Wimbledon 2022 : Alcaraz – Sinner, les nouveaux herbivores

 - Romain Vinot

Carlos Alcaraz et Jannik Sinner s’affrontent ce dimanche dans un duel prometteur. Objectif : un premier quart de finale à Wimbledon.

Carlos Alcaraz / Wimbledon 2022©Corinne Dubreuil / FFT

En manque de repères et privés de performance de référence sur gazon au moment de poser leurs valises à Londres, Carlos Alcaraz et Jannik Sinner vont pourtant bel et bien se disputer une place en quarts de finale. Un choc aux allures de futur "classique" entre les deux plus jeunes joueurs encore en lice dans le tableau masculin de ce Wimbledon 2022.

Pour Sinner, le gazon n’est plus maudit

En soi, retrouver Jannik Sinner en huitièmes de finale d’un Grand Chelem n’est plus une surprise. L’Italien – qui fêtera ses 21 ans en août – était déjà parvenu à ce stade de la compétition dans les trois autres Majeurs, atteignant même précocement le top 8 à Roland-Garros en 2020 avant de récidiver en janvier 2022 à l’Open d’Australie. Mais son jeu puissant et technique semblait perdre de sa superbe sur herbe. Eliminé au premier tour par Marton Fucsovics lors de sa seule participation à Wimbledon l’an passé, le natif de San Candido a entamé sa campagne 2022 avec un bilan alarmant sur cette surface si spécifique : six matchs, six défaites.

Le point noir d’une jeune carrière déjà couronnée de succès (5 titres) pour celui qui a atteint le top 10 mondial en novembre 2021 (n°9). Une anomalie finalement réparée avec brio dès le premier tour face au revenant Stan Wawrinka puis contre Mikael Ymer. Deux rencontres solides conclues en quatre manches, presque au métier. De quoi prendre confiance avant un challenge encore plus relevé en la personne de John Isner. Tombeur d’Andy Murray au tour précédent, l’Américain est certes devenu le recordman du nombre d’aces réalisés sur le circuit depuis que l’ATP comptabilise cette statistique (il a dépassé Ivo Karlovic, bloqué à 13 728) mais n’a rien pu faire face à Sinner. Impérial sur sa ligne de fond de court, l’Italien s’est même offert le luxe de remporter le seul tie-break de la partie, exercice où son adversaire excelle pourtant habituellement. Un succès net face à un spécialiste qui lui ouvre forcément encore davantage l’appétit.

Alcaraz, l’impressionnante montée en puissance

S’il avait certes déjà connu le succès au All England Club, Carlos Alcaraz ne s’est pas présenté avec beaucoup plus d’expérience que son futur vis-à-vis au moment d’entamer cette édition 2022. Eliminé au deuxième tour pour son premier Wimbledon par Daniil Medvedev, le Murcien n’a même disputé aucun match de préparation suite à son Roland-Garros énergivore, conclu par une épique défaite en quarts de finale face à Alexander Zverev. De quoi sans doute expliquer ses tâtonnements lors de son énorme combat en cinq sets face à Jan-Lennard Struff (4h11) pour son entrée en lice. "Je ne ressens pas de pression, je veux juste acquérir de l’expérience et profiter de chaque match" a-t-il alors déclaré, conscient sans doute que la route serait longue avant d’être parfaitement à l’aise sur le gazon londonien.

Dur au mal et bien au fait de son incroyable potentiel, le protégé de Juan-Carlos Ferrero a nettement accéléré la cadence lors des deux tours suivants, d’abord face à Tallon Griekspoor et surtout contre Oscar Otte. Demi-finaliste à Stuttgart et Halle, l’Allemand nourrissait de grandes ambitions, d’autant que sa fraîcheur physique et son vécu parlaient pour lui. L’adversaire parfait pour marquer les esprits, tant le prodige espagnol s’est baladé sur le court, ne concédant que six jeux durant toute la rencontre, sans jamais perdre son engagement (6/3, 6/1, 6/2). Un brillant succès ponctué par six breaks, 37 coups gagnants, 8 fautes directes et 88% de points gagnés derrière sa première balle. "J'ai joué incroyablement bien aujourd'hui a-t-il confié avec le sourire en conférence de presse. C’est ma meilleure performance jusqu'à présent et je suis vraiment heureux de ce niveau que je vais essayer de maintenir au prochain tour".

Trajectoires similaires

Un huitième de finale contre Jannik Sinner donc, dont la carrière et le parcours dans cette édition présentent de nombreuses similitudes avec la trajectoire de Carlos Alcaraz. Si presque deux ans les séparent, ces phénomènes de précocité ont brisé plusieurs plafonds de verre au même âge. Tous deux vainqueurs des Next Gen ATP Finals (en 2019 et 2021), ils ont également atteint les quarts de finale lors de leur première participation à Roland-Garros 2020 pour Sinner et à l’US Open 2021 pour Alcaraz. Un bouleversement de la hiérarchie confirmé dès la saison suivante, ce qui justifie parfaitement les grands espoirs placés en eux. Une ascension phénoménale peut-être encore plus impressionnante pour l’Espagnol désormais 7e mondial et vainqueurs de ses deux premiers ATP 1000 à Miami puis Madrid cette année.

Carlos Alcaraz, Jannik Sinner, Rolex Paris Masters 2021© Cédric Lecocq/FFT

Concurrence saine et respectueuse

Des titres et des victoires face aux meilleurs joueurs du monde qui suscitent l’admiration du circuit et de tous les observateurs tout comme l’attitude exemplaire des deux joueurs sur le terrain, à l’image de ce point donné par Carlos Alcaraz à Oscar Otte, auteur d’un sublime coup non comptabilisé suite à une annonce arbitrale erronée.

Un respect mutuel entre ces pépites, qui s’entraînent régulièrement ensemble et se croisent toujours avec le sourire dans les plus belles enceintes du monde. "Nous entretenons une bonne relation. On se parle dans les vestiaires, lui en espagnol et moi en italien, on fait un mixte mais on se comprend très bien a expliqué Jannik Sinner en conférence de presse. En dehors du terrain, nous sommes de bons amis. Après nos matchs respectifs, nous nous sommes retrouvés dans le bain de glace ! Je pense qu’on s’entend bien et j’espère que ça pourra durer de nombreuses années car c’est le plus important. Sur le court, on veut tous les deux gagner et ce match sera excitant".

Même son de cloche du côté du Murcien - vainqueur de leur seule confrontation sur le circuit ATP au Rolex Paris Masters l’an passé (7/6(1) 7/5) -, qui apprécie les qualités tennistiques et humaines de son futur opposant. "Jannik est un très bon joueur, il joue de manière incroyable et il a un très bon niveau ici sur gazon. Il a remporté de gros matchs donc ce sera un huitième de finale difficile a-t-il analysé avant d’ajouter un mot sur leur relation. Je le connais bien, on a une très bonne relation. Quand on se croise en dehors du terrain, je lui fais des blagues !".

Si seul un des deux joueurs pourra arborer un large sourire demain à l’issue de leur huitième de finale, nul doute que le spectacle ravira tous les chanceux spectateurs qui assisteront à ce duel d’avenir.