Rafael Nadal en finale après l'abandon d'Alexander Zverev

 - Rémi Bourrieres

Engagé dans un intense combat avec Alexander Zverev, Rafael Nadal s'est qualifié pour sa 14e finale à Roland-Garros suite à l'abandon sur blessure du numéro 3 mondial.

Rafael Nadal, Alexander Zverev, demi-finales, Roland-Garros 2022©Corinne Dubreuil / FFT

Incroyable match, incroyable dénouement. Mis en difficulté par un entreprenant Alexander Zverev - qui a obtenu quatre balles de 1er set et servi pour le gain du 2e -, Rafael Nadal s'est qualifié pour sa 14e finale à Roland-Garros suite à l'abandon du numéro 3 mondial, victime d'une blessure à la cheville sur une balle de 6-6 dans la deuxième manche (7/6, 6-6 ab.). Le Majorquin retrouvera dimanche Casper Ruud ou Marin Cilic, qui s'affrontent dans la deuxième demi-finale.

Une image terrible, un cri d'effroi qui déchire le ciel, et puis soudain plus rien. Plus de son, plus d'image. Alexander Zverev vient de se tordre violemment la cheville sur un passing de coup droit en bout de course pour tenter d'écarter une balle de 6-6 dans le 2e set. Il n'ira pas plus loin, sinon dans les vestiaires en chaise roulante, pour revenir quelques minutes plus tard en béquilles afin de signifier son inéluctable abandon. Au terme d'une demi-finale d'abord monumentale, puis étrange et enfin dramatique, Rafael Nadal, le jour de ses 36 ans, se qualifie ainsi pour sa 14e finale de Roland-Garros (7/6, 6-6 ab. après 3h13 de jeu).

Zverev, qui n'avait jamais abandonné un match dans sa carrière, n'est évidemment pour rien dans l'abominable issue de ce combat qui aurait pu, sans ce coup du sort, basculer dans l'épique et l'interminable. Mais si l'on doit peut-être reprocher une chose au joueur allemand, c'est de n'avoir pas su capitaliser davantage sur son niveau du jeu phénoménal du 1er set, en tout cas supérieur à celui d'un Nadal qui a rapidement paru dans le dur.

Jusqu'à 4-2 en sa faveur dans ce 1er set, Sascha jouait à un niveau tout simplement stratosphérique. Il servait le plomb (jusqu'à 91% de premières balles) et plaçait dans tous les coins du court des accélérations de revers létales qui résonnaient sous le toit du Philippe-Chatrier – laissé fermé en raison de la pluie – comme des coups de fusil.

Il fut alors rattrapé pour la première fois par ses émotions lors d'un très mauvais jeu de service – avec notamment cet étonnant coup droit dévissé en lâchant sa raquette – qui remit Nadal dans la course (4-4). Et c'est à partir de là que le match bascula dans une autre dimension physico-mentale.

Zverev alternait désormais le pire et le meilleur, comme ces trois balles de set écartées avec autorité sur son service à 5-4. Et Nadal, en face, faisait du Nadal. Souvent débordé, presque dépassé, il se battait comme un beau diable, avec toute son intelligence tactique, pour rester en vie, cassant le rythme adverse avec de malicieuses amorties et de nombreuses montées au filet. Cela donnait un spectacle magnifique, terriblement indécis, dont le paroxysme fut atteint au jeu décisif.

Celui-ci résuma à peu près tout ce qu'on avait vu jusque-là. Injouable, Zverev se détacha 6 points à 2, soit 4 balles de set. Rien à dire sur la première, sauvée par Nadal d'un ace. Un peu plus sur la deuxième, mal négociée par Zverev à la volée. Mais que dire de la troisième, écartée par l'Espagnol d'un passing de coup droit court croisé monumental, sur un échange bien mal embarqué. Enfin, il se joua de la quatrième sur un enchaînement amortie/lob qui poussa son adversaire à sortir son smash de revers.

Zverev sauva bien à son tour deux balles de set (ses 4e et 5e) mais fut cueilli, sur la 6e, par un passing de coup droit long de ligne absolument phénoménal : 10 points à 8 ! Nadal avait beau avoir 36 ans ce jour, c'est plutôt Zverev, à cet instant-là, qui voyait 36 chandelles.

Un 2e set surréaliste

Dur à avaler en effet pour l'Allemand, qui devait en plus composer avec une ambiance de Coupe Davis, et un public derrière le maître des lieux. La tendance était plutôt de croire, à ce moment-là, qu'il n'allait pas se relever d'un tel coup du sort, surtout après avoir concédé son service d'entrée de 2e set.

Et bien pas du tout. Zverev, au contraire, se remit dans le match, aidé aussi par un Nadal victime d'un net fléchissement sur le plan physique. Résultat : un 2e set complètement décousu, limite burlesque, émaillé de 8 breaks en 12 jeux (!) et illuminé principalement par un échange monumental de 44 coups de raquette remporté par Nadal pour mener 2-1, service à suivre.

Un point magnifique mais qui sembla scier les jambes du Majorquin, dont la qualité de frappe s'étiola alors considérablement. À partir de là, Rafa sembla rentrer en mode "survivor" pour ne jouer à fond que les points importants. Et Zverev, de son côté, était incapable de l'achever. Quand il servit à 5-3, il commit trois doubles fautes. À 5-4, il mena encore 0-30. Mais rien à faire. La route restait barrée, soit par son adversaire aux mille vies, soit par ses mauvais démons. Et puis, bientôt, ce fut le drame…

Au-delà de la tristesse que l'on peut ressentir pour Zverev, il y a aussi cette drôle de frustration, la même que l'on peut ressentir lorsque l'on est coupé au milieu d'un film à suspense. Reste que la fin, finalement, est toujours peu ou prou la même : Rafael Nadal a gagné, se qualifiant ainsi pour sa 14e finale à Roland-Garros. Quant à Zverev, il est sorti sous une vibrante ovation du public. Pour l'ensemble de son match et de son parcours, c'était bien mérité…