grands favoris au titre, estimait Roger Federer en marge du tournoi de Halle. Il arrive en confiance suite à sa campagne sur terre et s'il a déjà repris l'entraînement, c'est qu'il est en bonne santé. Et quand "Rafa" en bonne santé, tout est possible pour lui." Même son de cloche chez Novak Djokovic : "Roger est le favori n°1, mais Nadal est un des candidats juste derrière."