Un record effacé au terme d’un nouveau match épique, des larmes de joie et de soulagement, un favori au rendez-vous et une finaliste de Roland-Garros qui a également la main verte : voici ce qu’il ne fallait pas manquer de cette 9e journée sur les courts du All England Club.
Wimbledon – J9 : la revanche de Medvedev, Vekic au mérite
Battu par le n°1 mondial en finale de l’Open d’Australie, "Meddy" a pris une étincelante revanche pour rallier le dernier carré de cette édition 2024.
Un thriller pour Medvedev
Avant d’entrer sur le Centre Court ce mardi, Daniil Medvedev avait peut-être encore quelques mauvais souvenirs en tête. Malgré un ratio positif (6-5), il restait sur cinq défaites de rang face à Jannik Sinner, dont la très douloureuse finale de l’Open d’Australie disputée fin janvier. Difficile alors de l’imaginer capable de bouleverser la tendance, la hiérarchie et de priver les observateurs d’un nouveau "classique" entre le n°1 mondial et "Carlitos", coché dans les calendriers depuis le tirage au sort. Mais comme à son habitude, il a enfilé sa plus belle casquette de trouble-fête pour déjouer les pronostics et remporter un thriller de très haut niveau.
A plusieurs reprises pourtant, ce grand rendez-vous a pris des airs de crève-cœur pour le protégé des deux Gilles. Au terme d’un premier set durant lequel les deux hommes n’ont pas obtenu la moindre opportunité de break, il a commis une double faute fatale dans un jeu décisif très disputé, laissant ainsi son bourreau de Melbourne prendre les devants. Un coup sur la tête qui ne l’a toutefois pas empêché de reprendre son dur labeur. Bien aidé par une mise en jeu puissante, précise et longtemps imprenable, il a varié sa position en retour pour bousculer et déstabiliser l’Italien. Une stratégie qui a payé très tôt dans les deuxième et troisième manches, marquées, cela va sans dire, par des points magnifiques et de très longs rallyes (117 coups gagnants, 61 pour Sinner, 56 pour Medvedev).
Des échanges qui ont d’ailleurs semblé mettre à mal le patron de la discipline (qui le restera peu importe l’issue du tournoi), moins mobile et contraint de demander un temps mort médical pour des vertiges à 2-1 dans le 3e set. "Je ne me sentais pas très bien, je n’ai pas vomi mais ma sortie du court a pris du temps parce que j'avais beaucoup de vertiges, a confirmé le principal intéressé. C’était encore pire quand j’étais en dehors du terrain… Mais je suis revenu et j'ai fait de mon mieux".
Ce dernier ne serait en effet pas sur le toit du monde sans ses légendaires ressources. De nouveau à hauteur quelques minutes plus tard (son premier break du match !) il s’est même procuré plusieurs balles de set avant de finalement s’incliner au jeu décisif. Mais ce n’était qu’un début pour Sinner, impérial dans une 4e manche conclue en seulement 25 minutes. Le spectre d’une nouvelle cruelle défaite entourait alors le 5e joueur mondial, davantage bougon et plus régulièrement tourné vers son clan. Mais puisqu’au tennis, l’histoire ne s’écrit jamais deux fois de la même manière, il a redéployé ses tentacules et repris son travail de sape afin de faire une toute dernière différence (6/7(7), 6/4, 7/6(4), 2/6, 6/3 en 4h00).
Une douce revanche synonyme de deuxième demi-finale consécutive au All England Club, sa neuvième en Majeur. Not too bad pour un joueur qui n’apprécie pas particulièrement la surface, même s’il la préfère largement à la terre… "Sur gazon, je pense qu’il est très difficile de gagner des matchs en trois sets, par exemple 6/4, 6/4, 6/4. Un seul break peut décider de l'issue du set. Si vous faites un mauvais jeu sur votre service, une double-faute, une faute facile ou quelque chose comme ça, vous pouvez perdre le set […] Aujourd’hui, c’était un match un peu en dents de scie des deux côtés, une rencontre difficile. Je suis fatigué mais heureux d’être à nouveau en demi-finale."
