Zverev a pris de l'envergure

 - Guillaume Willecoq

Zverev, héritier ? Plus que jamais, tant Roland-Garros aura marqué une étape importante pour lui.

Alexander Zverev Roland-Garros 2018©Corinne Dubreuil/FFT

Ne venez plus le titiller sur le thème du joueur qui a des difficultés en Grand chelem. A Roland-Garros, Alexander Zverev a franchi un cap. Symbolique, d’abord, en atteignant son premier quart de finale dans un tournoi majeur. Concret, surtout, en alignant trois victoires de suite en cinq sets, prouesse seulement réalisée par Richard Krajicek, Gustavo Kuerten, Albert Costa, Gaël Monfils et Tommy Robredo ces 40 dernières années sur la terre de Roland-Garros. 

Un épisode fondateur

Un premier quart en Grand chelem à 21 ans : rien d’anormal là-dedans mais, avec déjà trois Masters 1000 à son palmarès, le décalage entre ses résultats en deux sets gagnants et ses états de service au meilleur des cinq sets devenait criant. Et la situation commençait à agacer Alexander Zverev, à l’image de quelques passages de conférence de presse où il eut du mal à cacher son exaspération derrière des banalités d’usage ou des traits d’humour (le fameux épisode du "Where are you from, buddy" avec le journaliste du Yorkshire provient de là, Zverev y éludant au passage une question sur ses difficultés à transposer sa réussite en Masters 1000 à l’échelon Grand chelem).



"Vous savez, Roger (Federer, dont il est proche) m’a raconté qu’il n’avait pas franchi les quarts de finale d’un Grand chelem avant ses 23 ans, racontait-il en début de tournoi. Quand le plus grand joueur de tous les temps te dit cela, ça aide à relativiser. Si je continue à bien faire les choses et à y prendre du plaisir, les résultats viendront d’eux-mêmes en Grand chelem aussi." 

Le fait que ce premier quart majeur tant attendu soit arrivé quelques jours plus tard sonne comme une bonne chose de faite : fier comme tous les champions, Zverev ne dira jamais si cela le perturbait vraiment ou si c’était la récurrence médiatique du sujet depuis un an qui lui pesait, mais, au moins, personne ne l’embêtera plus avec ça. 

A l’épreuve de la terre

D’autant qu’Alexander Zverev ne s’est pas contenté de signer son premier quart dans le plus dur de tous les tournois : il y a mis la manière, démontrant à la fois sa force de caractère et son endurance physique en écartant trois adversaires de suite en cinq manches, étant même à chaque fois mené deux sets à un par Dusan Lajovic (deuxième tour), Damir Dzumhur (troisième tour) et Karen Kachanov (huitièmes de finale). Un tableau infernal dont Zverev a su s’extraire en écartant au passage une balle de match contre Dzumhur. Capable de gagner en survolant ses matchs (il n’a par exemple perdu aucun set dans ses trois finales de Masters 1000 victorieuses), il a démontré sa capacité à "aller au charbon", à gagner dans la douleur, en ce Roland-Garros.

"C’était important pour moi de voir que je pouvais gagner plusieurs matchs durs, en cinq sets, à la suite, concède t-il. Je n’ai pas joué mon meilleur tennis comme lors des tournois précédents, à Madrid ou Rome, mais j’en retire autre chose de tout aussi positif. Constater que je me sentais bien physiquement me donne beaucoup de confiance dans le fait que je réponds présent dans la répétition des efforts. Je suis content de m’être prouvé, et d’avoir prouvé à tout le monde, que je suis l’un des joueurs les plus forts physiquement parlant."

Un monde de perspectives

Un peu dans le dur depuis son titre au Masters 1000 du Canada l’été dernier, Alexander Zverev est reparti de l’avant durant cette campagne de terre battue. Avec un titre à Madrid (conquis sans perdre une seule fois son service, fait inédit dans les annales de l’ATP), un autre à Munich, une finale à Rome (où il faisait jeu égal avec Rafael Nadal avant une interruption due à la pluie), une demi-finale à Monte-Carlo et donc un quart à Paris, "Sascha" a fait le plein sur terre battue. Plein de points ATP (il est 2e au classement Race depuis janvier, derrière Nadal), plein de confiance et plein de certitudes, lui qui a même refusé de céder à la facilité de l'abandon en quarts de finale face à Dominic Thiem, alors qu'il était manifestement en bout de course.

Joueur polyvalent s’il en est, l’Allemand a posé là les jalons d’une deuxième partie de saison excitante, qui doit logiquement l’amener, à court ou moyen terme, à challenger Rafael Nadal et Roger Federer en Grand chelem aussi. C’est pour lui l’étape suivante, et son Roland-Garros (lui ?) démontre qu’il en a la carrure.