Roland-Garros 2022 : les matchs marquants du tableau dames

 - Romain Vinot

Alors que le tournoi féminin 2022 s’est achevé samedi 4 juin par le sacre sans conteste de la numéro un mondiale Iga Swiatek, retour sur les meilleures rencontres du tableau dames.

Leylah Fernandez & Amanda Anisimova / Huitième de finale Roland-Garros 2022©Loïc Wacziak/ FFT

Réjouissant en tout point de vue, le tableau dames de cette édition de Roland-Garros a connu son lot de révélations, d’émotions et de surprises. Suite à l’élimination précoce de nombreuses têtes de série, plusieurs joueuses ont émergé et livré un superbe spectacle aux spectateurs venus en nombre pour les soutenir. Retour sur quelques matchs marquants de ce cru 2022 particulièrement savoureux.

Le plus inattendu : Parry – Krejcikova (1er tour)

Diane Parry a probablement signé l’exploit le plus marquant de la quinzaine dans le tableau féminin dès le 1er tour de cette édition 2022. Si Barbora Krejcikova – absente des courts depuis fin février en raison d’une blessure au coude – n’était probablement pas au sommet de sa forme, elle n’en restait pas moins la tenante du titre et la tête de série n°2 du tournoi. Affronter la Tchèque d’entrée sur l’impressionnant court Philippe-Chatrier représentait bien le plus grand défi de la carrière de la jeune pensionnaire du TCBB.

Un challenge qui a d’abord pesé très lourd sur ses épaules. Fébrile et imprécise, la native de Nice a laissé la championne 2021 dicter le jeu et largement s’échapper (6/1 en 33 minutes). Et comme si remonter un set n’était pas suffisant, elle a également concédé un break d’entrée de deuxième manche. De quoi faire craindre le pire au court central, qui n’attendait qu’une étincelle pour s’embraser. Un déclic qui a eu lieu dès le jeu suivant, moment choisi par Parry pour lâcher ses coups, enchaîner les frappes surpuissantes et enfin mener la danse dans une arène au toit fermé et aux airs de stade de Billie Jean King Cup.

A une manche partout, le plus dur n’était pas fait – loin de là –, Krejcikova ayant visiblement profité de ce léger trou d’air pour recharger ses batteries avant de refaire la course en tête dans le set décisif. Mais, transcendée par son public et avec cette farouche volonté de ne rien regretter, la Française a continué son travail de sape pour faire douter sa prestigieuse adversaire. La faire craquer même, à l’image de de cette volée de coup droit, court ouvert, qui a terminé dans les bâches pour offrir le break sur un plateau à la joueuse de 19 ans, qui n’en demandait pas tant (5-3). De quoi conclure son chef d’œuvre dans le jeu suivant (1/6, 6/2, 6/3 en 2h08) avant de serrer rageusement le poing vers son clan et de signer la caméra, à tête pas tout à fait reposée : "Merci Paris".

Le plus prometteur : Fernandez – Anisimova (1/8e de finale)

Comment ne pas évoquer Leylah Fernandez lorsqu’on fait le bilan des prestations les plus réjouissantes du tournoi ? Eliminée à la surprise générale par Maddison Inglis au premier tour de l’Open d’Australie en janvier, la finaliste du dernier US Open a pleinement retrouvé son tennis et sa rage de vaincre Porte d’Auteuil. Épatante face à Bencic au troisième tour et combattante jusqu’au bout malgré la douleur (et la défaite) face à Martina Trevisan en quarts, la Canadienne a épaté la galerie dans le salivant duel Next Gen l’opposant à Amanda Anisimova.

Cette affiche immanquable entre deux jeunes joueuses destinées à dominer leur discipline a tenu toutes ses promesses. Démarrée sur les chapeaux de roues, la première manche est tombée dans l’escarcelle de la benjamine de cette confrontation mais le réveil d’Anisimova – pourtant rapidement menée 5-1 – promettait un combat accroché et indécis jusqu’au bout. Pas avare de puissance, l’Américaine a retrouvé sa précision. Ses 18 coups gagnants dans le deuxième set l’ont grandement aidée à franchir la muraille adverse pour égaliser. De quoi définitivement effacer de sa mémoire son abandon en larmes et les quatre balles de match manquées lors de leur premier face-à-face à Indian Wells en mars.

Bien malin alors celui qui pouvait prédire l’issue de ce choc tant les deux joueuses se rendaient coup pour coup, faisant de surcroit monter l’intensité au fil des jeux. La défense héroïque de la Canadienne lui a permis de rester à flot dans la manche décisive malgré les coups de boutoir répétés de son adversaire. Les bruyants encouragements et les regards incessants vers son équipe continuaient d’envoyer un message clair : la gagnante de l’édition juniors 2019 était en mission pour rallier son premier quart à Roland-Garros chez les "grandes". Elle est finalement parvenue à faire pencher la balance en sa faveur, dans un huitième de finale qui aurait pu basculer d’un côté comme de l’autre, à l’image des statistiques, très équilibrées (92 points marqués par Fernandez, 88 par Anisimova). Sous les yeux réjouis d’un public conscient d’avoir assisté à un duel d’avenir, Leylah pouvait laisser éclater sa joie : "Merci beaucoup au public d’être venu m’encourager. Avant même ma victoire chez les juniors, je voulais jouer sur le court Philippe-Chatrier, devant vous. Je suis très contente et très heureuse d’être ici et de pouvoir jouer un match de plus".