Par ailleurs, ce 36e "cinq sets boulevard" dans ce Wimbledon 2024 permet au Grand Chelem londonien de battre le record du nombre de rencontres disputées au meilleur des cinq manches dans un même tournoi, à une unité devant l’Open d’Australie 2024. Mais ce n’est sûrement pas fini…
Alcaraz en deux-temps
Si le compteur ne restera peut-être pas bloqué à 36, c’est d’une part parce nous n’en sommes qu’au stade des quarts de finale et d’autre part parce que Daniil Medvedev retrouvera dans le dernier carré un spécialiste de ces duels à rallonge, Carlos Alcaraz. Celui qui l’avait battu aux portes de la finale l’an dernier est parvenu à se défaire de Tommy Paul (5/7, 6/4, 6/2, 6/2 en 3h11). Accroché par un Américain puissant, précis et créatif au point de se retrouver mené d’un set et un break, le champion de Roland-Garros a su réagir. Il est monté en puissance, se montrant plus percutant pour imprimer son rythme et raccourcir certains échanges jusqu’ici très bien tenus dans la longueur par son adversaire.
Intense et disputée pendant un temps, la rencontre a perdu en qualité (88 fautes directes au total) et en intérêt même si bien sûr, le Murcien a claqué quelques coups venus d’ailleurs. "Tommy joue très bien sur gazon, il a gagné le Queen's et a fait de grandes choses ici à Wimbledon, en battant de grands joueurs, a déclaré le vainqueur en bord de court. Bien sûr, le match d'aujourd'hui a été très difficile pour moi. Dans le premier set et dans le début du deuxième, j'ai eu l'impression de jouer sur terre battue. Il y avait de longs rallyes de 10 à 15 coups sur chaque point. J'ai donc dû rester fort mentalement lorsque j'ai perdu la première manche. C'était compliqué, mais je savais que ce serait un long match et que je devais être présent. Je suis vraiment heureux d'avoir trouvé les solutions et la bonne méthode".
Sans forcément toujours évoluer à son meilleur niveau, "Carlitos" disputera vendredi sa 6e demi-finale de Grand Chelem, à seulement 21 ans. Et puisque Medvedev avait pris sa revanche lors de l’US Open 2023, il s’agira davantage d’une "belle" entre les deux hommes. Et au vu de ce qu'ils ont produit aujourd’hui, elle s’annonce indécise et immanquable.
Patiente, Vekic éclipse Sun
C’est peu dire que le premier quart de finale du tableau féminin (programmé sur le Court n°1) a tenu toutes ses promesses. Opposée à la Néo-Zélandaise Lulu Sun – très belle surprise de cette édition 2024 –, Donna Vekic a puisé dans ses ressources physiques et mentales pour renverser une situation compromise (5/7, 6/4, 6/1 en 2h08). Une rencontre qui a véritablement basculé en fin de deuxième manche, lorsque la Croate est enfin parvenue à convertir ses opportunités pour recoller. Probablement émoussée par ses sept premiers matchs (3 en qualifications et 4 dans le tableau principal) dont quelques marathons, la Néo-Zélandaise a complètement craqué sous les coups de boutoir de son adversaire, allant même jusqu’à perdre quatre jeux de service consécutifs.
Mais avant cette bascule, les deux novices à ce stade de la compétition à Wimbledon ont livré une partie de très haut niveau, à l’image d’un premier set bouclé en 1h durant lequel elles ont réussi 14 coups gagnants chacune et n’ont été séparées que par un petit point gagné (48 pour Sun, 47 pour Vekic). Agressée à chaque échange mais loin d’être intimidée par son opposante ou par l’enjeu, la 123e mondiale a eu réponse à tout et s’est montrée plus réaliste dans les moments importants, en convertissant l’une de ses trois balles de break et surtout, en sauvant les quatre opportunités adverses.
