Nadal - Ruud : le maître et l’élève

 - Franck Lalanne

La finale messieurs de ce Roland-Garros 2022 va mettre aux prises le maître incontesté des lieux et celui qui a grandi en l'idolâtrant.

Deux mondes différents. Sur le papier, la confrontation entre Rafael Nadal et Casper Ruud peut paraître déséquilibrée. Deux joueurs si loin mais pourtant si proches. Car si Carlos Alcaraz a rapidement été désigné comme le successeur du Majorquin, la filiation avec le Norvégien semble bien plus prégnante et pourrait nous réserver une finale grandiose.

Il ne s'agit pas d’un père spirituel et ce d’autant plus que son propre paternel est un ancien très bon tennisman. Pourtant, Casper Ruud va affronter ce dimanche celui qui l’a accompagné toute son enfance et adolescence, et qui lui a servi de modèle. Le Norvégien de 23 ans va retrouver Rafael Nadal, qui fait office de propriétaire de la Porte d’Auteuil avec ses treize titres conquis depuis 2005. Premiers échanges à partir de 15h.

Sur le court Philippe-Chatrier, il y aura 21 titres du Grand Chelem au début de cette grande finale. Mais toutes ces couronnes seront du même côté du filet. Jamais le natif d’Oslo n’a affronté telle montagne, tel mythe. Il a beau avoir été aux prises avec Roger Federer (une défaite) et Novak Djokovic (trois défaites), rencontrer Rafael Nadal sur le Central pour la finale de Roland-Garros reste un événement à part. Une opportunité que Casper Ruud sait exceptionnelle.

Ruud, un produit de la Rafa Nadal Academy

Tête de série n°8, le Norvégien est un des leaders de la nouvelle génération, celle amenée à prendre la relève de Nadal, Djokovic and co. Son parcours, le fils de Christian Ruud (39e mondial au milieu des années 90) le doit en grande partie à son passage par la… Rafa Nadal Academy. Une école créée par Rafa et son oncle Toni pour permettre aux jeunes joueurs de suivre les traces du Taureau de Manacor. Cette histoire exceptionnelle, ce parcours, nous l’avons retracé avec l’aide de son entraîneur à l’Académie espagnole, Pedro Clar.

Gardien du temple, et ce, même s’il n’entraîne plus son neveu, Toni Nadal est revenu sur cette finale 100% Rafa Nadal Academy. “Que Rafael dispute une nouvelle finale à Roland-Garros est une immense fierté pour l’académie. C’est même une double dose de plaisir parce que son adversaire sera Casper Ruud, un autre joueur formé ici, a expliqué l’actuel entraîneur de Félix Auger-Aliassime pour le compte de l’école de tennis. Je sais que ce sera une rencontre compliquée pour tous les deux, mais, si nous devons perdre contre quelqu’un, autant que ce soit contre Casper. Et s'il doit perdre contre quelqu’un, je pense que le mieux sera que ce soit contre Rafael.”

Ruud, le Nadal droitier ?

À l’image de son père, le Norvégien est un terrien pur souche. Un joueur qui aime s’ouvrir le court avec son service avant de balayer le terrain avec son coup droit. Un adepte des filières longues et des frappes avec énormément d’effet. "Ce qui fait la grande force de Casper sur terre battue, ce sont ses jambes et son coup droit, nous a confié Pedro Clar. Le secret de son lift, c'est sa formidable capacité d'accélération du poignet, mais ça vient aussi de ses jambes.”

Un profil rappelant celui d’un certain Majorquin venu de Manacor et devenu empereur Porte d’Auteuil. Seule différence entre les deux hommes : leur main forte. La droite pour Ruud, la gauche pour Nadal. “La progression de Casper a été extraordinaire, glisse un Toni Nadal admiratif. Il est arrivé ici en étant 150e mondial et aujourd’hui, il fait partie des meilleurs, il est membre du top 10 depuis un an. C’est un des joueurs qui a le plus progressé. Il a fait un travail extraordinaire avec son père. Nous sommes extrêmement fiers de notre collaboration avec lui. Nous avons eu de la chance de travailler avec l’un des joueurs les mieux éduqués de tout le circuit.”

Nadal, tout semble lui sourire

Alors, Ruud peut-il le faire ? Peut-il faire tomber son idole dont on sait que le pied est, plus que jamais, le talon d’Achille ? Évidemment, tout est possible. Mais même acculé sur son propre terrain, le Majorquin a toujours réussi à s'en sortir. Face à Félix Auger-Aliassime, il a su sortir les coups qu’il faut pour passer au terme d'un 5e set étouffant. Contre Novak Djokovic, n°1 mondial, le cœur du champion a soufflé pour recouvrir d’ocre le Serbe, enseveli par la fougue et la maestria majorquine. En demi-finales, c’est le destin qui s’en est mêlé en venant mettre fin au combat exceptionnel qui l’a opposé à un grand Alexander Zverev.

Des difficultés, Ruud en a également connu. Peut-être même plus que de raison. Il y a tout d’abord son revers, point faible identifié. Performant, percutant avec son coup droit lifté qui remonte très haut, il connaît beaucoup plus de déchets de l’autre côté de la raquette. Une aubaine pour Rafael Nadal, gaucher, qui ne s'empêchera pas d'insister sur cette "faiblesse" adverse. Au niveau statistique, Ruud est aussi un survivant. Avec six sets perdus, il est le quatrième joueur de l’ère Open à avoir concédé le plus de manches pour rallier la finale derrière Solomon et Kuerten (8 sets perdus) et Gerulaitis (7 sets). Seul Guga, en 1997, a remporté le titre cette année-là.

Deux terriens, deux parcours sinueux mais une seule école espagnole pour une finale qui va, une chose est sûre, rester dans l’histoire.