Wimbledon 2022 : Goffin – Norrie, courageux et téméraires

 - Romain Vinot

David Goffin et Cameron Norrie se retrouvent ce mardi pour une place en demi-finales de l’édition 2022.

David Goffin, Wimbledon 2022, fourth round©Corinne Dubreuil / FFT

Résurrection pour l’un, confirmation pour l’autre et objectif commun. Si David Goffin et Cameron Norrie n’ont pas connu la même trajectoire, ils auront tous les deux la possibilité ce mardi d’atteindre le dernier carré d’un Grand Chelem pour la première fois de leur carrière.

Goffin le survivant

Entre les blessures à répétition (genou, coude, cheville) et la pandémie de Covid-19, David Goffin n’a pas été épargné par le sort ces dernières saisons. Malgré plusieurs tentatives de retour avortées suite à de malheureuses rechutes, le désormais 58e joueur mondial a même décidé de stopper sa saison 2021 en septembre, pour se remettre physiquement. "C'était une année difficile ponctuée de blessures, ma cheville au début de l'année, et désormais mon genou, qui me gêne depuis trop longtemps" avait-il expliqué dans une vidéo à destination de ses fans.

Une décision salvatrice pour son corps mais aussi pour son esprit, logiquement en proie aux doutes après de telles épreuves. Son coach Germain Gigounon a ainsi révélé lors d’une conférence de presse à Roland-Garros que son protégé ressentait désormais le besoin de travailler quotidiennement avec un préparateur mental. "Cela fait déjà un moment qu'il y a un travail mental. David travaille avec Ugo Blairon. Je pense que cela l'a aidé à positiver, à moins intérioriser tout le négatif. Ils effectuent un gros travail sur la manière de se comporter sur le terrain. David est passé par des périodes de doute et il fallait le convaincre qu'il pouvait encore y arriver. II avait souvent mal au genou, pensait qu'il ne pourrait plus enchaîner".

Un travail qui a porté ses fruits avec un titre un Marrakech, une bataille épique face à Rafael Nadal en huitièmes de finale à Madrid et désormais un Wimbledon de grande qualité.

David Goffin, Wimbledon 2022, fourth round©Corinne Dubreuil / FFT

"Mon tournoi préféré de l’année"

Après trois premiers tours très convaincants face à Radu Albot, Sebastian Baez et Ugo Humbert – malgré la perte du set inaugural face à ce dernier – David Goffin passait un très gros test face à Frances Tiafoe. Un choc qui a tenu toutes ses promesses entre deux joueurs armés pour disputer un match marathon ponctué d’échanges à couper le souffle, littéralement. Une symphonie tennistique conclue en 4h36 et au bout de la cinquième manche par le Belge (7/6(3), 5/7 , 5/7, 6/4, 7/5), qui n’a pas perdu son humour à l’issue de cette magnifique victoire. "Je suis vraiment désolé pour les protagonistes du prochain match, ils ont dû s’échauffer tellement de fois ! Ça a été une incroyable bataille […] J’ai dû rester frais, préserver mon service, me battre, revenir après la perte des deuxième et troisième sets… Mais à la fin, l’atmosphère était magnifique. Un nouveau match épique face à Frances, donc je suis vraiment heureux d’être de nouveau en quarts de finale".

Une résurrection pour le joueur de 31 ans, devenu au passage le premier Belge de l’ère Open à atteindre deux fois les quarts de finale de Wimbledon (après 2019), un Grand Chelem qu’il affectionne tout particulièrement. "C’est un tournoi très important pour moi, mon préféré de l’année, un endroit que j’aime, une surface sur laquelle je peux vraiment bien jouer, a-t-il poursuivi en conférence de presse. Au début de l'année, j'ai dû me battre et rester positif pour revenir à mon meilleur niveau. Les dernières semaines ou les derniers mois ont été bien meilleurs. Atteindre un quart de finale à Wimbledon cette année encore signifie beaucoup".

Il a désormais rendez-vous avec un novice à ce stade de la compétition mais dont le classement, le parcours et le soutien du public lui confèrent le statut de favori.

Novak Djokovic & David Goffin / Quarts de finale Wimbledon 2019©Corinne Dubreuil / FFT

Norrie, à pleins poumons

Son éclosion a pris du temps mais depuis quelques mois, Cameron Norrie franchit un à un les paliers du très haut niveau. 74e joueur mondial au moment d’entamer la saison 2021, le Britannique qui fêtera ses 27 ans en août occupe désormais le 12e rang et s’est même offert un passage par le top 10 en avril. Une progression constante accompagnée de titres et pas des moindres, à l’image de son sacre surprise à Indian Wells en octobre dernier. Un prestigieux trophée qui lui a même ouvert les portes de la phase de poule du Masters. "Je suis exactement où je veux être et mes progrès ont été assez significatifs, a-t-il récemment confié au site ATPTour.com. Je me suis amélioré sur des fondamentaux comme le service et le retour. Je suis aussi plus calme dans les moments importants donc c’est un mélange de tout […] J’ai adoré progresser, bâtir et garder mon élan, c’était très amusant. Indian Wells était fantastique et entrer dans le top 10, c’était incroyable".

