Elina Svitolina : "L’impression d’avoir 17 ans à nouveau !"

Absente des courts de tennis pendant un an, retombée à la 875e place mondiale, Elina Svitolina se retrouve aujourd’hui en quarts de finale de Roland-Garros. Une véritable résurgence pour l’Ukrainienne, sept mois et demi après la naissance de sa fille Skaï.

Elina Svitolina / Huitièmes de finale Roland-Garros 2023©Cédric Lecocq / FFT
 - Rémi Tricault

Les mains sur la tête, un sourire jusqu’aux oreilles, le regard tourné vers son clan, Elina Svitolina n’y croit pas elle-même. Le coup droit de Daria Kasatkina s'écrase derrière la ligne de fond de court. Le Suzanne-Lenglen laisse éclater sa joie tandis que l’Ukrainienne ne réalise toujours pas. C’est fou, mais c’est bien réel. Trois ans après, la voici de retour en quarts de finale de Roland-Garros.

Pour comprendre d’où revient Elina Svitolina, il faut remonter le temps jusqu’au 12 mars 2022. Ce jour-là, l’Ukrainienne s’inclinait au premier tour d’Indian Wells contre Harriet Dart. Douze jours plus tard, bis repetita à Miami et une élimination prématurée face à Heather Watson. Ce "Sunshine Double" marquait le crépuscule d’une ancienne numéro 3 mondiale, bronzée aux JO de Tokyo et titrée au Masters en 2018. Du moins, c’est ce que laissait présager la suite des événements.

Minée par un mal de dos chronique et épuisée mentalement par un contexte personnel difficile, Svitolina publiait alors un long message sur ses réseaux sociaux afin d'officialiser sa mise en retrait du circuit professionnel. Deux mois plus tard, elle annonçait avec son mari Gaël Monfils la venue d’un heureux événement. Une bénédiction dans la vie d’une femme, un changement important dans celle d’une joueuse de tennis professionnelle.

Skaï is not a limit

Néanmoins, les cas de sportives revenues au plus haut niveau après un accouchement existent bel et bien. En mai dernier, la judokate Clarisse Agbegnenou remportait son 6e titre de championne du monde onze mois après la naissance de sa fille. Dans le tennis, les exemples subsistent également et Svitolina le sait. "Tatjana Maria a fait une demi-finale à Wimbledon l’année dernière. C’est une bonne source de motivation pour moi. C'est incroyable ce qu'elle a fait. Clijsters, aussi, a gagné des tournois du Grand Chelem (3) après avoir eu un bébé. Je sais que c'est possible."

En octobre 2022, Elina Svitolina donne naissance à une petite fille, Skaï. Mais à 28 ans, pas question pour l’Ukrainienne de tirer définitivement un trait sur sa carrière. Dès que possible, la voilà de retour pour attaquer une rééducation physique. "J’ai travaillé dur à la salle avec mon équipe. C’était vraiment ce sur quoi je me suis concentrée. Il fallait que je sois en forme physiquement." En mars 2023, Svitolina s'attache les services d'un nouvel entraîneur, le Néerlandais Raemon Sluiter, ancien coach de Kiki Bertens. "Je suis ravie de la manière dont cela s’est déroulé entre nous. On a eu le temps de s’habituer l’un à l’autre dans le calme. On a pu échanger, voir ensemble les compartiments de jeu que je voulais améliorer pour revenir au plus haut niveau."

Le 3 avril 2023, Elina Svitolina s’aligne à Charleston. Elle perd en trois sets contre Yulia Putintseva au premier tour mais qu’importe, la jeune maman est de retour sur les courts du tennis professionnel.

Elina Svitolina, Roland-Garros 2023, third round© Cédric Lecocq/FFT

L’esprit de Roland

Championne dans l’âme, Svitolina n’a pas attendu bien longtemps pour redevenir compétitive au plus haut niveau. Demi-finaliste à Saint-Malo en mai (WTA 125), elle parvient à remporter le WTA 250 de Strasbourg face à Anna Blinkova, deux jours avant le début de Roland-Garros. Une montée en puissance express qui se poursuit Porte d’Auteuil. "J’ai le sentiment d’être aussi forte qu’auparavant, voire plus ! Mentalement, je me sens plus forte et je sais à quel point l’aspect mental peut influer sur le physique."

Expéditive pour son entrée en lice face à la demi-finaliste de l'an passé Martina Trevisan (6/2, 6/2), Elina Svitolina a par la suite renversé une situation bien mal embarquée contre Storm Hunter. Menée d’un set et d’un break, l’Ukrainienne a su trouver les ressources pour l’emporter 2/6, 6/3, 6/1. "Je me suis battue, j’ai couru encore et encore. A la fin, je me suis sentie beaucoup mieux. Je ressentais d’avantage la balle, le court…" Des sensations recouvrées, un niveau de jeu en hausse, à l'image de sa nouvelle victoire au troisième tour contre la finaliste de Strasbourg, Anna Blinkova (2/6, 6/2, 7/5).

Un parcours jusque-là remarquable, mais que la victoire contre Daria Kasatkina - 9e joueuse mondiale et demi-finaliste l’an dernier - a fait basculer dans l’irrationnel. "Personne ne s'attendait à ce que j'arrive ici à Roland-Garros et que, tout d'un coup, j’atteigne les quarts de finale. J’ai l’impression d’avoir 17 ans à nouveau ! Je suis fraîche, je n’ai pas de points à défendre, ni aujourd’hui ni la semaine prochaine. Je me sens plus libre." Une victoire "svitolinienne", au terme d’une rencontre accrochée (6/4, 7/6(5)).

Une opiniâtreté qui sied si bien à l’esprit de Roland-Garros. Le jour de la fête des mères, comme un symbole.

Débarrassée de toute pression liée au classement, Svitolina n’en reste pas moins une femme ambitieuse. Gagner un tournoi du Grand Chelem reste pour elle un objectif. Alors, pourquoi pas Roland-Garros ? Le tournoi de son enfance, dont le souvenir d’une finale entre André Agassi et l’Ukrainien Andreï Medvedev la fait encore frissonner. Il faudra pour cela se défaire d’Aryna Sabalenka, numéro 2 mondiale et récente lauréate de l’Open d’Australie.

Un défi de taille, mais qui de mieux qu’une super-maman pour soulever des montagnes ?