Victoires en images : l'œil des photographes de Roland-Garros

 - Elodie Iriart

Le désir de victoire ne laisse aucune joueuse ni aucun joueur en paix.

Cédric Lecocq / Photographe Roland-Garros 2020©Pauline Ballet / FFT

Le public de Roland-Garros veut un combat, des cris, des larmes, du génie, de l’élégance et du courage, tout en vrac et en simultané. Les photographies de victoires à Roland-Garros récapitulent ces mêmes émotions pures à chaque triomphe d’un point, d’un jeu, d’un match, peu importe l'issue finale. Les visages ivres de bonheur des champions vainqueurs sur terre battue et poussant un cri, s’agenouillant, tombant au sol, levant le poing en l'air ou la raquette au ciel.

Chacun d’entre nous a en mémoire l’image de ces athlètes au moment de la victoire. Leur bonheur et ces émotions incroyables. Il n’y a d’ailleurs que le sport pour offrir un spectacle d’émotions à ce point intense et indescriptible. Nulle part ailleurs la joie (ou au contraire aussi la désillusion) ne s’exprime avec autant de force. Nulle part ailleurs que sur les courts ocres du Stade de la Porte d’Auteuil. Capturer ce sacre, cet instant éphémère est tout un art. Rendez-vous une nouvelle fois derrière l’objectif des photographes officiels de Roland-Garros, ces ravisseurs d’images, nos créatifs de l’instantané.

Cinq d'entres eux ont accepté de se prêter au jeu des confidences et nous partagent leur photographie de victoire fétiche.

Stefanos Tsitsipas / Roland-Garros 2021©Pauline Ballet / FFT
Quand ?

Roland-Garros 2021

Quelle victoire ?

Victoire en demi-finale de Stefanos Tsitsipas

Derrière l'objectif, pile à cet instant-là, que se passe-t-il et que ressens-tu ?

Pauline Ballet : Stefanos Tsitsipas remporte sa place en finale de Roland-Garros pour la première fois face à Alexander Zverev après 5 sets acharnés. A cet instant précis je suis surtout contente qu'il se retourne et réagisse dans le bon sens. Ne pas être positionnée au meilleur endroit est l'une des craintes lors des balles de match pour un photographe.

Qu'est-ce qui selon toi fait une belle photo de victoire au tennis ?

PB : Une pure émotion sur un arrière-plan épuré.

Qu'est-ce qui te plait le plus dans la photographie de tennis ?

PB : L'effet "arène" dans les courts. Les recoins divers des courts. Guetter la précision du geste, la concentration individuelle et les réactions prises sur le vif.

Qu'est-ce que tu retrouves nulle part ailleurs qu'à Roland-Garros spécialement ?

PB : Les couleurs de la terre battue, la lumière printanière de fin de journée, la fosse, la terrasse, les ombres et la fine équipe photo officielle.

Qu'est-ce qui, selon toi, crée l'esthétique unique d'une photo de victoire à Roland-Garros ?

PB : Ce que je préfère je crois, ce sont les photos de joie sur fond de terre battue. Quand le joueur ou la joueuse s'écroule au sol.

Quelle est la joueuse ou le joueur (de tennis) que tu adores photographier de manière générale ?

PB : Roger Federer

Sur l'édition Roland-Garros 2022 à venir, qui souhaiterais-tu voir triompher ?

PB : Hugo Gaston

Kristina Mladenovic & Caroline Garcia / Roland-Garros 2016©Amelie Laurin / FFT
Quand ?

Roland-Garros 2016

Quelle victoire ?

Titre en finale du double dames de Caroline Garcia et Kristina Mladenovic

Derrière l'objectif, pile à cet instant-là, que se passe-t-il et que ressens-tu ?

Amélie Laurin : Je suis émue par leur joie, c'est magnifique. Des Françaises gagnent à Roland ! Le troisième set a été serré, ce n'était pas gagné d'avance. Leur victoire n'en est que plus belle et plus intense. Et puis en double, les sentiments sont partagés. Je les vois se prendre dans les bras, et du coin de l'œil j'observe leurs adversaires qui se rapprochent et vont faire de même. Je continue de "déclencher" tout en surveillant ce moment pour donner de la profondeur à ma photo.

Qu'est-ce qui selon toi fait une belle photo de victoire au tennis ?

AL : C'est évidemment l'émotion. Il faut capter le moment où l'émotion de la joueuse ou du joueur est la plus belle, la plus spontanée, la plus touchante. Ce qui est difficile, c'est qu'on est ému aussi derrière l'objectif. Mais il ne faut pas perdre le point ni arrêter de penser au cadrage, à l'arrière plan etc… qui sont tout aussi important pour une bonne lecture de l'image que l'empreinte émotionnelle seulement.

Qu'est-ce qui te plait le plus dans la photographie de tennis ?

