Alcaraz-Musetti-Sinner, "mini" Big Three ?

Les trois pépites annoncées du tennis mondial se retrouvent tous au troisième tour. Ils ne vous rappellent personne ?

 - Iris Chartreau et Rémi Bourrieres

Ils étaient quatre teenagers dans le tableau final du simple messieurs de ce Roland-Garros 2021. Hormis le Français Arthur Cazaux, qui bénéficiait d'une invitation et qui a été battu au premier tour, les trois autres seront tous présents au troisième tour, ce samedi.

C'est la première fois depuis vingt ans que l'on retrouvera trois joueurs de moins de 20 ans à ce stade de la compétition à Roland-Garros. En 2001, les trois jeunes heureux élus s'appelaient Roger Federer, Andy Roddick et Tommy Robredo. On ne peut pas dire qu'ils aient réussi une trop mauvaise carrière...

On souhaite évidemment la même destinée à l'Espagnol Carlos Alcaraz ainsi qu'aux Italiens Lorenzo Musetti et Jannik Sinner, puisque c'est d'eux qu'il s'agit. En attendant, beaucoup de choses laissent à penser que ces trois-là pourraient être, si ce n'est le Big Three de demain, des acteurs de tout premier plan. Car ces trois-là en rappellent trois autres d'une certaine manière...

Alcaraz, le rocher

On s'est souvent demandé ce que donnerait Rafael Nadal en droitier. On pourrait avoir un élément de réponse avec Carlos Alcaraz, désigné depuis longtemps comme l'héritier supposé du maître des lieux. Comparaison qui n'est sans doute pas lui rendre service mais l'Espagnol entraîné par Juan Carlos Ferrero ne fait rien pour l'éviter : biceps saillants (impressionnants, même), débardeurs, chevelure de jais, mêmes équipementiers... Il marche aussi sur les traces de son aîné au niveau des résultats puisqu'à 18 ans et 39 jours, il est le plus jeune joueur à atteindre le troisième tour d'un Grand Chelem depuis Nadal à l'Open d'Australie 2004 (et le plus jeune à Roland-Garros depuis Andreï Medvedev en 1992).

Carlos Alcaraz Rafael Nadal Madrid 2021Le jour de ses 18 ans, le 5 mai dernier, Carlos Alcaraz s'est incliné face à son idole Rafael Nadal à Madrid. ©Antoine Couvercelle / FFT

Originaire de la région de Murcie, il met lui aussi dans chacune de ses frappes une intensité et un punch assez effrayants. Avec en revanche moins de "spin" mais plus d'engagement notamment en coup droit et au service, où sa capacité à claquer sa première (210 km/h en pointe) et à générer du kick en seconde en fait aussi une arme importante.

Éliminé au premier tour des qualifications l'an dernier, Alcaraz progresse depuis à une vitesse exponentielle. Des progrès qui lui ont valu de passer le mur du top 100 après avoir notamment passé un tour en début d'année à l'Open Australie, atteint les demi-finales à Marbella et récemment gagné un quatrième titre en Challenger. 

Ici, à Roland-Garros, il a dû encore passer par les qualifications, avant de battre son compatriote Zapata Miralles (qualifié comme lui) puis de terrasser en trois sets Basilashvili. Soyons clair, il n'est pas (plus) tout à fait considéré comme un qualifié comme les autres...

Prochain adversaire : Jan-Lennard Struff.

Sinner, le puncheur

Monte Carlo, 3 décembre 2017. Novak Djokovic, de retour à l'entraînement après avoir mis un terme à sa saison cinq mois plus tôt pour une blessure au coude, tape la balle avec un jeune sparring-partner italien de 16 ans : un certain Jannik Sinner, cornaqué par le même homme qui l'entraînait dans ses jeunes années, Riccardo Piatti.

