Djokovic, un retour en 5 chapitres

De Roland-Garros 2016 à Wimbledon 2018, récit d’une renaissance au sommet.

Novak Djokovic shouting Wimbledon 2018©Corinne Dubreuil/FFT
 - Myrtille Rambion

“C’est quand on doit se battre que l’on apprend généralement se connaître, que l’on a l’occasion de s’élever comme un phénix, d’évoluer et de devenir meilleur.“

Novak Djokovic nous a habitués depuis plusieurs années à des sorties verbales baignées de philosophie, mais cette phrase prononcée avec beaucoup d’émotion après la conquête de son quatrième Wimbledon en a dit particulièrement long.

Vingt-cinq mois sans titres du Grand Chelem, pour un champion de la trempe du Serbe, c’est long. Et difficile à accepter, surtout quand cette disette correspond à une longue période de doute(s).

RG16 ou la complétude

La quête d’un absolu tennistique. C’est ce que “Nole“ a poursuivi depuis ses plus jeunes années et qu’il a atteint, enfin, en remportant, le 5 juin 2016, le seul tournoi du Grand Chelem qui manquait encore à sa panoplie de champion, en battant Andy Murray (3/6, 6/1, 6/2, 6/4) : Roland-Garros.

“C’est un jour très spécial, avait-il alors dit. C’est peut-être même le plus grand moment de ma carrière.“ Novak Djokovic avait souligné le moment d’un cœur dessiné sur le court à la façon d’un Guga.

Novak Djokovic draws a heart on court Phillipe Chatrier at roland-Garros 2016©Nicolas Gouhier/FFT
Un an en demi-teinte

Le doublé “Roland“-Wimbledon, si ardu à réaliser, n’aura pas été d’actualité pour Novak Djokovic. Celui qui dominait sans partage le circuit mondial depuis deux saisons, qui venait de réussir le Grand Chelem calendaire et qui détenait les quatre levées majeures, l’avait-il pressenti alors ? Toujours est-il que sa sortie dès le troisième tour sur le gazon anglais a marqué le début d’une drôle de période pour “Nole“.

Une finale à l’US Open, perdue face à un grand Stan Wawrinka, une autre au Masters, gagné par Andy Murray qui lui a au passage ravi la place de n°1 mondial et la perte du “mojo“ de “Djoko“ a commencé à sauter aux yeux. Signes d’agacement, perte de concentration et d’efficacité… Jusqu’en mai 2017 où il a décidé de se séparer de son coach historique Marian Vajda.

Comme pour confirmer officiellement une sortie de route tant sur le plan sportif que personnel, amplifiée par une blessure au coude pour laquelle, longtemps, Novak Djokovic préfèrera éviter l’opération. Andre Agassi est appelé à la rescousse, mais Wimbledon 2017 sera le tournoi de trop et le signe du besoin de stopper.

Novak Djokovic and Marian Vajda Wimbledon 2018©Corinne Dubreuil/FFT
Une opération salutaire

Sur le moment, pas facile de prendre une telle décision : abandonner en quart de finale d’un Grand Chelem (contre Tomas Berdych) tant la douleur est insupportable, prendre le temps de se reposer, sans pouvoir prédire sa suite de carrière. Au total, six mois d’éloignement du circuit : autant dire, une quasi-éternité dans le sport de haut niveau. De Wimbledon 2017 à Melbourne 2018, le Djoker n’est plus réapparu en compétition. Il a pris le temps de se reconstruire. Il a même modifié son geste au service pour ménager son coude encore convalescent.

Mais en Australie, l’opération, longtemps repoussée, est apparue inévitable. Dans la foulée de sa défaite en huitième de finale face à Hyeon Chung, le Serbe a, comme il l’écrira quelque jours après, début fevrier 2018, “accepté de subir une petite intervention médicale.“ Avec, écrivait-il alors sur les réseaux, l’espoir d’être “sur la bonne voie d’un plein rétablissement.“

Mais, comme l’intéressé l’a reconnu après son sacre à Wimbledon ce dimanche : “Il y a eu de nombreux moments où j’étais frustré et où je me demandais si je serais en mesure de revenir au niveau que je souhaitais ou non. Mais c’est ce qui rend ce périple encore plus spécial.“

Une renaissance sur terre

“Après ça, je suis peut-être revenu trop vite“, reconnaît Novak Djokovic. Revenu sur les courts dès Indian Wells, il y a joué avec la douleur. “Cela m’a pris plusieurs mois pour retrouver la confiance, a-t-il indiqué, pour revenir aux basiques, recommencer à frapper dans autant de balles que possible à l’entraînement, de manière à me sentir de nouveau à l’aise au haut niveau.“

Une première demi-finale à Rome, perdue contre Rafael Nadal certes, a montré le chemin. Quelques jours plus tard à Roland-Garros, “Djoko“ était clairement de retour. Peut-être pas aussi intense, concentré, insubmersible que par le passé, mais tout de même. Le rappel à ses côtés, plus que symbolique, de Marian Vajda en tant que coach depuis Monte-Carlo a rapidement porté ses fruits. À Paris, le champion 2016 a chuté en quarts, face à la surprise Marco Cecchinato, mais son interview d’après-match, bâclée, tout en colère contenue contre lui-même, a parlé : Djoko, celui qui n’accepte que l’excellence et pas la défaite était bel et bien de retour.

Novak Djokovic lift the Wimbledon 2018 trophy.©Corinne Dubreuil/FFT
Le retour au top

“Il a vraiment connu des moments difficiles, où il doutait de lui-même, a reconnu Marian Vajda dans le Daily Mail après le sacre de son poulain à Wimbledon. Pour moi, cela allait prendre plus de temps. Peut-être trois, quatre, cinq mois. Peut-être que le bon moment, ce serait l’US Open.“

Eh bien non. Novak Djokovic n’a pas décidé d’attendre ; il a choisi Wimbledon pour renouer avec la victoire en Grand Chelem. Après une disette de vingt-cinq mois. Et un chemin qui l’a mené de Roland-Garros (2016) à Roland-Garros (2018).