Edition 2023 - Premier tour : cinq sets boulevard

 - Naël Makhzoum

Ereintants pour les joueurs mais tellement excitants : les matchs en cinq sets sont une pièce essentielle au spectacle des Grands Chelems.

Cinq sets

Mardi soir sur le Central, le génial show de Gaël Monfils est venu compléter une longue liste de combats joués en cinq manches au premier tour de ce Roland-Garros 2023. Titillant les quatre, voire cinq heures de jeu, ces rencontres repoussent les limites des joueurs, parfois jusqu'à l'inconnu. Pour le plus grand plaisir des spectateurs.

En plus d'y inscrire sa victoire, Gaël Monfils a placé ce Roland-Garros dans l'histoire du tennis. En bouclant son match, qui clôturait le premier tour en session de soirée, il est devenu le 21e homme à remporter sa partie en cinq manches dans cette édition 2023. Il s'agit là du plus haut total jamais atteint sur un Majeur depuis le début de l'ère Open (20 à Roland-Garros 1992, à l'US Open 1991 et à Wimbledon 1984). "A la fin, j'ai eu des crampes, bien sûr, assumait un Monfils dont l'euphorie retombait à peine. J'étais fatigué, mais ça se joue principalement avec les nerfs. Je jouais à 100 % grâce à l'adrénaline. Et puis le public était là, il criait. Cela me donnait du peps, du punch."

Avec leur part d'insoupçonné, parfois de surnaturel, les matchs en cinq sets offrent souvent des scénarios fous. Entre remontées épiques, coups de théâtre et temps de jeu à rallonge, la fréquence cardiaque des joueurs et des amoureux de la balle jaune a tendance à monter en flèche. Les organismes, eux, sont secoués à l'extrême. "Dans le troisième set, j'avais déjà des crampes et à la fin du match, c’était une question de survie de gagner, lâche l'Italien Andrea Vavassori, vainqueur de la plus longue opposition de ce premier tour, contre Miomir Kecmanovic (5h10). Même si j’ai déjà gagné des matchs de ce genre cette année, personne n'est habitué à jouer cinq heures. Quand Kecmanovic a vomi, j’ai eu le sentiment qu’il était à bout".

Andrea Vavassori, 1er tour, Roland-Garros 2023©Loïc Wacziak / FFT

S'amuser des limites

La dimension physique prédomine à mesure que le sablier se vide. "J'ai beaucoup travaillé là-dessus ces derniers mois et je me sentais de mieux en mieux, au fur et à mesure que le match avançait, assure Cameron Norrie, tombeur de Benoît Paire. Je pense que ça s'est senti vers la fin, j'ai pu remporter quelques jeux plus difficiles grâce à ça."

Le corps affuté de Norrie, l'adrénaline de Monfils... Pour trouver la recette miracle, chacun essaie ses ingrédients favoris. Stan Wawrinka, lui, aime se laisser submerger par l'effort. "Quand on est fatigué, on se relâche un peu plus et ça libère le bras et l'esprit, justifie-t-il. L'important, c'est de se prouver que malgré les hauts et les bas qu'on peut avoir au cinquième set, on a les armes pour gagner le match."

Après 9h13 passées sur le court lors de ses deux confrontations sur ce Roland-Garros, le Suisse est un connaisseur de ce type d'effort. A 38 ans, celui qui avait triomphé Porte d'Auteuil en 2015 connaît désormais ses limites et joue avec. Car pour survivre à ces rencontres hostiles, il est indispensable de se gérer et de faire des concessions. "J'ai lâché le quatrième parce que j'étais fatigué, mort, raconte Gaël Monfils, revenu d'un 4-0 dans le set décisif après avoir laissé filer le précédent. Je me suis dit : 'Si je fais le contraire et que je perds 6-4 le quatrième, je prends 6-1 au cinquième'".

"Des émotions uniques"

"Un match en cinq sets, c'est très, très long. Tu as beaucoup de temps pour te sentir bien, mal, avoir des hauts et des bas, renchérit Thiago Seyboth Wild, légitime sur le sujet après son exploit face à Daniil Medvedev au bout de 4h15. Il faut savoir gérer le timing. Quand j'ai perdu le deuxième, je n'étais pas bien car j'ai eu la possibilité de mener deux sets à zéro. Mais c'est comme ça, il faut savoir faire le dos rond."

Thiago Seyboth Wild, 1er tour, Roland-Garros 2023©Philippe Montigny / FFT

Dans les tribunes ou derrière l'écran aussi, les corps montent en température. "On voit les émotions procurées au public, comme après le match de fou de Gaël, apprécie Wawrinka. Les fans et le public vivent des choses uniques, qu'on ne peut pas retrouver dans les autres tournois. C'est la beauté des Grands Chelems d'avoir des matchs en cinq sets".

Au bout de ce tunnel qui semble parfois sans fin, un homme se détache toujours. Le plus fort... ou le plus fou.