L'anecdote est relayée par le statisticien australien Craig O'Shanessy, qui évoluait alors dans la " team " Djokovic. Il se souvient avoir été particulièrement bluffé par un jeune homme qui n'a pas tardé à confirmer les immenses espoirs placés en lui, perçant le mur du top 100 fin 2019 à même pas 18 ans, et explosant pour de bon en 2020 en devenant, à 19 ans à peine, le plus jeune quart de finaliste de Roland-Garros depuis Novak Djokovic en 2006.

Jannik Sinner Novak Djokovic Monte Carlo 2021Même s'il l'a beaucoup côtoyé à l'entraînement, Jannik Sinner était encore un peu court en avril dernier à Monte Carlo face à Novak Djokovic. ©Corinne Dubreuil / FFT

Il y a aussi un peu de Djokovic dans la justesse technique de Sinner, notamment dans son revers à deux mains, une pure merveille. Le joueur originaire du Trentin, à quelques kilomètres de la frontière autrichienne, se distingue aussi par la puissance de ses coups distillée (en apparence) sans effort, et par la maturité émotionnelle impressionnante dont il fait preuve. Amateurs de coups de sang ou de phrases chocs, passez votre chemin...

Cet ancien jeune skieur de haut niveau, devenu par ailleurs cette année le premier teenager finaliste à Miami depuis... Djokovic en 2007, fait preuve d'un sang-froid hors normes qui lui a permis de sauver une balle de match au premier tour contre Pierre-Hugues Herbert avant de dominer son compatriote Gianluca Mager. Attention donc à son prochain adversaire : Sinner aime les rimes en "er".

Prochain adversaire : Mikael Ymer

Musetti, l'esthète

Avec son port altier et ses déplacements aériens, Lorenzo Musetti a un peu de Roger Federer en lui. La comparaison n’est sans doute pas pour lui déplaire car le Toscan admire l’ancien patron du tennis mondial. Sa merveille de revers à une main et son sens instinctif du jeu entretiennent la comparaison. Le natif de Carrare est un créatif, un joueur imprévisible doté d’une main de velours.

Les meilleurs joueurs du circuit ont, eux aussi, repéré le phénomène. Dimanche dernier, "Lollo" s’entraînait avec Rafael Nadal. L’invitation avait été envoyée par le roi de la terre, qui avait sans doute envie de voir de plus près un des fleurons de ce que l’on pourrait appeler la deuxième vague de la Next Gen. Musetti s’est fait "assommer" -selon ses propres mots- pendant deux heures par un "rouleau compresseur".

Lorenzo Musetti, Roland-Garros 2021©Clément Mahoudeau / FFT

Mais l’expérience lui a sans doute servi puisque le lendemain, il a réussi une entame de match fracassante pour sa grande première en Grand Chelem. Un premier set remporté 6/0 en 32 minutes contre David Goffin, avant de s’imposer en trois sets. Musetti enregistrait du même coup son sixième succès contre un joueur du top 20, en seulement neuf tentatives.

Son idole, Roger Federer, lui a ensuite servi de sparring partner de luxe pour préparer son deuxième tour. Et l'Italien a signé un nouveau succès en trois manches contre l’infatigable Yoshihito Nishioka. A l'instar du Suisse, le longiligne brun aux cheveux longs émerveille. Et impressionne par son aptitude à élever son niveau de jeu au moment opportun. En comptant celui remporté face à David Goffin, il n’a jamais perdu un seul tie-break dans sa carrière jusqu’à présent sur le grand circuit ((huit sur huit dans cet exercice) )

Ce passionné de rock, de Led Zeppelin à AC/DC, en passant par Muse ou Simple Minds, est aussi un amateur de cinéma, fan d’Al Pacino et de Robert De Niro. Enfant, il rêvait de devenir acteur. Lorenzo est devenu artiste sur d'autres scènes, où il sait occuper l'espace et attirer la lumière. Et avec sa gueule d’ange, il ne jouera pas le rôle du méchant.

Prochain adversaire : Marco Cecchinato