AO 2022 : demies au parfum de revanche

 - Romain Vinot

Encore en lice pour remporter le premier Grand Chelem de l’année, Rafael Nadal, Matteo Berrettini, Daniil Medvedev et Stefanos Tsitsipas disputent les demi-finales ce vendredi.

Matteo Berrettini / Open d'Australie 2022©Corinne Dubreuil / FFT

Un vainqueur de 20 Majeurs, le récent champion de l’US Open et deux finalistes de Grand Chelem : le dernier carré de cet Open d’Australie 2022 est magnifique. Alors que trois des quatre quarts de finale se sont disputés au meilleur des cinq manches, les attentes concernant les demies sont immenses.

Rafael Nadal – Matteo Berrettini

Nadal le survivant

Lorsque Rafael Nadal a annoncé son retour à la compétition en Australie, les interrogations étaient nombreuses. Allait-il être à la hauteur physiquement ? Quel serait son niveau sur dur après des mois sans compétition ? Sa blessure au pied allait-elle se réveiller ? Des questions auxquelles il a donné des premiers éléments de réponse en remportant le tournoi de préparation de Melbourne.

Rassurant avant de débuter le premier Grand Chelem de la saison, où les adversaires coriaces et les matchs à rallonge sont souvent légion. En contrôle malgré un léger manque de sensations lors de ses deux premiers tours, le Majorquin a su élever son niveau de jeu pour dégouter Karen Khachanov, pourtant vainqueur du troisième set. Mais c’est véritablement en quarts de finale qu’il a de nouveau suscité l’admiration de tous les observateurs.

Intouchable pendant deux sets et demi, « Rafa » a vu Shapovalov revenir à hauteur, la faute à un énorme coup de pompe physique et au regain de confiance du Canadien. Victime d’importantes douleurs à l’estomac, il a serré les dents et le jeu et s’est montré bien plus fort mentalement que son adversaire dans la cinquième manche. "Il a perdu quatre kilos à la sortie du match. Son état de déshydratation était avancé. Il a l'habitude de souffrir dans ces conditions. Il s'était bien préparé donc nous ne nous attendions pas à ce que ça arrive après une heure et demie de jeu" a expliqué son entraîneur Carlos Moya a la radio espagnole COPE hier.

A 35 ans, le vainqueur de l’édition 2009 s’est donc offert une 36e demi-finale en Grand Chelem, la 7e à Melbourne. Et s’il s’engage toujours dans une compétition pour la gagner, il se montre davantage philosophe en interview, exprimant constamment son bonheur de rejouer à ce niveau après des mois très compliqués. "Je profite de chaque instant ici, je fais de mon mieux pour jouer avec la meilleure attitude possible et avec le bon état d’esprit […] Etre capable de rallier les demi-finales d’un Grand Chelem après ces derniers mois, ce n’est que du positif " a-t-il confié en conférence de presse.

Avant une éventuelle sixième finale ici, Rafael Nadal a donc rendez-vous avec Matteo Berrettini, un joueur dont la constance et les très bons parcours en Majeurs forcent le respect : "Matteo est l’un des meilleurs joueurs du monde depuis un moment déjà. Il est très solide et je vais devoir être à 100% et à mon meilleur niveau si je veux avoir des chances de me battre et d’être compétitif pour essayer d’atteindre la finale".

Matteo Berrettini and Rafael Nadal at the net at the 2019 US Open©Corinne Dubreuil/FFT
Berrettini, l’éloge de la constance

Matteo Berrettini doit avoir un sentiment de déjà-vu. Comme lors de l’US Open 2019, il retrouve Rafael Nadal dans le dernier carré après avoir écarté Gaël Monfils en cinq sets en quart de finale. Mais depuis cette première demi-finale perdue, l’Italien a largement changé de statut. Plus solide, plus puissant et doté d’importantes ressources mentales, le désormais 7e joueur mondial a atteint les quarts des quatre derniers tournois du Grand Chelem, se hissant même en finale lors de la dernière édition de Wimbledon. S’il a été à chaque fois battu par Novak Djokovic, ce n’est plus du tout une surprise de le retrouver à ce niveau de la compétition.

Contraint à l’abandon lors de la phase de poule du Masters en fin de saison dernière en raison d’une blessure aux abdominaux, le Romain a eu besoin de quelques matchs pour retrouver pleinement ses sensations en Australie. Poussé au cinquième set par Monfils et Alcaraz avant lui, il a prouvé qu’au-delà de son service et de son coup-droit dévastateurs, il était capable de faire face à une forte adversité. Ses statistiques dans les combats au meilleur des cinq manches parlent d’ailleurs pour lui, puisqu’il a remporté six de ses sept rencontres si spéciales.

