Nadal, Djokovic, Alcaraz… Les enjeux de Madrid

 - Romain Vinot

Cette semaine, la Caja Magica accueille les meilleurs joueurs du monde à l’occasion du deuxième Masters 1000 de la saison sur terre battue.

Novak Djokovic et Rafael Nadal / Roland-Garros 2021©Philippe Montigny / FFT

Alors que le tableau féminin a déjà connu son lot de surprises et de confrontations passionnantes, au tour des hommes de faire leur entrée en lice ce dimanche à Madrid. Des retours aux confirmations en passant par une recherche accrue de confiance et de sensations à quelques poignées de jours de Roland-Garros, les enjeux de cette édition 2022 du Mutua Madrid Open sont nombreux.

Nadal - Djokovic : destins croisés

C’est un petit événement sur le circuit principal. Pour la première fois depuis l’édition 2021 de Roland-Garros, Rafael Nadal et Novak Djokovic vont prendre part au même tournoi. Eloigné des terrains pour soigner une blessure au pied handicapante depuis de nombreuses années, le Majorquin avait assisté depuis son canapé au sacre du Serbe à Wimbledon ou encore à sa finale à l’US Open. Idem pour le numéro un mondial, privé d’Open d’Australie en raison du contexte sanitaire et qui a salué de loin le 21e titre du Grand Chelem conquis par son plus grand rival à Melbourne. Mais s’ils ont chacun leur tour connu de grandes réussites depuis leur exceptionnelle demi-finale livrée sur le court Philippe-Chatrier, la question de leur état de forme – malgré deux dynamiques bien différentes – est légitimement sur toutes les lèvres à la veille du deuxième Masters 1000 sur terre battue de la saison. D’autant que les deux hommes ont été placés dans la même partie de tableau et pourraient donc livrer une première bataille dès les demi-finales.

Auteur du meilleur début de saison de sa carrière avec trois titres (ATP 250 de Melbourne, Open d’Australie et ATP 500 d’Acapulco), une finale (Indian Wells) et vingt victoires consécutives, Rafael Nadal a de nouveau été stoppé dans son superbe élan par une douleur physique ressentie face à Taylor Fritz dans le désert californien. Une fissure à une côte qui l’a empêché de prendre part au Masters 1000 de Monte-Carlo mais également à l’ATP 500 de Barcelone où il était tenant du titre. C’est donc un "Rafa" en manque de repères sur terre battue qui a posé ses valises dans la capitale espagnole. Enthousiaste malgré tout, le meilleur joueur de l’histoire sur ocre va pouvoir se tester avant d’aller défendre son titre à Rome et de tenter de récupérer sa couronne Porte d’Auteuil. "Même si j'arrive à court de préparation et que ça va être difficile, j'ai très envie de jouer, et particulièrement à la maison où les opportunités sont rares. Je vais essayer de le faire du mieux possible" a-t-il confié à ses fans sur ses réseaux sociaux cette semaine.

Battu par Alexander Zverev en quart de finale l’an passé, le Majorquin n’a pas été épargné par le tirage au sort puisqu’il pourrait débuter face à l’homme en forme Miomir Kecmanovic avant éventuellement de retrouver Carlos Alcaraz en quarts et donc Novak Djokovic en demi-finale. Ainsi, un beau parcours malgré des conditions de jeu qui ne conviennent pas totalement à son tennis pourrait pleinement le rassurer dans cette dernière ligne droite avant Roland.

Se rassurer et aller de l’avant, c’est également ce que vise Novak Djokovic dans la capitale espagnole. Le Serbe, de nouveau installé sur le trône du tennis mondial, n’avait disputé que trois petites rencontres avant son retour à la compétition sur la terre battue de Monte-Carlo. Et si les attentes étaient très élevées, sa défaite dès son entrée en lice face à Alejandro Davidovich Fokina a fait l’effet d’une douche froide pour tous ses fans. Ces derniers ont quelque peu été soulagés par de superbes renversements de situation dont lui seul à le secret à Belgrade. Mais sa défaite en finale face à Andrey Rublev a fait naître une interrogation légitime quant à ses capacités physiques.

Diminué par ses combats en trois sets contre Laslo Djere, Miomir Kecmanovic et Karen Khachanov, le "Djoker" a tenu la dragée haute au Russe pendant deux manches avant de complètement s’écrouler (6/2, 6/7(4), 6/0), évoquant notamment une préparation tronquée par une maladie sur laquelle il n’a pas donné plus de détails. "Cela a considérablement affecté mon métabolisme pendant plusieurs semaines […] Je ne pense pas avoir déjà vécu ça depuis le début de ma carrière. C'est pour cela que je pense que c'est relié à cette maladie. Ça a été vraiment difficile pour moi et j'imagine que la récupération prendra un peu plus de temps que prévu" a-t-il simplement expliqué. Pour en savoir plus sur son niveau de jeu, rien de tel qu’un possible enchaînement de rencontres face à Gaël Monfils, Denis Shapovalov puis Casper Ruud avant de retrouver Nadal ou Alcaraz !

