Emma Raducanu, l'extraordinaire conte de fées

 - Romain Vinot

A seulement 18 ans, Emma Raducanu a remporté son premier tournoi du Grand Chelem au terme d’une finale intense et plaisante face à Leylah Fernandez.

Emma Raducanu / US Open 2021 Trophy©Pete Staples / USTA

Jusqu’au bout, cette édition féminine de l’US Open aura été réjouissante. Loin d’être tétanisées par l’enjeu, les deux teenagers ont livré une bataille de haut-niveau, indécise jusqu’au dernier point. La conclusion parfaite d’une aventure hallucinante.

Un exploit majeur

Invraisemblable, magique, surréaliste, exceptionnelle… Les adjectifs ne suffisent plus pour qualifier la performance historique réalisée par Emma Raducanu à l’occasion de cet US Open 2021. La Britannique de 18 ans est devenue hier soir la première joueuse (hommes et femmes confondues) issue des qualifications à remporter un tournoi du Grand Chelem. Quarante-quatre ans après Virginia Wade – dernière Britannique vainqueur d’un Grand Chelem, à Wimbledon –, elle ouvre son palmarès de la plus belle des manières, à l’occasion de sa deuxième participation seulement à un Majeur.

Si son huitième de finale à Wimbledon avait déjà suscité la curiosité, son aventure à l’US Open force l’admiration et a été logiquement saluée aussi bien par des grands noms du monde du tennis, que par la famille royale. « Wimbledon était une expérience incroyable. Parvenir en huitième de finale, en deuxième semaine, je n’arrivais pas à y croire. Mais j’avais encore faim, je suis venu aux Etats-Unis et l’enchaînement des matchs et des tournois m’ont donné confiance pour améliorer mon jeu et ma frappe de balle » a-t-elle expliqué en conférence de presse.

Plus jeune vainqueur en GC depuis Maria Sharapova (17 ans) en 2004, elle s’est également offert le luxe de remporter ses dix rencontres (qualifications comprises) sans perdre le moindre set et en ne concédant que cinquante jeux au total. Un parcours fabuleux pour une joueuse qui n’était que 338ème mondiale fin juin, 150ème au début du tournoi et qui sera 23ème ce lundi. « C’est un rêve absolu […] Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire demain. J'essaie juste de profiter du moment, de tout retenir. Je pense vraiment que c'est le moment de laisser tomber toute pensée future, tout plan, tout programme. En ce moment, je ne me soucie pas du tout du reste, je profite juste de la vie ! » a-t-elle joyeusement poursuivi.

Une finale enthousiasmante

Ceux qui craignaient que les deux joueuses soient totalement paralysées lors de cette finale complètement inattendue ont rapidement été rassurés. Après des premiers services bien négociés, Emma Raducanu a tout de suite mis la pression sur son adversaire. Un jeu de onze minutes au cours duquel Leylah Fernandez est parvenue à sauver cinq balles de break, mais pas la sixième. Insuffisant pour déstabiliser la Canadienne, capable de recoller dès le retour suivant. Il faut dire qu’elle en a vu d’autres durant son incroyable quinzaine.

S’en sont alors suivis des jeux accrochés où les deux teenagers semblaient tour à tour capables de faire basculer cette première manche. Si la tension et certaines prises de risque ont inévitablement engendré des fautes, le niveau de jeu est monté crescendo. Le sourire malicieux de la native de Montréal a parfois tranché avec les regards interrogatifs et inhabituels de la Britannique envers son clan. C’est pourtant elle qui virait en tête, en convertissant sa quatrième balle de set d’un coup droit long de ligne magistral sur le service adverse.

Agressée sur ses deuxièmes balles, la plus âgées des deux joueuses (à quelques jours près) a de nouveau dû s’employer pour sauver trois balles de break d’entrée de deuxième manche, avant de finalement prendre les commandes ! Menacée par ce début de rébellion, Raducanu a une nouvelle fois prouvé que la pression n’avait que très peu d’effet sur sa qualité de jeu. Des services extérieurs aux coups droits long de ligne en passant par des retours courts croisés : elle a exposé sa très belle panoplie à l’occasion de ce deuxième set. Idéal pour se détacher malgré le courage et la résistance de la 73ème joueuse mondiale.

Un sang-froid époustouflant

Sans jamais paniquer malgré l’énorme enjeu et leur manque d’expérience, les deux phénomènes ont offert un spectacle de grande qualité au public du court Arthur Ashe, bien incapable de prendre totalement parti. Au bord du gouffre à 5/2, Leylah est parvenue à sauver deux premières balles de match pour contraindre Emma à servir pour le gain du tournoi.

La rencontre n’attendait alors qu’une étincelle pour basculer dans la folie pure. Mais ce moment clé, si difficile à gérer psychologiquement n’a pas fait vaciller la future championne, qui a tout donné, au point de s’ouvrir légèrement le genou sur une longue glissade. « Je ne voulais pas vraiment m'arrêter parce que je pensais que cela allait perturber mon rythme. J’allais servir à 30-40 et avoir une pause aussi longue après un point, ce n’est pas bon. Mais je ne pouvais pas continuer à jouer, mon genou saignait. L'arbitre a dit que je devais me faire soigner tout de suite. J’ai essayé de réfléchir à ce que j’allais faire parce que reprendre après ça n’était pas facile » a-t-elle expliqué.

Le temps mort médical de trois minutes nécessaire à panser la plaie ne l’a finalement pas empêchée de sauver une deuxième balle de break avant de servir quelques secondes plus tard un ace extérieur synonyme de titre. De quoi s’écrouler d’émotions avant d’aller partager ce succès historique avec son clan.

L’avenir s’annonce radieux

Au-delà des faits, des statistiques et du talent pur qui donnent évidemment le tournis, son attitude sur le terrain et en dehors transpire la maturité, le sang-froid et la détermination. Des qualités rares pour une joueuse aussi jeune mais que possède également son adversaire du soir. Car si la place de finaliste a toujours un goût amer, il faudra se souvenir de ce qu’a réalisé Leylah Fernandez durant ce tournoi.

Eliminer Osaka, Kerber, Svitolina et Sabalenka au meilleur des trois manches à seulement 19 ans relève de l’exceptionnel. « Je suis déçue mais cette défaite va me pousser à en faire encore plus à l’entraînement et à faire mieux à ma prochaine occasion. Mais je suis très contente de moi, de mon tournoi, de mon jeu et de mon attitude sur le terrain ces deux dernières semaines. J’ai progressé, non seulement d’un point de vue tennistique mais aussi sur le plan moral et émotionnel. Je suis heureuse et j’espère que l’année prochaine sera aussi bonne » a-t-elle confié.

Il ne reste plus désormais qu’à espérer que ces deux joueuses confirmeront leur incroyable potentiel et se livreront de nombreuses belles batailles à l’avenir.

Leylah Fernandez & Emma Raducanu / US Open 2021©Darren Carroll / USTA