AL : La photo de tennis, c'est de la puissance et de la grâce dans le mouvement, un instant précis capturé dans ce même mouvement, de l'émotion. Et quand le dieu de la photo de tennis est avec nous c'est aussi une lumière, des ombres, un contre-jour. C'est chercher où se placer, chercher à anticiper. L'attention est à son paroxysme lors des balles de set et des balles de match, c'est chercher les détails… Voilà tout ce que j'aime. 

Qu'est-ce que tu retrouves nulle part ailleurs qu'à Roland-Garros spécialement ?

AL : Une équipe géniale ! C'est un vrai plaisir d'en faire partie. Collaborer avec des personnes talentueuses pousse à se surpasser artistiquement, et ce sont aussi des personnes bienveillantes qui font du bien humainement.

Qu'est-ce qui, selon toi, crée l'esthétique unique d'une photo de victoire à Roland-Garros ?

AL : Il y a la terre battue qui colle à la tenue ou à la peau des joueurs, qui laisse apparentes les dernières traces de l’affrontement. La liesse décuplée car il s'agit d'un tournoi majeur…

Quelle est la joueuse ou le joueur (de tennis) que tu adores photographier de manière générale ?

AL : J'aime photographier les joueuses et joueurs les plus expressifs, parce que leur émotion passera à travers la photo. Je pense à Serena Williams, à Rafael Nadal, à Cori Gauff, mais aussi à Hugo Gaston chez les Français.

Sur l'édition Roland-Garros 2022 à venir, qui souhaiterais-tu voir triompher ?

AL : Je dirais de nouveau Rafael Nadal, c'est fascinant de voir quelqu'un battre des records. Chez les dames, plus difficile à dire, plus imprévisible, j'aimerais voir Maria Sakkari je pense.

Novak Djokovic / Roland-Garros 2021©Nicolas Gouhier / FFT
Quand ?

Roland-Garros 2021

Quelle victoire ?

Victoire en quart de finale de Novak Djokovic

Derrière l'objectif, pile à cet instant-là, que se passe-t-il et que ressens-tu ?

Nicolas Gouhier : La victoire de Novak Djokovic sur Matteo Berrettini en 1/4 de finale. L'Italien pousse le Serbe à la limite d'un 5ème set. Dans un stade à huis-clos, sans ambiance, dans un silence assourdissant, sans que personne ne s'y attende, Djokovic laisse exploser toute la tension accumulée au fil du match. Le cri est effroyable, glaçant. Cette image traduit toute la complexité de ce sport, le mental qui peut à tout moment retourner un match. Mais n'est pas Djokovic qui veut. On l'aime ou on le déteste, mais nul ne peut contester son talent.

Qu'est-ce qui selon toi fait une belle photo de victoire au tennis ?

NG : Justement, ce que je viens d'expliquer au travers de cette image. Elle n'est pas particulièrement esthétique. Elle traduit simplement et exactement le chemin émotionnel par lequel le protagoniste est passé tout au long de la rencontre. C'est l'image du match.

Qu'est-ce qui te plait le plus dans la photographie de tennis ?

NG : Le sport en lui-même. Je suis fan, j'adore le pratiquer. C'est un sport compliqué à photographier. Hormis les coups droits et revers qui sont simples à capturer, il faut savoir s'attacher à des détails, des postures, des réactions qu'il faut savoir saisir. Il faut pour cela une concentration extrême.

Qu'est-ce que tu retrouves nulle part ailleurs qu'à Roland-Garros spécialement ?

NG : Ma bande de potes du service photo !!! On se retrouve tous les ans, l'équipe s'étoffe au fil des années car la demande en matière d'images ne cesse d'augmenter. Du coup, les potes sont plus nombreux. C'est un vrai vrai bonheur !

Qu'est-ce qui, selon toi, crée l'esthétique unique d'une photo de victoire à Roland-Garros ?

NG : Je renvoie à la question un peu plus haut. L'esthétique d'une photo est subjective. Ce que je trouve beau peut ne pas l'être pour d'autres.

Quelle est la joueuse ou le joueur (de tennis) que tu adores photographier de manière générale ?

NG : Toujours Rafa. Il m'inspire. Ce qu'il donne pour ce sport est vraiment remarquable. Comme Djokovic, on l'aime ou on le déteste. Son humilité mérite le respect. Juste un exemple : un peu en retard avant un match il y a deux ans, je descends précipitamment l'escalier qu'empruntent les protagonistes pour rejoindre le Court Central et réaliser des photos de la préparation des joueurs. Nadal revient en courant de son échauffement dans le couloir, je suis à deux doigts de le percuter... C'est lui qui s'excuse ! Moi je l'adore.

Sur l'édition Roland-Garros 2022 à venir, qui souhaiterais-tu voir triompher ?

NG : Je n'ai pas de favori en particulier. J'ai surtout hâte de retrouver un Roland-Garros plein à craquer !

