WTA / ATP : rendez-vous sur terre battue

 - Romain Vinot

La saison sur terre battue a officiellement démarré cette semaine et comporte comme toujours son lot d’interrogations et d’enjeux.

Les folles glissades en bout de course, les frappes venues d’ailleurs pour nettoyer les lignes et les frottements de cadre contre les semelles sont (enfin) de retour. Alors que les premiers de cordée bataillent déjà sur les courts aux Etats-Unis, à Marrakech et Estoril, les autres peaufinent la préparation d’une aventure sur ocre qui fera escale dans plusieurs grandes villes européennes et se terminera en beauté le week-end du 10-11 juin sur le court Philippe-Chatrier.

La patience est une vertu

Privé de tournée américaine, c’est pourtant bien dans la peau du numéro un mondial que Novak Djokovic va aborder cette nouvelle saison sur terre battue. Vainqueur de son 22e titre du Grand Chelem en Australie, le recordman du nombre de semaines passées sur le trône (381, série en cours) ne cache pas ses ambitions de briller à nouveau en Majeur, du côté de la Porte d’Auteuil. Et pendant que Carlos Alcaraz et Daniil Medvedev faisaient le show en Californie et en Floride, le Serbe a rongé son frein sur l’ocre de Belgrade avant de régler les derniers détails de sa préparation au Monte-Carlo Country Club, en compagnie notamment de Jiri Lehecka.

De quoi se présenter en Principauté dans un costume de favori parfaitement cintré, d’autant que plusieurs de ses rivaux ont d’ores et déjà annoncé leur forfait. C’est notamment le cas de son bourreau l’an passé en quarts de finale à Roland-Garros, Rafael Nadal. S’il a bel et bien réitéré sa volonté de participer au grand rendez-vous parisien (du 28 mai au 11 juin) lors d’une visite de la FFT à son académie la semaine passée, le Majorquin a expliqué ne pas être encore tout à fait prêt pour reprendre la compétition. "Je ne suis pas encore en mesure de jouer avec le maximum de garanties et je continue mon processus de préparation, en espérant revenir bientôt" a-t-il posté sur ses réseaux sociaux.

De nouveau dauphin de "Nole" au classement ATP, Carlos Alcaraz ne sera pas non plus de la partie sur le Rocher. Eblouissant à Indian Wells puis à Miami où il a livré – et perdu – un nouveau choc mémorable face à Jannik Sinner, le Murcien a expliqué à ses fans qu’il avait besoin de souffler. "J'ai de l'arthrite post-traumatique à la main gauche et une gêne musculaire à la colonne vertébrale qui nécessitent du repos pour tout ce qui arrive". Une liste d’absences prestigieuses sur laquelle s’est malheureusement greffé Felix Auger-Aliassime, blessé au genou gauche, et qui vise un retour au Masters 1000 de Madrid.

Si ces protagonistes vont devoir s’armer de patience, Iga Swiatek, elle, devrait très prochainement faire son retour. Battue dans le dernier carré à Indian Wells face à la future lauréate Elena Rybakina et dans l’incapacité de défendre son titre à Miami à cause de côtes toujours douloureuses, elle a récemment posté une photo d’une séance en salle de gym et avec une serviette Roland-Garros, s’il vous plait. Si celle qui vient de fêter son premier anniversaire tout en haut de la hiérarchie est en pleine possession de ses moyens, elle sera bien difficile à aller chercher sur terre battue. Rappelons qu’elle est tenante du titre à Stuttgart, Rome et bien sûr, Porte d’Auteuil.

Une transition dur – terre battue réussie ?

Parmi les concurrentes potentielles de la numéro un mondiale, comment ne pas citer sa dauphine Aryna Sabalenka ? Titrée pour la première fois en Grand Chelem à Melbourne et finaliste à Indian Wells, elle a franchi un nouveau cap en 2023 et son bilan de 20 victoires pour 3 défaites parle pour elle. Et qu’on ne s’y trompe pas, si l’ocre n’est pas sa surface de prédilection, elle y possède quelques belles références qui poussent indéniablement à l’optimisme. Personne n’a oublié son sacre à Madrid en 2021 contre la numéro un mondiale Ashleigh Barty, ni sa présence dans le dernier carré dans la capitale italienne l’an passé. Reste à savoir si elle parviendra à optimiser ses performances pour arriver lancée à RG, seul Majeur dans lequel elle n’a encore jamais passé le 3e tour.