Parvenir à rivaliser avec les meilleurs joueurs du circuit a donné un supplément de confiance au natif de Johannesburg, également bien aidé par des capacités physiques hors normes. "Un jour, un médecin m’a demandé si j’étais un plongeur de haute mer, en raison de la taille de mes poumons ! Moi je pensais que c’était normal, mais quand il m’a dit ça, ça m’a donné encore plus d’assurance dans ma capacité à tenir le rythme, poursuit-il. J'aime essayer de jouer de longs matchs et de les rendre aussi physiques que possible. Plus l'échange est long, mieux c'est".

Le dernier espoir de tout un peuple

Une caractéristique spécifique qui explique sans doute sa formidable capacité à enchaîner dans cette édition 2022 de Wimbledon. Malmenée par Jaume Munar, la tête de série n°9 est parvenue à faire exploser son adversaire dans les deux derniers sets, avant d’enchaîner sans aucune difficulté son troisième tour face à Steve Johnson (6/4, 6/1, 6/0). Qualifié pour la première fois en huitièmes de finale d’un tournoi du Grand Chelem, il ne s’est pas non plus laissé déborder par la pression contre un Tommy Paul en forme mais éteint lui aussi en trois petites manches (6/4, 7/5, 6/4).

Les attentes qui pèsent sur ses épaules sont pourtant énormes, Cameron Norrie étant le dernier joueur britannique encore en lice en simple au All England Club. Un premier quart de finale en Majeur et à domicile qui le place parmi les grands noms du tennis Outre-Manche puisqu’il n’est que la cinquième gloire locale masculine à réussir cette performance dans l’ère Open (avec Roger Taylor, Greg Rusedski, Tim Henman et bien sûr Andy Murray). "Au début du tournoi, les médias me rappelaient que j’étais le numéro un britannique et que j’avais beaucoup de pression, a-t-il rappelé en conférence de presse après son huitième de finale. Malheureusement, je suis le seul encore en lice. Mais je pense que c’est une raison de plus pour que tout le monde me soutienne".

Discret sur et en dehors du terrain, Cameron Norrie ne suscite peut-être pas encore l’admiration et le respect qu’il mérite. C’est en tout cas l’avis de sa compatriote Heather Watson dont le parcours a été stoppé en huitièmes de finale par l’Allemande Jule Niemeier. "Je suis impressionnée par ‘Cam’ depuis si longtemps. Il est tellement discret et sous les radars. Je pense qu’il mérite plus d’attention, son éthique de travail, sa concentration, son dévouement, la façon dont il s'investit… Il est juste l'exemple parfait, tout ce que vos entraîneurs et vos parents attendent de vous. Et c’est aussi une personne formidable". Nul doute qu’une qualification pour le dernier carré de "son" Grand Chelem, devrait lui offrir la reconnaissance qu’il mérite.

Une "vraie" première

Si les deux hommes se sont déjà affrontés, leur unique rencontre s’est soldée par un abandon sur blessure de David Goffin sur la terre battue de Barcelone en 2021. Même si le Belge a une expérience bien plus significative à ce niveau de la compétition (il disputera son quatrième quart de finale en Grand Chelem après Roland-Garros 2016, l’Open d’Australie 2017 et Wimbledon 2019), il sait qu’il part avec un déficit de fraîcheur (11h passées sur le court contre 9h25 pour son adversaire) et de soutien. "Il a moins joué que moi et il est très bon depuis le début du tournoi. Il est très régulier et c'est un adversaire difficile à jouer. Mais je vais essayer de récupérer. Il faudra que j’essaie d'être prêt à jouer contre tout un pays" a-t-il conclu avec le sourire.

Très soutenu, Norrie se méfie tout de même à juste titre de son futur vis-à-vis. "C'est un joueur très expérimenté et qui aime beaucoup le gazon. Il a disputé de nombreux grands matchs. C'est un grand compétiteur, un très bon athlète qui a un jeu très complet. Il va très bien jouer, ce sera donc un match difficile. Et il a été dans cette situation plus que moi. J'ai hâte d'y être, c’est un autre gros challenge qui s’annonce".

Une nouvelle grosse bataille qui ouvrira pour la première fois la porte d’un dernier carré en Grand Chelem pour l’un de ces deux champions.