AO 2022 : Garbiñe Muguruza à l’heure australienne ?

 - Romain Vinot

L’Espagnole, finaliste de l’édition 2020 et tête de série n°3, nourrit de belles ambitions à l’occasion de ce premier Grand Chelem de la saison.

Garbiñe Muguruza / Entraînement Open d'Australie 2022©Corinne Dubreuil / FFT

Alors que plusieurs prétendantes déclarées au titre ont été placées dans la partie haute du tableau du simple dames, une joueuse fait figure de candidate plus que crédible dans l’autre moitié : Garbiñe Muguruza. Auteure d’une saison canon conclue par un titre au Masters de Guadalajara, la protégée de Conchita Martinez compte bien saisir l’opportunité.

Des performances en dent de scie

Adepte de sensations fortes – à l’image de son ascension du Kilimandjaro ou de son stage avec la Guardia Civil fin 2020 – Garbiñe Muguruza a quelque peu fait les montagnes russes dans le classement WTA ces dernières années. Au sommet de la hiérarchie en septembre 2017 après avoir conquis Roland-Garros en 2016 puis Wimbledon l’année suivante, la native de Caracas a ensuite connu des périodes beaucoup plus troubles, probablement déstabilisée par ses propres ambitions et celles de son entourage. Ses éliminations au premier tour à Wimbledon puis l’US Open en 2019 lui ont valu de retomber à la 36ème place mondiale. Ou comment lui faire prendre conscience que des changements s’imposaient.

Recentrée sur son jeu et sa progression sous la houlette de Conchita Martinez, elle a connu un premier sursaut lors de l’Open d’Australie 2020 durant lequel elle a atteint la finale, alors même qu’elle n’était pas tête de série au coup d’envoi du tournoi. "Il y a des moments où les choses ne vont pas dans votre sens. Il faut juste être patient, traverser les moments difficiles et attendre que ça revienne. Les sportifs peuvent parfois devenir un peu désespérés, trop impatients. C’est très difficile d’être au top pendant des années, d’être régulier. Peu de joueurs y arrivent plusieurs années d’affilée" avait-elle alors déclaré durant cette campagne quasi-victorieuse.

Une lucidité salvatrice qui aurait même pu lui permettre de briller davantage durant l’exercice 2020, si la crise sanitaire et ses restrictions n’avaient pas rendu les choses plus compliquées. De nouveau consciente de ses capacités sans toutefois se mettre une pression dantesque, « Mugu » a patiemment attendu son heure.

Retour au sommet

Et son heure est arrivée en novembre dernier au Masters de Guadalajara. Un sacre amplement mérité pour la joueuse de 28 ans, de nouveau en confiance au moment de poser ses valises au Mexique. Et pourtant, son exercice 2021 n’a pas été tout rose. Titrée du côté de Dubaï (son premier sacre depuis Monterrey en 2019) un mois seulement après un frustrant huitième de finale perdu à Melbourne face à la future championne Naomi Osaka, ses performances dans les autres levées du Grand Chelem n’ont pas été à la hauteur de ses attentes. Sa sortie de piste dès le premier tour de Roland-Garros contre Marta Kostyuk avait même clairement de quoi inquiéter même si elle se remettait alors difficilement d’une blessure à la cuisse gauche.

Cette grosse désillusion sur terre battue aurait miné la saison de bon nombre de protagonistes du circuit mais Muguruza en a connu d’autres. Plus mature et plus sereine, elle a repris le chemin des terrains avec humilité et envie de bien faire. Une attitude qui a porté ses fruits, d’abord à Chicago début octobre puis à Guadalajara, donc. "Je suis si contente de m’être de nouveau prouvée à moi-même que je peux être la meilleure, que je peux être la "maestra" comme on dit en espagnol. Je pense que c’est ma meilleure année. Je n’ai peut-être pas gagné de Grand Chelem mais je sens vraiment que j’ai été plus heureuse, plus stable, moins dramatique et j’en suis vraiment contente" a-t-elle confirmé après sa finale victorieuse face à Anett Kontaveit.

Un tableau à sa portée

Un succès majeur que l’Espagnole n’a pas vraiment eu le temps de digérer, tant la période de transition a été courte entre les deux saisons. Impossible alors de se ressourcer ou de se challenger comme à chaque fin d’année même si son organisme et son mental ne semblent pas pour autant fragilisés, comme elle l’a expliqué à l’occasion du Media Day : "J’ai l’impression que c’est la saison la plus longue que j’ai disputée. Mais j’ai pris le repos nécessaire et retrouvé de l’énergie sans pour autant perdre mon tennis […] Je m’adapte chaque semaine à ce que je ressens". Alignée à Sydney plutôt qu’à Adélaïde, elle a démarré l’année par une victoire contre Aleksandrova avant de s’incliner en quart de finale face à Kasatkina.

Mais au-delà de la satisfaction et de la confiance, le Masters lui a aussi offert la troisième place mondiale et le tableau plus ou moins protégé qui va avec. Assurée de ne pas rencontrer Barty, Osaka, Sakkari ou encore Badosa avant la finale du tournoi, elle bénéficie de tours a priori largement à sa portée avant un éventuel duel contre Simona Halep en huitièmes puis Anett Kontaveit en quarts et Iga Swiatek ou Aryna Sabalenka en demie.

S’il ne s’agit bien sûr que de projection, les planètes semblent enfin en mesure de s’aligner pour Garbiñe, qui aborde ce Grand Chelem avec envie et philosophie. "J’ai déjà été très proche de remporter ce tournoi. Je vais essayer autant de fois que je peux et je suis enthousiaste. J’ai la certitude que je peux le faire. Physiquement, l’année où je suis parvenue en finale a été très difficile parce que je suis tombée malade mais j’ai réussi. Alors pourquoi ne pas le refaire ?". La question est légitime, reste à savoir si elle trouvera la réponse sur le terrain.