Jeanne Matthey, l'héroïque

UNE FEMME, UNE HISTOIRE. À la découverte d'une figure historique de "Roland".

Quatre fois championne de France de tennis de 1909 à 1912, infirmière de guerre et résistante durant la Seconde Guerre mondiale, le parcours de vie de Jeanne Matthey n’est pas connu du grand public et des amateurs de l’histoire du tennis. Retour sur l’histoire inédite d’une femme hors du commun.

Née en 1886 en Egypte, d’un père suisse et d’une mère française, Jeanne Matthey arrive en France en 1900 et s’installe avec toute sa famille boulevard Malesherbes. Dans ce cadre privilégié, le sport est au cœur des loisirs familiaux. Ses frères jouent au football alors que Jeanne et sa sœur pratiquent le tennis.

Talentueuse mais discrète, la jeune joueuse se distingue rapidement sur les courts du Racing Club de France où toute la famille est inscrite. En 1909, elle remporte pour la première fois les Championnats de France et devient une des meilleures joueuses françaises. Elle maintient son classement les trois années suivantes, jusqu’en 1913. Elle est alors battue par la première joueuse française Marguerite Broquedis.

(Jeanne Matthey, à droite, à côté de sa sœur Cécile)

Consacrer sa vie à aider les autres


En pleine ascension sportive, le parcours de Jeanne Matthey est rapidement contrarié par le début de la Première Guerre mondiale. La joueuse, dont la vie est rythmée par les tournois et les activités familiales, donne un nouveau sens à sa vie, s’éloigne des courts et se porte volontaire en tant qu’infirmière de la Croix-Rouge.

Après quatre années passées sur le front, Jeanne, désormais chef infirmière, revient à Paris vivante mais gravement blessée au bras droit. Une blessure qui l’empêche de tenir une raquette et de jouer au tennis. Mais pour Jeanne Matthey, il n’est plus question de faire autre chose que de consacrer sa vie à aider les autres.

Convaincue dans ses engagements, elle prend de nouveau une part active durant le conflit de la Seconde Guerre mondiale en intégrant un réseau de résistance pour lequel elle est chargée de transmettre des courriers. Repérée par la Gestapo, elle est arrêtée. Restée muette sous la torture, Jeanne est déportée en Allemagne. Elle en revient sauve, mais épuisée par les mauvais traitements subis durant sa détention.

Jeanne Matthey
Une actrice de la grande Histoire


En 1972, lorsqu’elle est aperçue dans les allées du stade Roland-Garros, c’est dans un éclat de rire qu’elle déclare aux journalistes: “Je suis en petits morceaux !“.

A cette même occasion, elle n’oublie pas de mentionner qu’elle fait partie de plus de trente associations d’anciens combattants et qu’elle a reçu, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, plus de 38 médailles et décorations. Nommée chevalier et officier de la Légion d’honneur en 1952 et 1958, elle est promue, fait rarissime pour une femme, au grade de commandeur de la Légion d’honneur, en 1962.

Jeanne Matthey… Derrière ce nom, inscrit quatre fois au palmarès du tournoi de Roland-Garros, se cache le portrait d’une femme incroyable, héroïne de son temps et actrice de la grande Histoire.