Swiatek - Muchova : deux artistes pour un chef-d'œuvre ?

La patronne des lieux est mise au défi par une épatante novice en finale de Roland-Garros.

Swiatek - Muchova
 - Naël Makhzoum

Intouchable, invulnérable, indétrônable... Double championne à Roland-Garros (2020 et 2022), Iga Swiatek n'est plus qu'à une marche de la passe de trois Porte d'Auteuil, de quatre en Grand Chelem. Ce samedi, elle sera challengée par Karolina Muchova, de quatre ans son aînée, qui a réalisé un parcours exceptionnel tant par la qualité de son tennis que par l'étendue de son tableau de chasse. La Tchèque revient de loin mais rien ne lui fait peur, pas même un duel face à la n°1 mondiale, elle qui a fait de sa spécialité de battre les têtes de série. Plus qu'une finale indécise, une ode à tout ce que le tennis a de plus brillant à proposer.

La forme du moment 💪 

L'espace de quelques secondes, un silence a envahi la salle de presse. Avant de reprendre le fil de son discours, Karolina Muchova a failli être submergée par l'émotion au moment d'évoquer son exercice 2022. "Je n'ai pas vraiment envie d'en reparler, c'était assez triste comme période", a-t-elle fini par lâcher. La Tchèque est revenue de loin. De très loin même, pour s'offrir sa première finale en Grand Chelem, à 26 ans. Elle a enchaîné les blessures, accumulé les forfaits et erré sur les tournois ITF avant de retrouver le circuit principal. Jusqu'à, enfin, refaire le plein de certitudes avec deux quarts de finale (Indian Wells et Dubaï) puis un huitième (Rome) cette année.

En arrivant Porte d'Auteuil, la native d'Olomouc n'a pas perdu de temps pour faire honneur à son statut de non tête de série la plus redoutable. En sortant dès le premier tour Maria Sakkari, demi-finaliste en 2021, elle a rapidement annoncé la couleur. Son tennis, riche et élégant, séduit autant qu'il est efficace. Qualifiées, anciennes gloires ou favorites en ont fait les frais. La dernière en date est Aryna Sabalenka, surpuissante n°2 mondiale qui n'avait jusqu'alors pas concédé la moindre manche dans le tournoi, avant de tomber sur un os ou plutôt un toucher magique.

Mais si elle s'apprête à découvrir l'Everest d'une finale en Grand Chelem, Karolina Muchova n'en est pas à sa première randonnée en altitude. Son coup d'éclat le plus retentissant est survenu il y a deux ans, en quarts de finale de l'Open d'Australie. Elle s'était alors offert le luxe de renverser Ashleigh Barty, pas encore tout à fait prophétesse en son pays, mais déjà n°1 mondiale.

Iga Swiatek est donc prévenue. L'incontestable patronne du circuit mondial, désormais assurée de rester installée sur le trône à l'issue du Grand Chelem parisien, devra trimer. Ou plutôt continuer sur la lancée de son tournoi parfait. Sans trembler, elle a éteint toute forme de concurrence.

Poussée au tie-break dans le deuxième set de sa demi-finale par la sensationnelle Beatriz Haddad Maia, elle a crié, s'est remotivée, s'est énervée puis a exulté. Son large sourire - mélange de joie et de soulagement - au moment de remercier les spectateurs, ne trompait pas. Programmée pour soulever une troisième coupe Suzanne-Lenglen à 22 ans, la favorite sait tout faire sur terre. Imposer sa loi pendant l'échange ou résister pour mieux réattaquer, avec son lift fétiche comme marque de fabrique.

Une opposition d'artistes aux pinceaux différents dont tout le monde admirera la toile commune.

Face-à-face 🆚

Karolina Muchova a l'avantage. Lors de l'unique confrontation entre les deux joueuses, la Tchèque bénéficiaire d'une wild-card s'était imposée sur la terre battue de Prague en 2019 face à la Polonaise issue des qualifications, après un combat de 2h34 (4/6, 6/1, 6/4)."Je m'en souviens très bien, explique cette dernière. C'était un de mes premiers tournois WTA. J'ai dû jouer mon dernier match de qualifications et mon premier tour contre Karolina le même jour, parce qu'il avait plu les jours précédents. Je me sentais vraiment comme une petite nouvelle, je me demandais si j'étais légitime. Je me souviens qu'elle avait très bien joué dans ce match en trois sets très accrochés. A l’époque, j'étais très stressée et épuisée par le match que j'avais joué plus tôt dans la journée." Une autre époque.

Karolina Muchova vestiaires court Philippe-Chatrier©Philippe Montigny / FFT

Entendu en conf' 🎤 

Iga Swiatek : "J'ai l'impression de bien connaître le jeu de Karolina parce que je me suis beaucoup entraînée avec elle depuis 2019. Je la regarde aussi plus que la plupart des autres joueuses. Bien sûr, un match et un entraînement n'ont rien à voir. Mais j'aime beaucoup son jeu, franchement. On a l'impression que c'est une joueuse qui sait tout faire : elle a un super toucher, elle peut accélérer le jeu. Elle joue avec un genre de liberté dans ses mouvements et a une excellente technique".

Karolina Muchova : "Je ne pense pas que je serai favorite. Mais ce qui est sûr, c'est que je peux rivaliser et me battre contre elle. Ce genre de match, c'est toujours très serré, comme contre Aryna. On ne sait jamais, on peut gagner ou perdre pour un rien, à une balle près. C'est peut-être mon état d'esprit de guerrière, de combattante qui me permettra d'avoir ma chance".

Iga Swiatek, 1/2 finales Roland-Garros 2023©Cédric Lecocq / FFT