Rafael Nadal / Roland-Garros 2018©Cédric Lecocq / FFT
Quand ?

Roland-Garros 2018

Quelle victoire ?

Titre en finale simple messieurs de Rafael Nadal

Derrière l'objectif, pile à cet instant-là, que se passe-t-il et que ressens-tu ?

Cédric Lecocq : Victoire de Rafael Nadal en 2018. Je suis derrière son clan dans une tribune en hauteur avec le public, et lorsqu’il gagne et que je le vois se retourner et lever les bras en regardant vers le ciel, je sais que j’ai une belle photo. On se sent tout de suite privilégié d’avoir vécu un tel moment.

Qu'est-ce qui selon toi fait une belle photo de victoire au tennis ?

CL : Il faut que plusieurs événements favorables s’enchainent. Comme l’enjeu et l’intensité du match, l’émotion du joueur et bien sûr une belle lumière.

Qu'est-ce qui te plait le plus dans la photographie de tennis ?

CL : Quand les joueurs commencent un match, on dispose en général d’environ 2 heures pour les photographier, ce qui permet de faire une multitude d’angles de vue, jusqu’aux gros plans qui permettent d’aller au fond des détails et des émotions.

Qu'est-ce que tu retrouves nulle part ailleurs qu'à Roland-Garros spécialement ?

CL : La proximité du public avec les joueurs, particulièrement la première semaine du tournoi.

Qu'est-ce qui, selon toi, crée l'esthétique unique d'une photo de victoire à Roland-Garros ?

CL : La poussière de terre battue sur la tenue du joueur.

Quelle est la joueuse ou le joueur (de tennis) que tu adores photographier de manière générale ?

CL : J’aime photographier tous les styles de joueurs. Certains ont une classe à part, une élégance spéciale, comme Roger Federer ou Serena Williams, Rafael Nadal ou Gael Monfils.

Sur l'édition Roland-Garros 2022 à venir, qui souhaiterais-tu voir triompher ?

CL : J’aimerais voir un jour la victoire de Carlos Alcaraz ou d’un joueur français à Roland-Garros. Pourquoi pas en 2022 ?

Amélie Mauresmo / Roland-Garros 2006©Corinne Dubreuil / FFT
Quand ?

Roland-Garros 2006

Quelle victoire ?

Jeu, pendant le 8ème de finale face à Nicole Vaidisova

Derrière l'objectif, pile à cet instant-là, que se passe-t-il et que ressens-tu ?

Corinne Dubreuil : C'est une photo typique d'Amélie Mauresmo. Le poing rageur et la queue de cheval qui vole dans la lumière rasante de fin de journée. 2006 est l'année où Amélie remporte ses deux tournois du Grand Chelem. Elle a gagné l'Australie et forcement elle est plus attendue que jamais à Paris. Au moment où je prends la photo, je me dis que c'est "son" année à Roland ! Amélie s'inclinera ce jour-là en 1/8e face à Nicole Vaidisova.

Qu'est-ce qui selon toi fait une belle photo de victoire au tennis ?

CD : Je pense qu'il faut essayer de capturer au mieux ce que ressent le joueur. Le regard souvent exprime beaucoup de choses. Après, si le match est serré, les émotions seront décuplées et les photos d'autant plus fortes. À nous de jouer pour être au meilleur endroit et anticiper ce qu'il peut se passer.

Qu'est-ce qui te plait le plus dans la photographie de tennis ?

CD : La variété des joueurs, des lieux, des coups et de tout ce qui est lié au tennis. Et bien sûr "l'amour" que j'ai pour le tennis et la photographie.

Qu'est-ce que tu retrouves nulle part ailleurs qu'à Roland-Garros spécialement ?

CD : Cette couleur de terre battue qui est sublimée par la lumière de printemps ! La multitude d'angles qui nous est offerte nous donne une grande liberté pour nous exprimer.

Qu'est-ce qui, selon toi, crée l'esthétique unique d'une photo de victoire à Roland-Garros ?

CD : Lorsque tu arrives à montrer l’émotion que ressent le joueur alliée à la position idéale pour que ta photo soit réussie.

Quelle est la joueuse ou le joueur (de tennis) que tu adores photographier de manière générale ?

CD : Je ne vais pas être très originale en nommant Rafa. Mais il y a beaucoup d'autres joueurs que j'aime photographier comme Djokovic, Tsitsipas, Rublev, Thiem ou Stan. Et chez les femmes Sakkari, Swiatek ou bien évidemment Serena.

Sur l'édition Roland-Garros 2022 à venir, qui souhaiterais-tu voir triompher ?

CD : Allez, un petit 22 pour Rafa ! J'aimerais bien que Dominic Thiem ou Stefanos Tsitsipas s'impose un jour à Roland. Et pourquoi pas voir Novak rejoindre Rafa avec 21 Grands Chelems. Les paris sont ouverts !