AO 2024 – J12 : puissance et maîtrise

 - Romain Vinot

Respectivement tombeuses de Coco Gauff et Dayana Yastremska, Aryna Sabalenka et Qinwen Zheng se sont brillamment qualifiées pour la finale de l’Open d’Australie.

Aryna Sabalenka / Demi-finales Open d'Australie 2024©Corinne Dubreuil / FFT

Sous les yeux de Billie Jean King et Evonne Goolagong, les deux demi-finales féminines ont eu des airs de guerre des nerfs, aussi bien pour Aryna Sabalenka que pour Qinwen Zheng. Au terme de combats quelque peu décousus durant lesquels elles sont parvenues à mieux maîtriser leurs émotions, la championne en titre et la future nouvelle pensionnaire du Top 10 ont poinçonné leur ticket pour la grande finale de cette édition 2024.

Sabalenka tient sa revanche

Impériale depuis le début de sa campagne (5h13 passées sur le court avant ce match), Aryna Sabalenka a connu davantage de difficultés pour se défaire de Coco Gauff dans le dernier carré. Pendant un gros set et demi, les deux joueuses ont joué au chat et à la souris, donnant presque le sentiment de ne pas vouloir décrocher le précieux sésame. Entrée sur le court avec la volonté de raccourcir les échanges en agressant son adversaire et en trouvant de la longueur en retour, la n°2 mondiale avait pourtant fait une première grosse différence pour mener 5-2. Mais celle qui confie régulièrement avoir opéré un changement radical de mentalité a quelque peu été rattrapée par ses vieux démons.

La tension palpable lui a fait commettre de grossières erreurs (15 fautes directes et 5/12 au filet lors de la première manche) qui ont eu le mérite de relancer l’Américaine. Pas forcément beaucoup plus sereine malgré une "poker face" de rigueur, cette dernière s’est engouffrée dans la brèche en remportant quatre jeux consécutifs pour se retrouver à son tour à deux points du set sur son engagement.

Seulement, on le sait, le tennis est un sport de rebondissements permanents. Trop timide au moment de conclure la manche, l'élève de Brad Gilbert s’est laissée entraîner dans un tie-break. Une opportunité tombée du ciel pour Sabalenka, redevenue impériale pour (re)prendre les commandes. "Honnêtement, dans ma tête, j’avais laissé tomber ce set, a-t-elle confié en conférence de presse. Mais comme je l’ai déjà dit, désormais, peu importe le score, j’essaie de faire mon mieux et de me battre. Et c’est ce que j’ai fait quand elle menait 6-5, 30-0."

Et si l’illisibilité du scénario a joué les prolongations en début de deuxième manche – moment choisi par les deux protagonistes pour enchaîner quatre jeux blancs sur leur engagement – la tenante du titre avait fait le plus dur. Contrairement à ce qu'il s'était passé en finale de l’US Open, elle est parvenue à maintenir une énorme pression sur les épaules de son adversaire (33 coups gagnants au total), tout en contrôlant ses nerfs. Logiquement, la joueuse de 19 ans a craqué (8 doubles fautes, 14/36 sur sa deuxième balle), et ce, au pire moment alors que le tableau des scores affichait 4-4.

Malgré une première balle de match magnifiquement écartée, "Saba" a claqué deux aces et deux services gagnants dans ce dernier jeu pour finalement s’imposer en 1h42, 7/6(2), 6/4. "Ça a été un match incroyable, c’est une grande joueuse et nos rencontres sont toujours des batailles difficiles, a-t-elle poursuivi. La clé, c’est que j’ai réussi à rester concentrée et que je me suis battue. Je suis très heureuse d’avoir l’opportunité de disputer une nouvelle finale de Grand Chelem, j’espère pouvoir faire un peu mieux que la dernière fois (rires) !"

Une très belle revanche synonyme de 13e victoire consécutive à Melbourne. De quoi s’offrir la possibilité de conserver son titre, ce qui serait une première à l’Open d’Australie depuis le doublé de Victoria Azarenka (2012 - 2013). Ce sera face à Qinwen Zheng, dont elle avait pris la mesure lors de leur seule et unique confrontation.

Zheng assume son nouveau statut

Une défaite sèche en quarts de finale de l’US Open qui restait jusqu’alors le meilleur résultat de la Chinoise en Grand Chelem. Mais suite aux éliminations successives de nombreuses prétendantes au titre, la meilleure tête de série du haut de tableau s’est retrouvée propulsée au rang de vraisemblable future finaliste. Un costume parfaitement taillé, comme elle l’a de nouveau prouvé dans le dernier carré en mettant fin au conte de fées de la qualifiée Dayana Yastremska (6/4, 6/4 en 1h42). "C'est une sensation incroyable de me dire que je vais disputer ma première finale en Majeur, a-t-elle lancé avec le sourire face à la presse. C'est mon rêve depuis que je suis toute petite."

Cependant, la perspective dorée d’atteindre la dernière marche d’un Majeur pour la première fois de leur carrière a semblé quelque peu paralyser les deux joueuses dans cette deuxième demi-finale. Breakée d’entrée, "Queenwen" s’est maintenue à flots, bien aidée par quelques cadeaux de l’Ukrainienne, à l’image de ces quatre doubles fautes commises lors de sa deuxième mise en jeu. Souvent très courts, les échanges n’ont pas immédiatement permis de dégager une tendance jusqu’à ce que la "révélation de l’année 2023" chipe de nouveau l’engagement adverse pour mener 4-3. Une montée en puissance d’une part et une légère baisse de régime de l’autre, liée notamment à une vive douleur ressentie au niveau des abdominaux par l'Ukrainienne. Si la 93e joueuse mondiale a serré les dents après une interruption de sept minutes en raison d’un temps-mort médical, elle a logiquement cédé la première manche.

Loin de rendre les armes, elle s’est accrochée en frappant la balle de plus en plus tôt et de plus en plus fort pour tenter de faire dégoupiller son opposante. Une tactique un temps payante mais aussi très risquée (20 coups gagnants, 24 fautes directes), surtout face à une joueuse performante en défense et capable d’ajuster son jeu et sa tactique. Un nouveau break à 3-3 a définitivement scellé le sort de cette partie, propulsant Zheng vers sa première finale de Grand Chelem. Dix ans après Li Na – sacrée en 2014 et qui n’a pas manqué de lui délivrer quelques conseils lors de leur rencontre à Melbourne – elle devient la deuxième joueuse chinoise à rallier ce stade de la compétition. "Quand je l'ai vue, elle m'a dit de ne pas réfléchir et d'y aller à fond, a-t-elle expliqué à propos de son aînée. C'est suffisant je pense !"

Un parcours exemplaire, qu’elle tentera donc de magnifier contre Aryna Sabalenka. A la seule différence près que ce samedi, pour la première fois de sa quinzaine, elle ne sera pas favorite au moment de pénétrer sur la Rod Laver Arena. "Je n'ai pas affronté de têtes de série lors de mes premiers tours, elle sera la première. Mais vous savez, ce n'est qu'un match donc on verra bien ce qui se passera pendant cette finale" a-t-elle conclu.