Aryna Sabalenka, Madrid Open 2021, trophy© Antoine Couvercelle/FFT

Au vu de l’évolution récente de son jeu et de ses probants résultats sur gazon et sur dur, il n’est pas non plus question d’éliminer précocement Elena Rybakina de la course aux lauriers. Impitoyable depuis trois mois, la Kazakhe n’est passée qu’à une marche de réaliser le fameux Sunshine Double. Physiquement émoussée par cette glorieuse tournée, tout l’enjeu pour elle sera de récupérer et de constater si oui ou non, son agressivité et son service pourront également la porter aux nues sur terre battue. Souvenons-nous qu’elle a tout de même disputé un quart de finale sur le court Philippe-Chatrier en 2021, bouclé 9/7 au 3e set par la future finaliste Anastasia Pavlyuchenkova.

Un stade où reste pour l’instant bloquée Jessica Pegula en Grand Chelem. Mais la 3e joueuse mondiale a les armes pour briller sur ocre, comme le prouve sa finale dans la capitale espagnole l’an dernier. A noter qu’elle a d’ores et déjà réussi la transition en ne concédant que deux petits jeux lors de son entrée en lice à Charleston face à Anna Blinkova.

Sur le circuit masculin, les regards les plus curieux se tourneront sans doute vers Daniil Medvedev. Comment le vainqueur de 24 de ses 25 derniers matchs et de quatre titres en deux mois (sans oublier une finale à Indian Wells) se comportera d’ici quelques jours sur une surface qu’il n’apprécie pas particulièrement, pour rester courtois ? Le principal intéressé a livré quelques éléments de réponses quant à sa motivation après son sacre à Miami. "C’est beaucoup plus difficile sur ocre parce que si je ne joue pas au top, je peux perdre bien plus facilement, mais j’espère que j’évoluerai à mon meilleur niveau sur terre battue, a-t-il analysé avant de faire référence à l’un de ses faits d’armes. Je sais que je peux bien jouer, j’ai même battu Tsitsipas et Novak dans le même tournoi une fois (à Monte-Carlo, en 2019) et wow, c’est une belle performance !".

Jannik Sinner, Coco Gauff, Holger Rune, Caroline Garcia, FAA, Barbora Krejcikova, Andrey Rublev, Maria Sakkari, Alexander Zverev… La liste des protagonistes à surveiller de près est longue et les premières batailles devraient nous en apprendre davantage dans les prochains jours.

L’ocre, terre promise ?

Si certains peuvent craindre de voir leurs ambitions mordre la poussière, d’autres ont tout à (re)gagner sur terre. C’est particulièrement vrai pour Dominic Thiem, double finaliste Porte d’Auteuil (2018 et 2019) et en proie au doute depuis son retour sur le circuit il y a plus d’un an. En détresse sur son banc contre Lorenzo Sonego à Miami, l’ancien n°3 mondial peine à retrouver son niveau, sa confiance et sa constance, mais n’abdique pas. Opposé à son compatriote Sebastian Ofner au premier tour à Estoril, il a signé une victoire renversante (3/6, 6/3, 6/4), la première depuis Buenos Aires mi-février. Il passera un nouveau test face à Ben Shelton – l’une des étoiles montantes du circuit – avec l’envie intacte et partagée par tous les observateurs de côtoyer à nouveaux les sommets.

De leur côté, Casper Ruud et Ons Jabeur apparaissent presque déjà dos au mur. Finaliste à Roland-Garros et à l’US Open en 2022, le Norvégien traverse une phase de turbulences depuis le début de la saison et compte retrouver l’équilibre sur un revêtement qui lui sied à merveille. Une réaction nécessaire car au-delà d’une confiance à forger, il a également de nombreux points à défendre.

Un constat similaire pour la Tunisienne, passée à côté de son Open d’Australie et dont le retour après une "opération mineure" au genou n’a pas convaincu aux Etats-Unis. Tenante du titre à Madrid, elle sera sans doute animée d’un esprit de revanche à Roland, où elle avait été éliminée à la surprise générale au premier tour par Magda Linette l’an passé. En attendant, elle a rassuré ses fans en maîtrisant son premier tour à Charleston (succès 6/3, 6/3 contre Lesia Tsurenko).

Dans une moindre mesure, Stefanos Tsitsipas espère lui aussi enclencher une nouvelle dynamique. Gêné par une blessure lancinante à l’épaule depuis sa finale à l’Open d’Australie, il a historiquement toujours eu des bons résultats au printemps. Sixième joueur de l’histoire à avoir réaliser le back-to-back à Monte-Carlo l’an dernier, il devra être prêt dès la semaine prochaine. Car oui, cette fois, on y est, la longue route menant à Roland-Garros est toute tracée.

Stefanos Tsitsipas / Monte-Carlo 2022©Corinne Dubreuil / FFT