Sabalenka, pas mal à Paris

Jamais très à l'aise à Paris jusqu'ici, la n°2 mondiale joue beaucoup mieux cette année. Elle joue aussi très gros.

Aryna Sabalenka / Roland-Garros 2023©Corinne Dubreuil / FFT
 - Rémi Bourrieres

Aryna Sabalenka n'avait jamais dépassé le 3e tour à Roland-Garros avant cette édition 2023. La voilà cette année en quarts de finale sans avoir perdu un set, malgré ça et là quelques petites zones de turbulences. Beaucoup plus à l'aise sur terre battue, beaucoup plus confiante, beaucoup plus sereine... Bref, beaucoup plus forte. Elle a prouvé qu'elle était autant favorite ici qu'ailleurs.

"La session de soirée, c'était incroyable. J'avais l'impression de jouer une finale"

Depuis le début de ce Roland-Garros, Aryna Sabalenka est loin de partager les mêmes faveurs des pronostics qu'Iga Swiatek. Il est vrai qu'elle est loin d'afficher les mêmes temps de passage "express", et qu'elle n'a pas le même historique à Roland-Garros que la double gagnante du tournoi. Mais mine de rien, la n°2 mondiale est en train de vivre sa meilleure vie à Paris et de rappeler ce que l'on avait peut-être un peu hâtivement oubliée : c'est bien elle, jusqu'à présent, la meilleure joueuse du monde en 2023. Saison sur terre battue comprise.

Encore lui fallait-il faire ses preuves dans un tournoi où, en cinq participations dans le tableau final, elle n'avait gagné que sept matchs et jamais dépassé le 3e tour. Un mauvais sort qu'elle a largement conjuré cette année en se hissant en quarts de finale sans perdre un set. Avec peut-être, certes, le bénéfice d'un tirage relativement clément en première semaine. Mais son premier vrai gros test en huitièmes face à l'ancienne finaliste du tournoi Sloane Stephens - a fortiori dans le contexte toujours brûlant d'une session de soirée - a été passé avec brio. Et elle a adoré.

"C'était incroyable, s'est-elle extasiée après son succès 7/6, 6/4 au cours duquel elle a connu une frayeur en se faisant reprendre de 5-0 à 5-5 dans le 1er set, le signe d'une certaine inconstance qu'elle devra gommer si elle veut voir encore plus loin. Il y avait énormément de monde pour nous voir jouer, je ne m'attendais pas à tout ça. Et les gens ont vraiment apprécié le spectacle. C'était une super ambiance. En fait, j'avais l'impression de disputer une finale."

On n'en est pas encore là… Mais Aryna Sabalenka a plus que jamais le profil d'une favorite pour y parvenir, dans un bas de tableau où elle est la seule tête de série encore en lice et où toutes les autres top 10 (Jessica Pegula, Caroline Garcia, Maria Sakkari et Daria Kasatkina) ont disparu. A ses côtés restent encore toutefois trois "revenantes" au parcours bien différent mais unies par leur dangerosité : Karolina Muchova, Anastasia Pavlyuchenkova et Elina Svitolina, la plus française des Ukrainiennes, qui sera sa prochaine adversaire en quarts de finale, ce mardi.

Svitolina - Sabalenka

Les deux joueuses se sont déjà affrontées deux fois mais c'était en 2018 et 2020 (une victoire chacune), presque une autre vie. Bien avant, en tout cas, que "Svito" n'épouse Gaël Monfils et ne devienne maman d'une petite Skaï née en octobre 2022. Bien avant d'opérer à Paris un come-back assez sensationnel. "Elle joue vraiment très bien ici, a noté la n°2 mondiale. Elle se déplace particulièrement bien. Je peux m'attendre à ce qu'elle coure beaucoup et remette énormément de balles. Je vais donc devoir me montrer patiente et attendre le bon coup pour finir le point, sans me précipiter."

Mère de toutes les vertus, notamment pour tout terrien qui se respecte, la patience n'a pas toujours été la qualité première de Sabalenka. Mais tout a changé cette année : surfant sur sa confiance accumulée lors d'un début de saison stratosphérique magnifié par son premier titre en Grand Chelem à l'Open d'Australie, Aryna a complètement réussi la transition sur terre battue avec une finale à Stuttgart et un titre à Madrid. Sa défaite d'entrée face à Sofia Kenin à Rome, où elle n'avait pas caché un état de fatigue extrême, aura finalement été anecdotique. Peut-être même un mal pour un bien.

Au-delà du vent favorable qui la pousse actuellement, celle qui a atteint les demi-finales des trois autres tournois du Grand Chelem a aussi attribué ses progrès sur terre à un gros travail effectué depuis l'an dernier avec son préparateur physique, Jason Stacy. Travail qui se ressent notamment dans le secteur défensif, son habituel talon d'Achille. "C'est très important, car on ne peut pas gagner un Grand Chelem uniquement en pratiquant un tennis agressif, a-t-elle ainsi fait observer. Il faut aussi être capable de défendre et de bien bouger. Je me sens désormais suffisamment forte physiquement pour tenir les longs rallyes, défendre, courir longtemps… Je suis super heureuse d'être parvenue à mettre ça en application jusqu'à présent ici. Dans ces conditions, j'aime vraiment jouer sur terre battue."

Son début de saison lui avait permis d'arriver à Roland-Garros en position mathématique de détrôner Iga Swiatek. Un petit événement en soi puisque la Polonaise était hors de portée de toutes ses rivales depuis sa prise de pouvoir il y a plus d'un an. Désormais, les choses se sont précisées pour Sabalenka qui, en ralliant la deuxième semaine, a obligé sa rivale à atteindre au moins les demi-finales pour conserver sa place de reine. En fait, à partir de maintenant, si Sabalenka fait au moins aussi bien que Swiatek dans ce Roland-Garros, elle sera n°1 mondiale. Et puisqu'elle est actuellement sur une série de 11 victoires consécutives en Grand Chelem, il va falloir être forte pour l'arrêter. Terre battue ou pas.

Aryna Sabalenka, first round, Roland-Garros 2023© Corinne Dubreuil/FFT