Coco Gauff, l’éloge de la maturité

 - Franck Lalanne

Demi-finaliste de Roland-Garros à 18 ans, Coco Gauff est une championne humble, adulée dans son pays et qui reste une “teenager” de son temps.

Dix-huit ans, l’âge où certains cherchent encore leur voie, où les joueuses et joueurs en devenir écument les tournois Futures et Challengers... Coco Gauff, elle, s'apprête à disputer sa première demi-finale en Grand Chelem. Brillante sur les courts, elle est rayonnante en dehors. Une personnalité hors du commun mais aimée de tous, vouée à régner sur le tennis mondial.

“Quand j’avais 8 ans, on me disait : ‘Tu seras la prochaine Serena, la prochaine ci, la prochaine ça, …’ et je suis tombée dans le piège d’y croire. Il est important de croire en soi mais aussi de rester réaliste. Maintenant, je suis réaliste, je profite du moment.” Face à la presse, Coco Gauff parle avec sagesse. Pourtant, l’Américaine vient d'avoir 18 ans (en mars dernier). Mais, depuis sa plus tendre enfance, elle a été cataloguée comme la future star du tennis mondial.

La France dans le cœur

À 11 ans, elle rejoint l’académie de Patrick Mouratoglou à Sophia Antipolis. De quoi faire de la France et plus particulièrement de la Côte d’Azur un endroit qu’elle chérit particulièrement. “La France est comme une deuxième patrie pour moi. Je m'y sens heureuse. Je ne sais pas ce qui me fait aimer ce pays, mais il m'attire. Cela me donne le sentiment que je suis chez moi même quand je ne le suis pas.”

Des temps de passages exceptionnels

Après son passage par Biot, la carrière de Gauff ne tarde pas à décoller. À 13 ans, en 2017, bénéficiaire d’une wild-card, elle atteint la finale de l’US Open juniors, battue par Amanda Anisimova. L’année suivante est déjà celle de la confirmation. À 14 ans, elle remporte Roland-Garros dans la même catégorie et devient la quatrième plus jeune lauréate derrière des légendes (Martina Hingis, Jennifer Capriati et Gabriela Sabatini). Quelques mois plus tard, elle triomphe chez elle, à l’Orange Bowl, face à Qinwen Zheng.

Cori Gauff, Roland Garros 2018, Simple Filles, Finale©Cedric Lecocq / FFT

Passée chez les professionnels, elle gagne son premier titre WTA à Linz, à tout juste 15 ans. Il faut remonter à 2004 et Nicole Vaidisova pour trouver aussi précoce. Vous n’êtes pas encore convaincu ? Prenons la direction de Wimbledon alors. Sortie des qualifications - déjà une performance remarquable à 15 ans -, elle bat une certaine Venus Williams au premier tour (6/4, 6/4). Personne n’avait fait aussi bien, aussi jeune, depuis Anna Kournikova en 1996… Dans la foulée, elle sort l’ancienne 17e mondiale Magdalena Rybarikova. Son parcours se poursuivra jusqu’en huitièmes de finale. À 15 ans… !

Handshake between Venus Williams and Cori Gauff at Wimbledon 2019©Corinne Dubreuil/FFT

Par amour du jeu

Beaucoup auraient vrillé à ce moment-là, soit par vanité, soit à cause d’un entourage mauvais conseiller. Pas Coco Gauff, bien assistée par ses parents. L’Américaine poursuit sa progression, de façon moins fulgurante mais plus régulière. Son jeu s’étoffe, ses épaules aussi. Son service gagne en constance et consistance. Sa défense devient redoutable tandis que son coup droit lui offre une grande palette de possibilités : “J’ai développé ça au fur et à mesure de ma carrière, expliquait-elle encore cette semaine au moment d’évoquer l’évolution de son coup droit. Je peux un peu tout jouer. Sur mon revers, je fais la même chose. Je fais des coups slicés, des amorties. Mais avec mon coup droit, j’ai vraiment la possibilité de frapper comme je veux.”

