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"McEnroe parfois s’arrêtait de jouer"

Jeudi 7 juin, le film "John McEnroe, l’Empire de la perfection", sera diffusé à l’issue des demies dames.

L'Empire de la Perfection film John McEnroe
 - Jean-Damien Lesay

C’est un objet cinématographique non identifié qui sortira le 11 juillet sur les écrans et sera projeté ce jeudi 7 juin en avant-première à Roland-Garros, place des Mousquetaires : L’Empire de la perfection, qui met notamment en scène John McEnroe. Echanges avec Julien Faraut, son réalisateur.

Votre film est inclassable et original. De quoi s’agit-il exactement ?

Je suis chargé de la cinémathèque du sport de l’Insep et je voulais témoigner de la longue collaboration entre l’Insep et la FFT, débutée avec Gil de Kermadec, un des tout premiers DTN tous sports confondus. J’ai ainsi découvert des rushs de films d’instruction, ce qui m’a amené à questionner la relation entre tennis et cinéma. Toutes les images utilisées sont des captations de matchs, glanées entre 1981 et 1985.

Que voit-on sur ces images ?

Ce sont des plans serrés, très souvent au ralenti. On se concentre sur un seul joueur le plus souvent, avec des caméras qui ne sont pas celles de la télévision. Un match de tennis à Roland-Garros est un objet familier, mais tourné en 16 mm, avec ce grain particulier qui renvoie au cinéma, des angles qu’on ne connaissait pas et une façon de filmer différente, cela crée une ambiguïté : est-ce un vrai match ?

Comment se déroule le film ?

Cela débute par le cheminement de Gil de Kermadec, comment il a quitté les mises en scène des années 1960 après s’être aperçu qu’il faisait fausse route. Ce n’était pas du tennis car les joueurs étaient sclérosés, ils devaient respecter des consignes. Il décide alors d’aller filmer de vrais matchs. Mais il ne savait jamais ce qu’il allait filmer. Il lui fallait parfois attendre pour voir tel ou tel geste, ce qui ne l’empêchait pas de pouvoir accumuler 300 revers d’un même joueur !

Comment John McEnroe devient-il un sujet central du film ?

La façon de filmer de Gil de Kermadec crée des moments inattendus où les joueurs interfèrent avec les caméras. Une des caméras, par exemple, tourne plus vite que les autres et pendant les échanges silencieux génère un bruit très désagréable. McEnroe parfois s’arrêtait de jouer car il était gêné, cela devient une des thématiques du film et je m’en amuse car bien sûr les spectateurs voulaient le voir discuter, s’énerver, cela crée du spectacle. On revient aussi sur l’exigence mentale que demande ce sport. C’est le portrait d’un perfectionniste qui, par définition, est toujours malheureux.

Cependant, la dimension pédagogique recherchée par Gil de Kermadec est omniprésente…

Sur la période du film, il y a en général trois caméras. La première est dans l’axe du filet, braquée en trois quarts face sur le joueur suivi et tourne en plan séquence, dans la continuité. On suit les déplacements du joueur. Gil de Kermadec utilisait cette prise de vue pour illustrer le travail de replacement. Elle montre l’effort avec beaucoup d’empathie, on voit ce qu’il en coûte à un joueur de tenir l’échange. La deuxième caméra a un emplacement plus commun, celui que prendra ensuite la télévision, à mi-hauteur dans l’axe du court, elle était utilisée pour l’aspect tactique. La troisième était située dans un emplacement que Gil a créé, utilisé aujourd’hui par les photographes : les fosses, endroits uniques au monde car aucun autre tournoi ne possède ces emplacements. Là, au ras du sol, on lit très bien les trajectoires des balles, les effets, les angles. C’est un emplacement qui a beaucoup dérangé McEnroe qui essaiera d’y faire interdire les photographes.