Un jour, un point culte : Graf-Seles, l'incroyable bras de fer

 - Rémi Bourrieres

36 coups de raquette pour un chef-d'oeuvre.

Roland-Garros 1989 - Graf - Seles©FFT

8 juin 1989 – Court Central

1989, il y a 30 ans. L'année du bicentenaire de la Révolution. L'une des plus folles éditions de l'histoire de Roland-Garros. Michael Chang, bien sûr (nous y viendrons prochainement).

Et puis, chez les femmes, le public parisien fait la découverte du phénomène Monica Seles, une jeune Yougoslave de 15 ans qui distribue des roses au public et des baffes à ses adversaires : cinq jeux perdus en moyenne par match pour arriver en demi-finales, et ce pour son premier Grand Chelem…

Là, se dresse face à elle la n°1 mondiale Steffi Graf, l'invincible Steffi Graf, détentrice des cinq derniers tournois du Grand Chelem écoulés, qui "tourne" pour sa part à 2,6 jeux concédés en moyenne sur ce Roland-Garros. La plupart du temps, elle gagne dès le vestiaire…

Mais Seles n'a peur de rien. Passé un premier set un rien en dedans, elle règle la cadence de ses formidables coups à deux mains et commence à faire très mal à la double tenante du titre.

Roland-Garros 1989 - Graf - Seles©FFT

Steffi se retrouve non seulement en défense, ce qui ne lui arrive déjà pas souvent, mais de plus en plus régulièrement débordée. Le combat fait rage. Il est âpre, somptueux, indécis.

Aux cris stridents de Seles, l'Allemande oppose le ballet silencieux et magnifique de son jeu de jambes. Les deux jeunes femmes ne lâchent rien.

La Yougoslave, qui sera plus tard naturalisée Américaine, n'est pas loin de prendre l'ascendant au troisième set. Elle mène 2-1, 30-0. Graf recolle. Le match atteint le paroxysme de sa beauté, de son intensité. Jusqu'à ce chef-d'œuvre absolu.

La minute la plus chaude

Il survient à 4-3, 40-40. Monica vient de manquer une balle de 4-4. L'échange s'instaure. Il s'achèvera une minute et 36 coups de raquette plus tard, à une vitesse supersonique, par un coup droit gagnant de Steffi (évidemment), qui a même frappé un rarissime revers recouvert durant l'échange.

C'est probablement la minute la plus chaude du tournoi. Elle se prolonge par une minute supplémentaire de standing-ovation.

Seles perd le point, puis le match (6/3, 3/6, 6/3), mais époustoufle son monde. Malgré sa défaite, elle aura le fair-play de s'arrêter auprès pour une interview télé à chaud, lors de laquelle elle reconnaîtra spontanément que ce point a constitué le tournant du match.

Épuisée, Steffi, elle, a filé aux vestiaires. Elle s'inclinera en finale contre une autre adolescente, de 17 ans celle-là : Arantxa Sanchez.