Swiatek, elle a tout d'une grande !

A 19 ans, la Polonaise a décroché son premier Grand Chelem sans perdre un set. Irrésistible !

Iga Swiatek, Roland-Garros 2020, finale, trophée, vestiaire©Corinne Dubreuil / FFT
 - Rémi Bourrieres

Et vous, vous faisiez quoi, le 31 mai 2001 ? Parce que ce jour-là, Iga Swiatek, elle, poussait son premier cri à Varsovie. Le 10 octobre 2020, soit 19 ans et 132 jours plus tard, la voilà qui vient donc de s'offrir son premier titre en Grand Chelem au terme d'une finale parfaitement maîtrisée face à Sofia Kenin, 6/4, 6/1 en 1h24.

Quoi que brièvement rattrapée par une certaine nervosité au cours du premier set, le temps de se faire rejoindre de 3-0 à 3-3, la jeune Polonaise (la deuxième à disputer une finale à Roland-Garros après Jadwiga Jedrzejowska en 1939) aura globalement fait passer sur cette finale le même souffle puissant que tout au long de sa quinzaine : pas un seul set perdu, une première ici depuis Justine Henin en 2007 (et seulement la septième fois en Grand Chelem dans l'ère Open) ; et pas plus de cinq jeux perdus par rencontre pour un total de 28 jeux concédés, un record depuis Steffi Graf en 1988 (20). Ce n'est pas un braquage qu'elle aura fomenté sur ce Roland-Garros : c'est une révolution !

Iga Swiatek Roland-Garros 2020© Philippe Montignye / FFT

54e mondiale, record battu 

Une révolution qui tend certes à devenir permanente chez les filles depuis quelques années, puisque 12 joueuses différentes ont désormais été couronnées sur les 19 derniers Grands Chelems, dont neuf "primo-gagnantes" sur les 14 derniers.

C'est d'ailleurs la cinquième année consécutive que Roland-Garros consacre une joueuse jamais titrée auparavant en Grand Chelem. Malgré les circonstances particulières de ce Roland-Garros automnal en raison de la pandémie de Covid-19, la nouveauté reste de mise chez les dames.

Après sa victoire surprise en début d'année à l'Open d'Australie, Sofia Kenin avait l'occasion d'apporter un peu de continuité en devenant la première joueuse à remporter deux Majeurs la même année depuis Angelique Kerber en 2016. Mais la finaliste malheureuse a finalement été rattrapée par ses douleurs à la cuisse au plus mauvais moment. Un coup du sort auquel sa propre nervosité n'a peut-être pas été étrangère non plus, elle que l'on a vue commettre d'inhabituelles erreurs en fin de première manche, alors qu'un vrai bras de fer commençait à s'installer.

Sofia KENIN Roland-Garros 2020© FFT

Tant mieux pour Iga Swiatek, devenue par ailleurs la joueuse la plus mal classée de l'histoire à triompher à Roland-Garros (54e), battant ainsi le record de Jelena Ostapenko en 2017 (47e). Comme la Lettonne, Swiatek n'avait d'ailleurs jamais remporté le moindre titre WTA avant son sacre à Paris, dont elle repartira à la 17e place, un classement beaucoup plus conforme à son formidable talent.

Aussi explosive en bas qu'en haut

Mais le plus incroyable dans cette consécration d'Iga Swiatek, devenue la plus jeune gagnante du tournoi depuis Monica Seles en 1992 (18 ans, 187 jours), est cette impression qu'elle est, finalement, tout à fait à sa place.

Si elle a perdu un peu de temps en route ces derniers mois, le temps de finir son lycée, et en raison aussi bien sûr du confinement, la protégée de Piotr Sierzputowski ne débarque pas non plus de nulle part. Rappelons qu'elle a remporté le tournoi juniors de Wimbledon en 2018, et qu'elle était huitième de finaliste ici l'an passé. 

Son talent, qui se reflète dans la pureté de ses frappes décochées dans le silence le plus total, crève les yeux. Iga Swiatek fait partie de ces rares phénomènes aussi explosifs du haut que du bas du corps, ce qui lui permet d'être capable de mettre n'importe quelle adversaire à plusieurs mètres de la balle tout en se déplaçant remarquablement bien, portée aussi par son sens du jeu à ne pas négliger. Sur terre battue, sa surface de prédilection, son lift de coup droit, asséné avec une prise très fermée, pèse des tonnes, avec une grande marge de sécurité.

Longiligne, déliée, rapide et endurante (elle a combiné son épopée en simple avec une demi-finale en double sans le moindre souci physique), elle est également dotée d'une belle main, dont elle s'est servie pour distiller à l'envi de redoutables amorties, notamment côté revers.

Iga Swiatek Roland-Garros 2020© Philippe Montigny / FFT

"C'est complètement fou" 

La difficulté, quand on est à ce point pétrie d'atouts, est toujours de trouver le bon "mix" entre patience et agressivité. Un équilibre qu'Iga aura atteint à la perfection à Paris et notamment durant cette finale, soutenue par une petite et joyeuse chambrée polonaise, parmi laquelle sa propre famille. 

De là à la voir survoler de cette manière un match empreint d'autant d'enjeux, qui plus est face à une joueuse désormais aussi aguerrie que Sofia Kenin ? Non, évidemment. "Ça me dépasse, c'est complètement fou, avouait elle-même la gagnante après son succès, d'une voix chevrotante qui trahissait bien son émotion. Je ne sais pas trop comment j'ai pu remporter cette finale. J'ai juste essayé de rester agressive et consistante sur le plan mental, comme lors de mes matchs précédents. Est-ce que je dois dire autre chose ?"

Non, en effet, il n'y a rien d'autre à dire. Juste à savourer...

Roland-Garros 2020 supporters© FFT