Serena annonce "une évolution loin du tennis"

 - Amandine Reymond

Serena Williams a annoncé sa retraite prochaine après 27 ans d'une carrière exceptionnelle marquée par 23 titres du Grand Chelem.

Serena Williams Wimbledon 2022©Corinne Dubreuil / FFT

Mardi matin, de l’autre côté de l’Atlantique, Serena Williams a simplement tweeté "A lire" en partageant une publication de Vogue. 

A lire, ça l’était certainement ! Et cette chronique de la championne aux 23 titres du Grand Chelem, rédigée à la première personne, a déclenché un mini-tsunami sur toute la planète tennis car elle y annonce sa retraite imminente.

"Je n’ai jamais aimé le mot 'retraite'. Ce n’est pas un mot moderne pour moi. Peut-être que le meilleur mot pour décrire ce que je m’apprête à vivre est 'évolution'. Je suis ici pour vous dire que j’évolue, je m’éloigne du tennis pour aller vers d’autres choses importantes pour moi", confie-t-elle ainsi dans le magazine américain.

Bientôt, ses autres projets, comme sa société de capital risque Serena Ventures, créée il y a quelques années, occuperont à 100% le quotidien de l’Américaine. Mais c’est surtout sa famille qui va être au centre de ses préoccupations. "Je veux agrandir ma famille. Je ne veux vraiment pas être de nouveau enceinte en tant qu’athlète. J’ai besoin d’être à 100% dans le tennis ou 100% en dehors. Je vais avoir 41 ans (en septembre) et il faut que je fasse un choix."

Un choix nécessaire mais difficile pour l’Américaine qui a très longtemps refusé ne serait-ce que d’aborder le sujet « retraite » avec ses proches. 

"J’ai eu beaucoup de mal à admettre que je devais arrêter le tennis. Avec mon mari, Alexis, on en a très peu parlé, c’est un peu un sujet tabou. Je n’arrive même pas à en parler avec mes parents. Ce n’est pas réel jusqu’à ce qu’on le dise à voix haute. Quand j’y pense, j’ai une boule dans la gorge et je commence à pleurer. La seule personne avec laquelle j’en ai vraiment discuté est mon thérapeute."

A contre-cœur  

Contrairement à beaucoup de sportifs, Serena n’éprouve aucun soulagement à l’idée de mettre fin à sa carrière.

"Je ne veux pas édulcorer les choses. Je sais que beaucoup de gens sont excités et impatients de prendre leur retraite, et j’aimerais vraiment ressentir la même chose. Ashleigh Barty était numéro un mondiale quand elle a arrêté en mars et je crois qu’elle était vraiment prête à tourner la page. Caroline Wozniacki, qui est l’une de mes meilleures amies, a été vraiment soulagée quand elle a quitté le circuit en 2020. 

Bravo à ces personnes, mais je vais être honnête. Il n’y a aucune joie pour moi à ce sujet. Je sais que ce n’est pas ce qu’on dit habituellement mais c’est très douloureux pour moi. C’est la chose la plus dure que j’aurais pu imaginer. Je déteste ça. Je déteste en être à cette croisée des chemins. Je n’arrête pas de me dire que j’aurais aimé que ça soit plus facile pour moi, mais ça ne l’est pas. Je suis déchirée : Je ne veux pas que ça s’arrête mais en même temps je suis prête pour ce qui vient après."

Profiter des derniers instants en tant que joueuse

Eloignée des courts pendant presque un an, Serena Williams avait suivi les conseils de son ami Tiger Woods pour se donner une dernière chance et fait un retour (un peu surprise) à Wimbledon où elle s’était inclinée d’entrée contre Harmony Tan. Si son rêve d’égaler le record de Margaret Court s’est éloigné, l’Américaine, qui a signé lundi à Toronto sa première victoire depuis 430 jours, veut profiter de ses dernières semaines en tant que joueuse de tennis professionnelle. 

"C’est la fin d’une histoire qui a commencé à Compton en Californie. Celle d’une petite fille noire qui voulais juste jouer au tennis. Ce sport m’a tant donné. J’adore gagner. J’adore les bagarres. J’adore faire le spectacle. Je ne suis pas sûre que tous les joueurs voient les choses de cette façon mais j’aime le côté show, être capable de divertir les gens semaine après semaine. 

J’ai commencé à jouer au tennis avec l’objectif de gagner l’US Open. Je ne voyais pas plus loin. Et puis j’ai juste continué à gagner. Je me souviens quand j’ai dépassé le nombre de titres du Grand Chelem de Martina Hingis. Puis de Seles. Puis quand j’ai égalé Billie Jean King, pionnière de la lutte pour l’égalité des genres dans le sport et une véritable inspiration pour moi. Ensuite il y a eu la montagne Chris Evert-Martina Navratilova à gravir. Il y a des gens qui disent que je ne suis pas la meilleure de tous les temps car je n’ai pas dépassé le record de 24 titres du Grand Chelem de Margaret Court, qu’elle a signé avant l’ère Open qui a débuté en 1968. Je mentirais si je disais que je ne voulais pas ce record. Evidemment que je le voulais. Mais je n’y pense pas au quotidien. Si je suis en finale de Grand Chelem, alors là oui j’y pense. Et j’y ai peut-être trop pensé et ça ne m’a pas aidée. Je pense que j’aurais dû avoir plus de trente titres du Grand Chelem. J’ai eu des occasions après la naissance d’Olympia. Je suis passée d’une césarienne et d’une deuxième embolie pulmonaire à une finale de Grand Chelem. J’ai joué en allaitant encore. J’ai joué en pleine dépression post-partum. Mais je n’ai pas réussi. J’aurais dû, j’aurais voulu, j’aurais pu… Mais je n’ai pas réussi à jouer comme j’aurais dû ou j’aurais pu. Mais j’ai été au rendez-vous 23 fois, et c’est bien. C’est même extraordinaire."

"Malheureusement je n’étais pas prête à gagner Wimbledon cette année. Et je ne sais pas si je serais prête pour gagner à New York. Mais je vais essayer. Et les tournois qui précèdent vont être fun. Je sais que certains auraient rêvé que j’égale Margaret à Londres, que je batte peut-être son record à New York et que pendant la cérémonie de remise des trophées je dise 'au-revoir'. Je comprends, c’est un beau rêve. 

Mais aujourd’hui, si je dois choisir entre construire mon palmarès tennistique ou construire ma famille, je choisis cette dernière.'

Un record inégalé qui ne doit pas faire oublier la carrière extraordinaire construite par l'Américaine qui, fidèle à elle-même, a finalement décidé de ses adieux au tennis après 27 ans passés au plus haut niveau depuis ses débuts sur le circuit en 1995 ! Près de trois décennies marquées par 73 titres en simple dont 23 en Grand Chelem donc, 4 médailles d’or olympiques (1 en simple et 3 en double) et 319 semaines passées au sommet du tennis mondial. Une carrière qui devrait donc prendre fin après l’US Open en septembre prochain. Si Serena ne veut pas de cérémonie particulière, nul doute que ses derniers matchs seront comme souvent avec elle, riches en émotions. 

"Je suis catastrophique pour les adieux, la pire du monde, a-t-elle encore confié à Vogue. Mais sachez que je vous suis plus reconnaissante que je ne pourrai jamais l’exprimer avec des mots. Vous m’avez portée vers tant de victoires et de trophées. Cette version de moi va me manquer, cette fille qui jouait au tennis. Et vous allez me manquer."

Serena manquera aussi au tennis. Alors d’ici là profitons encore un peu du talent et de l’aura de l’une des plus grandes sportives de l’histoire.