AO 2024 – J14 : Sabalenka II, une gloire sans partage

 - Romain Vinot

Impériale tout au long de la quinzaine, Aryna Sabalenka a conservé son titre au terme d’une finale totalement survolée face à Qinwen Zheng.

Aryna Sabalenka / Finale Open d'Australie 2024©Corinne Dubreuil / FFT

Rien ni personne ne lui a résisté. Dans la peau de la tenante du titre pour la première fois de sa carrière en Grand Chelem, la n°2 mondiale a livré une campagne remarquable de puissance, de justesse, de maturité et de spontanéité pour soulever sa deuxième Daphne Akhurst Memorial Cup. Chaleureusement saluée par ce qu’on pourrait désormais appeler la "Rod Laver Aryna" à l’issue de ce tournoi immaculé, la championne se projette déjà vers de nouveaux accomplissements.

Intouchable

Mis à part, peut-être, son duel légèrement plus accroché dans le dernier carré face à Coco Gauff, Aryna Sabalenka a transformé cet Open d’Australie 2024 en véritable promenade de santé. La grande finale programmée ce samedi n’a pas fait exception, tant la désormais double tenante du titre a dominé les débats. Opposée à Qinwen Zheng – future pensionnaire du Top 10 mais néanmoins inexpérimentée à ce niveau de la compétition –, elle a immédiatement annoncé la couleur en enchaînant service blanc, break puis en sauvant trois balles de débreak pour mener 3-0 après 11 minutes de jeu.

Les deux pieds ancrés sur sa ligne de fond de court, la protégée d’Anton Dubrov a poursuivi son entreprise d’agression permanente pour ne laisser ni angle, ni oxygène à une adversaire logiquement perméable à la pression. Comme groggy par les coups, la jeune Chinoise (21 ans) a tout de même eu le mérite de sauver trois balles de set sur son engagement avant de finalement craquer dans le jeu suivant (6/3 en 33 minutes).

Une tentative de rébellion qui a logiquement fait naître l’espoir d’une deuxième manche plus équilibrée. Mais cette éventuelle physionomie nouvelle a été annihilée d’entrée par une pluie de doubles fautes (cinq en deux jeux) combinée à des retours fracassants. Dans une rencontre où la gestion des émotions et l’efficacité au service s’annonçaient primordiales, les deux artistes n’ont pas du tout joué la même partition (53% de premières et seulement 38% de points gagnés derrière sa seconde pour Zheng). "Elle est très agressive et je devais essayer de l'être autant qu'elle, a analysé la vaincue du jour. Aujourd'hui, je n'ai pas donné le meilleur de moi-même et c'est vraiment dommage pour moi, parce que j'avais vraiment envie de faire mieux que ça."

Des fausses notes dont a évidemment profité Sabalenka pour engranger un double break (4-1) en venant conclure en demi-volée un point parfaitement construit. "Nous travaillons sur la volée et le fait d’aller davantage au filet et vers l’avant, a confirmé son coach en conférence de presse. Si vous n’arrivez pas à frapper des coups gagnants en fond de court, il est primordial de trouver d’autres moyens. Nous essayons toujours d’améliorer tous les aspects de son jeu comme le service et le retour mais c’est vrai qu’ici, nous nous sommes concentrés sur ses mouvements et sa capacité à finir au filet."

Propulsée vers un succès écrasant, la dauphine d’Iga Swiatek au classement WTA a naturellement été rattrapée par l’enjeu au moment de servir pour succéder à Victoria Azarenka, dernière joueuse à avoir réussi le doublé à Melbourne (2012-2013). Tournée à chaque fois vers son clan suite à quatre premières tentatives manquées, elle s’est libérée en criant toute sa rage avant de conclure ce combat à sens unique d’un dernier enchaînement service - coup droit gagnant (6/3, 6/2 en 1h16). La preuve, s’il en fallait encore une, de ses impressionnants progrès tennistiques et psychologiques réalisés depuis sa dernière finale de Majeur perdue à New York en 2023. "Dès que je suis entrée sur le terrain, j’ai senti que je contrôlais la situation et que j’étais émotionnellement prête à l’affronter, a-t-elle confirmé devant les médias. Par rapport à l’US Open, je suis une personne différente. Comme je l’ai déjà dit, je me contrôle plus, je ne laisse aucune pensée me venir à l’esprit. Je me concentre uniquement sur moi-même et ça fait une grande différence."

Evolution et ambitions

Cette grande différence est née d’un mélange de travail acharné, de détermination et d’une synergie parfaite avec l’ensemble de son équipe. "Nous faisons beaucoup de choses folles (rires) et ça m’aide à rester concentrée sur le terrain, a-t-elle expliqué. Vous savez, il y a assez de pression sur le court alors en dehors, nous essayons juste de rester simples, de nous amuser et de nous assurer qu’on apprécie tous cette aventure."

Une formule qui a d’ores et déjà fait ses preuves et qui ouvre inévitablement le champ des possibles à celle qui a au moins atteint le dernier carré lors de ses six derniers tournois du Grand Chelem. "Je pense que l’an passé, j’ai prouvé que je pouvais bien jouer sur toutes les surfaces, a-t-elle acquiescé. J’ai été trop émotive lors de mes deux demies perduesRoland-Garros puis Wimbledon). J’ai joué contre des joueuses incroyables mais j’ai laissé passer ma chance en me laissant envahir par mes émotions. Mais si je continue de travailler comme je le fais en ce moment, je serai certainement capable de faire la même chose sur terre battue et sur gazon. Je vais donc continuer à travailler dur."

Aryna Sabalenka et son équipe / Open d'Australie 2024©Corinne Dubreuil / FFT

Sa motivation et son évolution a tout d'une bien mauvaise nouvelle pour ses adversaires, déjà toutes balayées ces derniers jours par une tornade qui n’a pas perdu le moindre set et n’a eu besoin que de 8h11 pour rafler ce deuxième Majeur. Un accomplissement de plus qui intervient un an seulement après le premier, pour une joueuse qui a longtemps bataillé contre elle-même et contre son propre jeu.

"Bien sûr, il y a eu des moments où j’ai cru que je n’allais jamais gagner, surtout durant les périodes où je faisais des doubles fautes (elle n’en a fait aucune lors de cette finale, ndlr) et où je n’arrivais pas à réparer mon service, a avoué la championne. Il y a eu beaucoup de hauts et de bas mais je ne pouvais pas abandonner. Je devais continuer à me battre pour mon rêve et à y croire, pour mon père (décédé en 2019, ndlr) qui me regarde et qui est fier de moi. Pour ma famille, je ne pouvais pas m’arrêter […] Le fait d’avoir remporté deux titres du Grand Chelem me donne définitivement confiance et foi en moi. Je sais que tout au long de ma vie, je n’ai pas perdu mon temps, j’ai fait ce qu’il fallait. Je suis là où je dois être et c’est très important."

Là où elle doit être, pour l’instant. Car "Aryna II" pourrait bien rapidement étendre son royaume au-delà de Melbourne Park.