Ses progrès viennent aussi de son amour inconditionnel du tennis. En parallèle de sa qualification pour les demi-finales du tournoi en simple, Coco Gauff s’est ainsi hissée en demi-finales du tournoi de double féminin avec Jessica Pegula grâce à une victoire face à la paire Bondar-Minnen (6/4, 4/6, 6/4). Avec un seul set perdu depuis le début du tournoi - lors de ce quart de finale -, le duo d'Américaines fait figure d’épouvantail malgré son inexpérience. Une situation que connaît bien Gauff…

Jessica Pegula, Cori Gauff, Roland-Garros 2022, Double Dames, 1/8 de Finale©Philippe Montigny / FFT

Michelle Obama, première supportrice de Coco Gauff

À côté de ses performances exceptionnelles sur les courts, la jeune Américaine brille aussi en cours. C’est devant la tour Eiffel qu’elle a ainsi annoncé être diplômée. Un post sur les réseaux sociaux salué par l’ensemble du circuit (Naomi Osaka, Linda Fruhvirtova ou encore Jessica Pegula, bien sûr) mais également… Michelle Obama ! L’ancienne First Lady avait déjà cité en exemple la championne après sa qualification en huitièmes de finale de Wimbledon en 2019 à seulement 15 ans.

Malgré leur précédente rencontre, Coco Gauff reste étonnée de voir l’épouse de l’ancien président américain lui envoyer un message pour la féliciter. “Cela prend vraiment une signification très importante pour moi. Pas seulement pour mon tennis, elle m’a aussi félicitée pour mes résultats scolaires. Le fait qu'elle ait posté un message à ce sujet m'a vraiment touchée.”

Star des réseaux

Dix-huit ans, icône de toute une génération, Coco Gauff est une star des réseaux sociaux. Elle compte, par exemple, 740 000 followers sur Instagram. Une communauté qui la rapproche de ses aînées Garbiñe Muguruza, Paula Badosa ou de l'autre teenager Emma Raducanu.

Les réseaux sociaux justement, elle semble là aussi les prendre avec une distance stupéfiante pour une personne de 18 ans, potentiellement cible de messages malveillants. “Je ne les prends pas au sérieux. Parfois, ces insultes sont incroyables. Mais j'ai une approche décomplexée par rapport à cela. Cela ne m'affecte pas vraiment. J'ai appris, avec les années, à ne pas y prêter attention. D'autres joueurs peuvent être différents. Il y en a qui peuvent être sensibles.”

Un exemple pour les plus jeunes

Grâce aux réseaux sociaux, Coco Gauff reste en contact permanent avec ses admirateurs. La plupart sont des jeunes qui la voient comme un modèle à suivre. “J'y pensais l'autre fois, à Madrid. Je signais des autographes et il y a des filles qui étaient en train de crier d'enthousiasme quand je suis partie et moi, j'ai trouvé ça incroyable. J'avais les larmes aux yeux. Le fait que des gens puissent ressentir cela à mon contact, c'est incroyable, confiait Coco Gauff cette semaine. Je suis juste un être humain comme n'importe qui. Le fait d'être un modèle pour d'autres personnes, je dois dire que je suis reconnaissante. J'essaie toujours de faire du mieux possible sur le court et en dehors pour être humaine. Bien sûr, je vais commettre des fautes, mais je veux montrer que je suis une belle personne même quand j'ai de mauvais moments.”

Son engagement après l’assassinat de George Floyd fin 2020 n’est pas passé inaperçu. Alors qu’elle n’a que 16 ans, elle participe à de nombreux rassemblements et n’hésite pas à prendre la parole en public pour porter la voix de la communauté afro-américaine. Elle poste également de nombreux messages sur ses réseaux sociaux avec les messages “Black Lives Matter” ou encore des citations et des photos de Martin Luther King.

"Dream bigger", le mantra de Coco Gauff

Championne sur les courts, modèle en dehors, Coco Gauff reste avant tout une “teenager” qui a des rêves, des aspirations. C’est aussi une reine de la communication. Et lorsqu’il a fallu signer la caméra en sortant du court après sa victoire en quarts de finale face à Sloane Stephens, elle a noté “Dream Bigger” (Rêver plus grand) pour les téléspectateurs. Interrogée à ce sujet après le match, elle s’est expliquée. “Je pense qu'il ne faut pas mettre de limite à ses rêves, notamment ceux des jeunes. Je pense qu'il est important de ne pas se mettre dans des cases, et de pouvoir dire aux jeunes qu'il faut rêver grand, et savoir que tout peut se passer à tout moment.”

Nul doute que Coco Gauff est sur une voie royale pour atteindre ses rêves. Qualifiée pour les demi-finales à Roland-Garros, elle est à seulement 18 ans le présent et l’avenir du tennis mondial. Avec une communication ciselée, son caractère avenant et son envie de transmettre aux plus jeunes, elle a tout pour devenir l’icône du tennis mondial. L’analogie avec Serena Williams n’a finalement jamais semblé aussi prégnante.