Mais en termes de patience et d’abnégation, Vekic en connaît un rayon. Alors, elle est repartie immédiatement au combat, devenant quasi intouchable sur sa mise en jeu et parvenant enfin à prendre l’engagement de sa vis-à-vis. Malgré un ultime sursis en toute fin de deuxième manche, Sun n’a plus eu les armes pour faire face au rouleau-compresseur, propulsé vers son premier dernier carré en Grand Chelem par une magistrale série de 6 jeux consécutifs remportés de la tête et des épaules.
Emue aux larmes à sa sortie du court, la Croate – deuxième représentante de son pays à atteindre ce stade de la compétition à Londres après Mirjana Lucic en 1999 – est revenue en conférence de presse sur l’importance de ce succès et ce qu’il représente pour elle après deux saisons (2021 et 2022) minées par les blessures.
"Ces deux années ont été très difficiles, je ne pensais pas un jour revenir à mon meilleur niveau. Et aujourd’hui, j’atteins le plus grand résultat de ma carrière en Majeur… Je suis vraiment fière de moi et du travail que nous avons accompli avec mon équipe. Je suis très reconnaissante parce qu’ils ont continué de croire en moi, même quand moi-même je n’y croyais plus […] Vous ne le savez pas mais même cette année, j’ai voulu déclarer forfait avant Roland-Garros. Je n'avais plus d'énergie, plus de motivation pour continuer à m'entraîner parce que j'avais l'impression d'avoir tout donné pour le tennis les mois précédents, sans obtenir les résultats que j'attendais. C'était un moment très difficile, mais mon équipe a été là pour moi. Ma défaite Porte d’Auteuil a été très douloureuse (au troisième tour, contre Olga Danilovic alors qu’elle avait glané la première manche 6/0, ndlr) mais elle m'a motivée à continuer de travailler. C'est fou comme les choses peuvent changer si vite dans le tennis…"
Celle qui a attendu son 43e tournoi du Grand Chelem pour atteindre les demi-finales tentera de prolonger son "Donna Summer" face à la très récente finaliste de Roland-Garros.
Paolini à pas de géante (verte)
Il fallait le voir pour le croire. Opposée à Emma Navarro, Jasmine Paolini a produit un véritable récital pour devenir la première joueuse italienne de l’histoire à rallier le dernier carré à Wimbledon (6/2, 6/1 en 57 minutes). Rappelons, si nécessaire, qu’elle n’avait jamais remporté le moindre match sur gazon avant cette saison 2024 et qu’elle était menée 3-0 dans son face-à-face avec l’Américaine… "Je ne l’avais pas réalisé avant mais mon entraîneur m’a dit que je pouvais vraiment bien jouer ici, a-t-elle expliqué en conférence de presse. Je n’y croyais pas trop… Mais j’ai eu de très bonnes sensations à Eastbourne (battue en demi-finale par la future championne Daria Kasatkina, ndlr). Je frappais bien la balle et je me déplaçais bien. Je me suis dit qu’en fait c’était sympa le gazon, que je pouvais bien jouer dessus. Mais je ne m’attendais pas du tout à faire une demi-finale ici !"
Secouée par un premier break précoce de son adversaire (1-2) elle n’a pas tardé à mettre à profit son incroyable vivacité pour acculer la tombeuse de Coco Gauff, débordée par les frappes millimétrées (19 coups gagnants) et les montées au filet incessantes de la 7e joueuse mondiale (16/17). En ne desserrant jamais l’étau, elle a glané 11 des 12 jeux suivants pour signer l’une des performances les plus impressionnantes dans le tableau féminin depuis le début de la compétition.
"C'est incroyable, c'est extraordinaire de gagner sur ce court si spécial, a-t-elle confié sans jamais perdre son sourire radieux. Je suis très heureuse d'être en demi-finale. Je dois dire qu'aujourd'hui j'ai joué un très bon match contre une adversaire de talent contre qui j’avais déjà perdu trois fois. C'est un rêve de me retrouver ici, je regardais les finales quand j'étais enfant, sur ce court…"
Une finale qu’elle touche désormais du bout des doigts. Ce jeudi, elle pourrait devenir la première joueuse depuis Serena Williams en 2016 à rallier la dernière marche à Roland-Garros et Wimbledon la même année.