Kristina Mladenovic : "Roland? Une perspective très motivante!"

 - Guillaume Baraise

Kristina Mladenovic se livre sur la période très particulière traversée récemment par les sportifs professionnels et sur sa reprise.

©Julien Crosnier / FFT

De retour à la compétition à l'occasion du Challenge Elite FFT, qui se déroule actuellement sur la Côte d'Azur, Kristina Mladenovic revient pour rolandgarros.com sur la période d'inactivité forcée que tous les sportifs professionnels ont subi. La n°1 française espère retrouver bientôt les grandes émotions, avec Roland-Garros en point de mire. Entretien à bâtons rompus.

Kristina, racontez-nous comment vous avez vécu ces quatre derniers mois…

Comme tout le monde, ça a été pour moi une période très bizarre. Le confinement m'a paru à la fois extrêmement long et rapide. Je n'ai pas eu accès à un court de tennis pendant deux mois. C'était forcément difficile, le tennis est mon métier, ma passion aussi. Le plus compliqué était de se dire, "tiens cette semaine j'aurais dû jouer Rome, Madrid, Roland-Garros…". Tous ces grands événements m'ont manqué, davantage que la nécessité de frapper dans une balle de tennis ou le plaisir simple du jeu. Même si ça m’a également manqué au fil des semaines.

D'un autre côté, ça a été assez simple pour moi d'accepter la situation. Avec mes proches, on a vite compris que nous vivions une période totalement inédite. On n'avait évidemment jamais connu ça dans le tennis, un arrêt aussi long. Mais on ne pouvait rien faire face à cette pandémie. Le danger était réel et le tennis n’était pas la priorité. Ça aurait été très égoïste de se plaindre de la situation. La santé de tous était en jeu. Il a fallu donc se concentrer sur des choses essentielles, différentes de celles d'une carrière de sportive professionnelle. Et rester positive.

Comment s'est déroulé votre confinement ?

J'ai eu la chance de le passer en famille, dans une grande maison. Ce qui est un peu "exceptionnel" en ce qui me concerne, c'est que je n'ai pas mis le pied dehors une seule fois. J'avais la chance d'avoir du matériel, un tapis de course, un vélo et un espace à ma disposition. J'ai fait du sport tous les jours. Je faisais des grosses séances quotidiennes avec un programme précis. C'était uniquement pour le « cardio » et pour entretenir mon corps à l'effort.

Je ne regrette pas ces efforts quotidiens, qui n'étaient pas simples vues les circonstances. Cela m'a beaucoup facilité la reprise, au moins sur le plan physique. Je n'étais pas à la rue (sourire). Après en ce qui concerne le tennis et la frappe de balle, ça a été une reprise très en douceur pour ménager les articulations, l'épaule (droite). Ce sont des zones qui souffrent dans le tennis et c'est compliqué après un arrêt aussi long.

Avez-vous découvert de nouveaux centres d'intérêt ?

Oui, comme beaucoup de gens, je me suis intéressée à des choses nouvelles. C'était le bon côté de la situation. Nous, les joueurs et joueuses de tennis, on se plaint du fait de beaucoup voyager, d'enchaîner les chambres d'hôtel, de ne jamais être chez soi. Là, j'ai dormi deux mois de suite dans mon lit. Et j'ai passé du temps avec ma famille, nous avons joué à des jeux de société, je me suis posée. Je me suis aussi lancée dans de nouvelles choses qui réclament du temps, comme la cuisine !

J’ai commencé comme commis auprès de ma famille, car que ce soit la mienne ou celle avec qui nous étions confinés, il y a beaucoup de bons cuisiniers. Et puis j'ai dû relever un défi : préparer le dîner toute seule pour neuf personnes. J'ai fait des Saint-Jacques avec un riz sauce noix de coco et des carottes rôties. C'était assez exotique. Et réussi ! J'étais fière de moi (rire) ! C'était ma grande satisfaction du confinement.

Bien sûr, j'ai aussi beaucoup lu, regardé des séries. J'ai fait "prof" d'anglais et d'espagnol aussi, pour la jeune fille de l'autre famille qui était en Terminale. J'ai disséqué tout le programme de Terminale et on a alterné les leçons dans les deux langues. C'était aussi un objectif que je m'étais fixé. Elle est très contente de ses progrès et de ses résultats, j'en suis ravie et heureuse pour elle ! Je suis contente d'avoir pu l'aider.

C'était vraiment une belle période, avec du partage, de l'échange entre nous. On s'est aussi répartis les tâches ménagères. Pour les courses, c'est mon frère (Luka) et sa copine qui s'en sont chargé, une fois par semaine. C'était la grande mission du mardi pour eux (sourire). On leur demandait : "Alors, c'est comment la vie, dans la rue ?" On se croyait un peu dans un film… Mais surtout, plus sérieusement, on a tous scrupuleusement respectés toutes les règles sanitaires. Dans ma vie personnelle, j'ai toujours été très attentive à faire les choses sainement, à vivre sainement, à travers ma nutrition mais pas seulement. Le respect de ces règles m'a paru évident.

