J11 : la carte postale

Anecdote, tranche de vie, moment fort... Chaque jour, Roland-Garros vous envoie sa carte postale.

 - Roland-Garros

Cher public,

Je voulais t'emmener aujourd'hui dans un endroit auquel tu n'as pas accès mais qui est pourtant un lieu très important chez moi : la salle de conférences de presse. Ou plutôt les salles de conférences de presse, puisqu'il y en a trois désormais (une grande, une moyenne et une petite), situées dans les arcanes du court Philippe-Chatrier. Auxquelles s'ajoutent deux zones mixtes, ce périmètre balisé où les joueurs passent sans s'asseoir pour répondre à la volée à quelques questions. 

Les "confs", comme les journalistes disent dans leur jargon, font partie intégrante d'un tournoi comme le mien. Avant que le tennis professionnel ne prenne une telle envergure, elles n'existaient pas. Pour recueillir les impressions d'après-match des champions, c'était la grande débrouille. Les débriefs étaient improvisés là où chacun pouvait, au bord d'un court, dans les vestiaires, à l'hôtel, voire, dans certains cas, autour d'une bière. Oui, la diététique n'était pas la même non plus…

Mais ça, c'était avant. Désormais, c'est toute une organisation, pratiquement une entreprise au sein de laquelle collaborent une trentaine de personnes : des chargés de relations avec les joueurs ou avec la presse, des sténotypistes, des interprètes, des traducteurs. Sans parler des représentants de l'ATP et de la WTA, chargés de modérer et de superviser les "confs", lesquelles sont retransmises sur un canal interne, traduites en franco-anglais et retranscrites à l'écrit. En clair : aucune chance que le moindre mot s'en échappe.

Des vertes et des pas mûres

Tu t'imagines bien que depuis toutes ces années, j'en ai vu et entendu des vertes et des pas mûres, dans ces salles de "confs". Des banalités confondantes (ah, le fameux "match après match"), des analyses de haut vol, des coups de gueule, des coups de bluff, des dérapages plus ou moins contrôlés, du franglais plus ou moins maîtrisé, des moments de solitude, des moments poignants… C'est amusant, d'ailleurs, d'y voir les différences de caractères chez les joueurs, entre les polyglottes communicants à la rhétorique parfaitement huilée et les taiseux timides face auxquels il faut sortir les rames.

Chez les journalistes aussi, je vois un peu de tout. Ceux qui tiennent la vedette, ceux qui préfèrent écouter, ceux qui posent des questions dont on ne voit pas le bout (ni parfois le sens), ceux qui ont bien planché et ceux qui n'ont pas vu le match, ou alors pas le même que les autres. Ainsi, je rirai toute ma vie – il y a prescription - au souvenir de ce journaliste qui, un jour, avait commencé son intervention en félicitant pour sa victoire un joueur français (Nicolas Mahut)… qui venait de perdre.

Voilà qui aura au moins donné du piquant à un exercice que les joueurs estiment, parfois, redondant et ennuyeux. Mais finalement, c'est quand elles n'ont pas lieu qu'on se rend compte à quel point les "confs" manquent. Mercredi, après sa défaite face à Mirra Andreeva, Aryna Sabalenka n'a pu honorer cet exercice obligatoire pour des raisons de santé. La n°2 mondiale n'aurait peut-être pas livré beaucoup d'informations. Mais s'il y a une chose que les "confs" m'ont apprise, c'est que le plus important n'est pas forcément ce qui s'y dit : c'est plutôt la manière dont c'est dit, ou parfois dont c'est tu.

Salle de conférences de presse / Roland-Garros 2024©Emilie Hautier / FFT