Benoît Paire fait taire ses démons

 - Amandine Reymond

Au rendez-vous des huitièmes pour la première fois de sa carrière, Benoît Paire impressionne par son calme.

Benoit Paire Roland-Garros 2019©Nicolas Gouhier / FFT

Chasser ses démons

"Dans ma tête, on est déjà tellement nombreux…" C’est par cette formule pleine d’honnêteté que Benoît Paire, 38e mondial, a répondu à un journaliste qui lui demandait pourquoi il n’avait pas fait davantage appel au public pour le soutenir dans son duel avec Pierre-Hugues Herbert au deuxième tour.

"Je n'avais pas besoin d'autres personnes à l'extérieur. Je me disais déjà : calme-toi, essaie de penser à toi, essaie de te dire que 6-2 3-1, ce n'est pas grave (...) J'ai regardé deux, trois fois mon clan quand c’était difficile. Sinon j'étais juste en train de me concentrer, en essayant ne pas péter les plombs, c'est très fort pour moi déjà !" 

Fort, c’est le mot. Tous ceux qui connaissent un peu le personnage savent à quel point il est parfois difficile pour Benoît Paire de ne pas céder à l’énervement. Mais ça, c’était avant. Depuis plusieurs semaines, l’Avignonnais est transformé.

Est-ce la sagesse de la trentaine ? Peut-être. C’est aussi le résultat de l’équilibre trouvé avec son coach Morgan Bourbon, qui a succédé à son ami Jean-Charles Diamé et l’accompagne sur le circuit depuis plusieurs mois.

Les deux hommes se connaissent depuis plus de dix ans, l’idéal pour un joueur qui ne s’exprime jamais aussi bien que lorsqu’il se sent bien entouré. 



Juste une mise au point

C’est surtout une prise de conscience juste avant la saison sur terre battue qui explique ses très bons résultats sur terre cette saison. "Je suis parti en vacances, je me suis posé les bonnes questions. Je ne prenais pas de plaisir. Je me suis dit : 'Est-ce que l'on continue comme ça la saison et il ne se passera rien ? À Marbella, lors du Challenger, je joue bien, je sens que la tête est revenue et est à l'endroit."

Et les victoires s’enchaînent, jusqu’en finale (défaite contre Pablo Andujar). À Marrakech, Benoît Paire reste dans les mêmes dispositions… et soulève le trophée. Son premier depuis Bastad en 2015. Également titré à Lyon, la semaine précédant Roland-Garros, il en est à huit victoires consécutives – une première pour lui sur le circuit principal - et ne compte pas s’arrêter là.

"J'ai envie de faire une deuxième semaine ici à Roland-Garros, c'est pour ça que je joue au tennis et que je suis ici. Même si j’ai gagné la semaine dernière, je ne me contente pas de ça alors qu’avant, j'aurais pu me contenter d'une victoire, je serais arrivé ici en mode détente, je n’aurais rien fait de spécial. Or, j'ai envie de me battre, de m'accrocher."

Benoit Paire Roland-Garros 2019©Corinne Dubreuil / FFT

Sans limites

Transformé dans l’attitude, Benoît Paire est aussi inspiré et efficace sur le terrain, si bien qu'il ne se met pas de limites. "Quand je suis bien et heureux sur un court, je peux battre n'importe qui. Avant la saison sur terre battue, je me suis dit si j'arrive à avoir ces sensations avec la tête à l'endroit plus le physique, je peux faire de belles choses. C’est ce qui se passe en ce moment."

Benoit Paire Roland-Garros 2019©Nicolas Gouhier / FFT

L’obstacle Nishikori

Pour voir plus loin, il faudra battre Kei Nishikori, 7e mondial. Un défi de taille mais réalisable pour Benoît Paire, qui s’était incliné en cinq sets face au Japonais au deuxième tour ici à Paris l’an dernier.

"Il est bien réglé, il est en confiance, analyse Cédric Pioline qui l'a coaché en équipe de France. Benoît va jouer son jeu. Il a déjà battu Kei Nishikori sur dur, il le connaît très bien. (...) Benoît, quand il est bien comme c’est le cas en ce moment, il est très compliqué à jouer !

"Un monstre physique"

"Tu es un monstre physiquement", a glissé Stan Wawrinka à son ami en le croisant au Players' lounge. "C’était une blague, a nuancé le Suisse après sa victoire contre Grigor Dimitrov. Mais j'étais très content pour lui. Benoît, c'est un joueur de confiance, un joueur sensible, qui a besoin d'être bien."

Une analyse partagée par son ami : "L'enchaînement des matchs, c'est cela qui me fait travailler, avouait l'intéressé, qui reconnaissait avoir un peu de mal à retourner à l’entraînement après certaines défaites. Plus j'enchaîne les matchs, plus je suis en forme. Là, je n'ai aucune courbature alors que cela fait neuf jours que je joue tous les jours."