Pour ce deuxième duel entre les deux hommes, l’Italien se présente donc avec de la confiance, des arguments à revendre et un profond respect pour son vis-à-vis. "Je l’ai regardé et encouragé tellement de fois dans ce tournoi et dans les autres… Jouer avec lui sur la Rod Laver Arena en demi-finale est quelque chose dont je rêvais en étant enfant" a-t-il admis face à la presse.

Mais cette admiration ne l’empêchera évidemment pas de rentrer sur le court avec la ferme intention de disputer une deuxième finale de Grand Chelem en six mois : "Je veux vraiment gagner ce match, je sais que je peux le faire même si ce sera un match très difficile. Mais je suis en demi-finale d’un Grand Chelem pour la troisième fois donc je suis à mon niveau et je veux aller plus loin".

Matteo Berrettini / Open d'Australie 2022©Corinne Dubreuil / FFT

Daniil Medvedev – Stefanos Tsitsipas

Medvedev, le mental d’un champion

Annoncée au moment du tirage au sort, la demi-finale entre Daniil Medvedev et Stefanos Tsitsipas a bien failli ne pas avoir lieu. La faute notamment à un excellent Felix Auger-Aliassime, qui a poussé le numéro deux mondial dans ses retranchements en quart de finale. Mais même mené deux sets à rien, le Russe a prouvé qu’il était un champion en reprenant le dessus sur un adversaire qui s’est pourtant procuré une balle de match dans le quatrième set.

Habitué des victoires « faciles », le vainqueur du dernier US Open a donc démontré durant cette campagne australienne qu’il était également doté d’une grande force mentale, que ce soit face à FAA, Nick Kyrgios ou contre Maxime Cressy, qui aurait pu le faire dégoupiller. Pour atteindre le dernier carré et se sortir du piège canadien, il n’a pas hésité à réfléchir comme ses illustres compagnons de jeu. "Je ne jouais pas mon meilleur tennis et Félix était si bon… Quand je me suis retrouvé mené deux sets à zéro je me suis dit 'Que ferait Novak ? Ou Rafa ou Roger…?' Je me suis dit qu’il fallait que je le fasse travailler au maximum jusqu’au bout, c’est ce que j’ai fait et ça a marché" s’est-il réjoui en bord de court.

C’est donc avec le sentiment que plus rien ne peut lui arriver que Medvedev va se présenter face à Tsitsipas, dans un duel qui ressemble déjà à un classique. Une confrontation où l’avantage psychologique est clairement du côté du Russe puisque ce dernier mène 6-2. S’il a certes perdu leur dernier face-à-face à Roland-Garros, il pourra se remémorer la correction infligée ici l’an passé et tenter de reproduire cette performance.  

Tsitsipas est "dans la zone"

Seul joueur à avoir remporté son quart de finale en trois sets, Stefanos Tsitsipas revient tout de même de loin. Opéré du coude droit en fin d’année dernière, le Grec a confié à la presse qu’il n’avait à l’origine pas prévu de disputer ce premier Grand Chelem de la saison. Une incertitude physique et un léger manque de confiance qui se sont ressentis en début de campagne. Moins dominateur qu’à l’accoutumée, le numéro quatre mondial a connu des passages à vide face à Sebastian Baez et Benoit Paire, avant même de frôler l’élimination contre un très bon Taylor Fritz en huitième de finale.

Mené deux sets à un face à l’Américain, il a lui aussi fait preuve d’un gros mental pour renverser la situation et s’offrir un quart de finale face à Jannik Sinner. Annoncé comme un piège au vu du niveau affiché par l’Italien et du peu de garanties offertes par le Grec, le match a finalement tourné à la démonstration. Intraitable au service et de nouveau efficace et tranchant dans les échanges, « Tsitsi » a retrouvé son niveau, au meilleur moment possible. "Jusqu’à présent, c’est mon meilleur match, le plus consistant du tournoi. Je suis prêt à tout, je me sens comme si j’étais dans la zone et je n’ai pas l’intention d’en sortir. Ça fait partie de mon jeu" a-t-il expliqué au sortir de sa qualification.

Déjà opposé à Medvedev au même stade l’année dernière après avoir réalisé un véritable exploit contre Rafael Nadal, Stefanos Tsitsipas sait qu’il faudra lâcher ses coups et ne pas cogiter pour espérer disputer une deuxième finale en Grand Chelem après celle perdue en 2021 face à Novak Djokovic à Roland-Garros. Les deux adversaires de ce vendredi – qui ont appris à davantage s’apprécier à l’occasion de la Laver Cup – courent après le même but. "Nous n'avons pas vraiment parlé ces derniers mois mais notre relation est celle de concurrents sur le terrain qui se battent pour réaliser les mêmes rêves". Le décor est planté.

Stefanos Tsitsipas, Daniil Medvedev, Roland-Garros 2021 semi-finals© Julien Crosnier/FFT