Le plus titanesque : Teichmann – Azarenka (3e tour)

3h18. Ce vendredi 27 mai, les chanceux spectateurs du court Simonne-Mathieu ont assisté au match le plus long de cette édition 2022 dans le tableau simple dames. Et si la durée n’est pas toujours gage de qualité, l’intensité, les émotions et les rebondissements de cette rencontre ont largement fait oublier quelques errements techniques bien excusables. Déjà gagnante d’un incroyable combat en double la veille (3h22 !) en compagnie de sa compatriote Viktorija Golubic, la Suissesse Jil Teichmann a donc récidivé au bout du suspense (4/6, 7/5, 7/6(5)) en simple face à Victoria Azarenka, qui l’avait pourtant balayée en début d’année à l’Open d’Australie.

L’ancienne numéro un mondiale avait d’ailleurs pris le meilleur départ, s’appuyant sur une mise en jeu de grande qualité (85% de points gagnés sur sa première balle dans le set inaugural) et accrochant son adversaire sur tous les longs rallyes. De quoi mener 6/4, 3-1 et s’envoler vers un nouveau huitième de finale en Grand Chelem, pensait-on. Mais c’était sans compter sur la puissance et la pugnacité de la gauchère, revenue dans les débats en multipliant les coups gagnants (54 au total sur la rencontre). Un combat à l’issue incertaine qui ne pouvait que se conclure sur un super tie-break, maîtrisé de bout en bout par Jil Teichmann devant un public ravi et qui a parfaitement joué son rôle dans ce troisième tour. "Je ne réalise pas encore, c’est un peu la folie ! […] Merci beaucoup au public, j’étais comme à la maison" a déclaré la Suissesse de 24 ans, visiblement émue d’avoir signé l’une des plus belles victoires de sa carrière au cœur des Serres d’Auteuil.

Celui qui aurait pu tout changer : Swiatek – Zheng (1/8e de finale)

Difficile de sélectionner une rencontre de la championne Iga Swiatek tant elle a imprimé une cadence folle et affiché un niveau de jeu exceptionnel au cours de la quinzaine. Trop vive et trop puissante pour la plupart de ses adversaires, la numéro un mondiale n’a pas réellement été poussée dans ses retranchements. Mais l’histoire aurait pu être toute autre si elle ne s’était pas sortie du piège tendu par Qinwen Zheng, véritable révélation pour sa première participation au Grand Chelem parisien.

Tombeuse de la championne 2018 Simona Halep au deuxième tour – une rencontre qui aurait également pu tout à fait figurer dans cette sélection – la jeune Chinoise n’a d’abord pas semblé en capacité de rivaliser. Menée 3-0 puis 5-2, elle semblait se diriger tout droit vers le même sort que les précédentes adversaires de l’invincible Polonaise. Mais Zheng n’a pas baissé pavillon et sa défense héroïque a petit à petit porté ses fruits. La tension est subitement montée d’un cran, forçant la patronne du circuit à en mettre plus et à faire des fautes inhabituelles. De quoi même se retourner vers son box et montrer quelques signes d’anxiété tant la solution paraissait désormais difficile à trouver.

Revenue de nulle part, la native de Shiyan s’est même offert le luxe de pousser Swiatek au tie-break, au cours de l’un des meilleurs sets du tournoi. Mieux, elle l’a remporté alors qu’elle y était menée cinq points à deux ! 1h27 d’un combat de haute lutte qui aura toutefois eu raison du physique de Qinwen Zheng, qui admettra plus tard avoir joué diminuée à cause de règles douloureuses. Et si les deuxième et troisième sets n’ont pas été à la hauteur du premier en termes d’intensité et de rivalité, ils ont eu le mérite de mettre en lumière la force mentale et le jeu spectaculaire "d’1ga", bousculée mais jamais battue. Une victoire (6/7(5), 6/0, 6/2) fondatrice dans la quête d’un deuxième sacre à Roland-Garros.

A l’image du tableau messieurs, l’exercice de sélection n’a pas été simple concernant les dames. D’autres rencontres resteront dans les mémoires :

Le plus impressionnant : Swiatek – Kasatkina (1/2 finale)

Le plus renversant : Giorgi – Sabalenka (3e tour)

Le plus imprédictible : Zheng – Halep (2e tour)

Le plus indécis : Trevisan – Sasnovich (8e de finale)

La surprise de la cheffe : Jeanjean – Pliskova (2e tour)

Le plus bienveillant : Gauff – Stephens (1/4 de finale)