Alcaraz a (encore) tout à gagner

Après Nadal et Djokovic, il est désormais le joueur le plus observé du circuit. Sur les pas de son idole depuis ses titres à Miami et Barcelone et son entrée fracassante dans le Top 10 mondial à quelques jours de souffler ses 19 bougies, Carlos Alcaraz peut encore franchir une nouvelle étape à Madrid. Bien entouré par une équipe en recherche constante de performance, le jeune prodige aux deux visages – la rage de vaincre sur le terrain et les grands sourires à l’extérieur du court – a la tête sur les épaules et semble capable de tout.

Si son élimination précoce en 16e de finale à Monte-Carlo avait semé un léger doute quant à sa capacité à se renouveler après une première partie de saison exceptionnelle, son parcours en Catalogne et son enchaînement demi-finale / finale le même jour ont remis l’église au centre du village. Révélé l’an dernier à la même époque, c’est peu dire que le protégé de Juan Carlos Ferrero a complètement changé de dimension depuis.

Joueur déjà complet et imperméable à toute forme de pression, il a alterné les victoires écrasantes et les succès au mental ces dernières semaines, nourrissant constamment sa nouvelle réputation de joueur quasi invincible. Sur une série de vingt-trois victoires pour seulement trois défaites cette saison, il talonne désormais "Rafa" et Stefanos Tsitsipas à la Race. A Madrid – tout comme prochainement à Rome et Roland-Garros – son nouveau classement lui offre des premiers tours à sa portée face à Nikoloz Basilashvili ou Fabio Fognini puis vraisemblablement Cameron Norrie. Et s’il s’était incliné ici même l’an passé le jour de ses 18 ans face à son modèle, nul doute que l’alléchant quart de finale annoncé entre les deux hommes sera de toute autre facture. Mais quoi qu’il arrive, il a tout à gagner et peu à perdre.  

Zverev, Tsitsipas, Ruud : une question de confiance

Contrairement au phénomène espagnol, Alexander Zverev a bien plus à perdre à Madrid. Tenant du titre et auteur d’une saison magnifique l’an passé (six titres dont les Jeux Olympiques et les ATP Nitto Finals), l’Allemand traverse une crise de confiance symbolisée par sa défaite surprise dès son entrée en lice à Munich face au jeune Holger Rune. "Je suis désolé pour les gens qui ont assisté au match et pour le tournoi. Je n'ai pas d'excuse, ce n'est pas la faute de mon préparateur physique ou de mon entraîneur. Chercher des responsables autres que moi ne serait pas digne d’une personne intelligente […] J'ai joué mon pire match depuis ces 6-7 dernières années. J’ai fait du mieux que j'ai pu, même si ça ne s'est pas vu sur le court" a-t-il commenté, visiblement touché par ce nouveau revers. Placé dans la partie basse du tableau, celui qui a de nombreux points à défendre pourrait rapidement croiser sur sa route Sebastian Korda et Jannik Sinner ou Felix Auger-Aliassime avant une demi-finale annoncée face à Stefanos Tsitsipas, qui l’a sèchement battu à Monte-Carlo.

En s’offrant un deuxième titre consécutif en Principauté, le Grec est quant à lui entré dans un cercle très fermé, dans lequel tous les membres ont au moins une fois remporté Roland-Garros. De quoi donner de bonnes idées au finaliste de Roland-Garros 2021, dont l’ambition ne cesse de grandir chaque saison. Seulement, à Barcelone comme à Miami, son parcours s’est brusquement interrompu face à Carlos Alcaraz, ce qui laisse planer un doute sur sa capacité à constamment se sublimer. Placé lui aussi dans la partie basse par le tirage au sort, il ne pourra pas croiser Nadal, Djokovic ou Alcaraz avant la finale.

Enfin, d’autres joueurs voudront "se rassurer" à Madrid suite à une ou plusieurs déconvenues ces dernières semaines. C’est notamment le cas de Casper Ruud, battu par Botic van de Zandschulp à Munich ou Felix Auger-Aliassime tombé contre Sebastian Korda à Estoril.

Thiem – Murray, premier tour étoilé

A Madrid, nul besoin d’attendre les huitièmes ou les quarts de finale pour assister à un match pop-corn. Le hasard du tirage au sort a en effet placé deux vainqueurs de Grand Chelem face à face dès le premier tour. Bénéficiaire d’une wild-card alors qu’il ne comptait pas spécialement disputer la saison sur terre battue, Andy Murray va se mesurer à Dominic Thiem. Deux combattants très appréciés sur le circuit et qui souhaitent retrouver la lumière après une traversée du désert plus ou moins longue. Si le Britannique a déjà prouvé à de nombreuses occasions qu’il n’avait rien perdu de son envie et de sa rage de vaincre, l’Autrichien n’a qu’un mois de compétition dans les jambes et peine encore logiquement à retrouver son niveau de jeu. Un premier tour étoilé à ne manquer sous aucun prétexte.