Sur un autre sujet, vous êtes une femme engagée concernant la défense de l'environnement et des océans…

Oui, la défense des océans, le recyclage des déchets, du plastique. Tous ces sujets m'importent et je suis persuadée que des efforts et des gestes individuels peuvent avoir un effet positif à grande échelle. La mer, les océans, je trouve ça magnifique et fragile à la fois. Je suis plus une fille qui cherche le contact de la mer que celui de la montagne quand je suis en vacances. Je n'ai jamais skié par exemple. Les déchets dans la mer, ça me rend vraiment triste.

Sur Instagram, vous avez partagé vos débuts au golf. Ça vous plaît ?

Le golf a été un des premiers sports "déconfinés", c'était donc l'occasion d'essayer et comme mon frère est un grand fan… J'ai adoré ! Mais je suis encore… très nulle (rire) ! Il faut le dire. Comme tous les joueurs de tennis, on a un petit quelque chose qui nous attire vers ce sport. Je trouve ça magnifique de pouvoir être sur un parcours, on est vraiment confronté à soi-même, dans un très beau décor souvent. Et jouer une partie à plusieurs peut être un beau moment de plaisir et de partage. J'espère pouvoir à l'avenir développer mon jeu et mon swing (sourire).

View this post on Instagram

🏌🏼‍♀️⛳️🙃 #hometeam

A post shared by Kristina Mladenovic (@kristinamladenovic93) on


Et la reprise du tennis alors ?

Je m'en souviens comme si c'était hier ! Euh… Très compliqué (rire) ! J'ai donc fait ce qu'il fallait côté musculaire pour m'entretenir, essayer de déverrouiller le corps, l'épaule. Les premières frappes, c'était le 13 mai dans mon club, au Lagardère Paris Racing. Sur terre battue, parce que c'est moins traumatisant pour la santé. Bon, les frappes de tennis, c'est comme le vélo et la natation, ça ne s'oublie pas. Mais le premier jour, j'ai tapé seulement 30 minutes. Dans l'axe, tranquillement, sans frapper fort.

Petit à petit, je suis montée en intensité, notamment au niveau du service, où l'épaule est très sollicitée. J'étais tellement heureuse de pouvoir rejouer que j'avais envie de jouer à fond très vite. Mais il fallait être raisonnable. Tout s'est passé progressivement, en douceur.

View this post on Instagram

2 months later , we meet again 🎾🥰 #thatfeeling

A post shared by Kristina Mladenovic (@kristinamladenovic93) on


Même s'il ne s'agit pas du grand circuit, comment appréciez-vous le retour à la compétition que vous permet actuellement le Challenge Elite FFT, où nous nous trouvons ?

Rien ne remplace la compétition ! Vraiment, ça fait énormément de bien de rejouer des matchs, des matchs qui comptent, d'une façon ou d'une autre. L'envie de matcher, de battre l'autre est de retour et j'aime ça. C'est beaucoup mieux que des sets d'entraînement. Ici, c'est officiel, il y a un arbitre de chaise. C'est une compétition idéale pour se remettre dans le bain. La mise en route est dure…

Je n'ai personnellement aucune attente sur mon niveau de jeu. Mon but est de retrouver les automatismes de la compétition, les sensations, les émotions d'une balle de break, de set... Mais je n'espère rien en termes de résultats bien sûr. Il y a aussi des détails qui sont différents du circuit. Il n’y a pas de public, pas de ramasseur ce qui donne parfois un faux rythme dans le match.

Mais ce ne sont pas des excuses : on est tous hyper heureux d'être là ! Je remercie la Fédération Française de Tennis d'avoir mis tout ça en place pour nous. En venant ici, on s'attendait tous à ce décor-là. Cela permet tout simplement de refaire notre métier. Je sais que la route est longue, qu'on en est au début. Je suis venue ici avec beaucoup d'humilité, de calme aussi. Je veux me laisser du temps.

©Julien Crosnier / FFT

La perspective de rejouer des grands tournois dans quelques semaines, notamment Roland-Garros, est-elle réjouissante pour vous ?

Quand on est compétiteur, on se raccroche à ça ! "Roland" envisage même d'accueillir du public, c'est vraiment une perspective très motivante. Je n'ai pas envie d'imaginer une seconde que tout soit annulé en 2020. Il reste bien sûr encore beaucoup d'incertitudes sur le plan sanitaire. Et le tennis est un sport itinérant, avec des joueurs et des joueuses professionnelles qui viennent du monde entier. Mais on a l'impression ici, à l'occasion du Challenge Elite FFT, que c'est le début de quelque chose. Il faut être patiente… et positive. Ce sont les deux mots clés pour moi en ce moment.

Vous arrivez à vous imaginer sur le court Philippe-Chatrier, en octobre ?

Oui, après tout ce qu'on a vécu, oui, j'ai envie d'y croire ! Et c'est pour ça que je travaille tous les jours depuis le déconfinement. Dans quelques mois, il est possible que j'aie un match important, excitant à jouer à "Roland" et ça fait du bien d'envisager ça. Cela me pousse à aller sur le terrain. Mais déjà aujourd'hui, l'envie et le bonheur d'être sur le court sont réels. Je peux mesurer à quel point j'aime le tennis.

©Julien Crosnier / FFT