La conférence bilan du tournoi 2021

Gilles Moretton, Président de la FFT, Amélie Oudéa-Castera, Directrice générale de la FFT et Guy Froget directeur du tournoi ont dressé leur bilan de cette édition 2021.

Guy Forget, Gilles Moretton, Amelie Oudea-Castera, Roland-Garros 2021© Christophe Guibbaud / FFT

Gilles Moretton : "la création d'une alliance public/privé"


"C'est une belle édition. C'est un grand privilège pour nous d'avoir organisé ce premier événement sportif après confinement, avec du public. On peut considérer que nous avons réussi notre pari. Tout était là, l'émotion, la météo. Et on a procuré du plaisir aux gens. Dans la période que nous traversons, avoir ce privilège est quelque chose de très important. Donc, on a senti des gens heureux, on a senti de l'émotion. J'ai moi-même ressenti beaucoup d'émotions, d'abord par la qualité du spectacle et ce que l'on a pu apporter dans une période un peu compliquée.

C'est la récompense aujourd'hui pour l'ensemble de nos pratiquants de tennis, qui étaient nombreux devant la télévision, mais aussi dans le stade, même si on aurait souhaité en avoir encore plus.

Le constat que je peux faire, c'est qu'après cette quinzaine, le tennis est un sport magnifique, c'est le plus beau des sports. Je suis peut-être un peu partisan quand je dis ça. On a une chance extraordinaire d'avoir vu un spectacle, ici, à Roland-Garros. Je vais dire un petit mot sur la terre battue, puisque j'estime que ce que l'on a pu voir, la qualité du jeu s'est exprimée sous toutes ses formes, techniques, tactiques, avec des rebondissements.

C'est un tournoi historique d'abord, parce que c'est un tournoi en période de confinement, le deuxième à Roland-Garros dans des conditions difficiles. Historique, parce que c'est l'héritage de ce stade extraordinaire que l'on a pu voir réellement en activité, même s'il n'est pas totalement à 100 %. On avait en septembre une période plus compliquée, avec peu de monde. Là, on a vu ce que pouvait donner ce stade. On a eu les sessions de nuit, qui nous ont démontré ce qu'elles pouvaient apporter au tennis dans l'émotion, avec une première partie malheureusement à huis clos.

Dès que l'on a pu voir, à la fois, le mercredi des quarts de finale, mais aussi sur les demi-finales, puisqu'on pourrait considérer que l'on était en session de nuit, un spectacle de qualité. Match d'anthologie, donc tournoi extraordinaire. Et puis de l'émotion à tous les étages.

Le résultat de nos Français est partagé, puisqu'on a eu d'un côté une première semaine un peu décevante. On sait que l'on est sur un changement de génération, même si nos joueurs français se sont très bien préparés. Malheureusement, les résultats n'étaient pas là. On a fini en beauté avec nos juniors qui ont brillé et puis derrière, avec ce double qui était extraordinaire, et la victoire de Nicolas Mahut et Pierre-Hugues Herbert.

En tant que Président de Fédération, ce sont des actions que l'on va mener derrière. L'objectif était de redonner au tennis la place qu'il mérite sur le plan national, mais aussi international. Je crois que le tennis a gagné le pari après cette quinzaine à Roland-Garros.
J'ai décidé de mettre les clubs et les joueurs au centre de nos préoccupations, avec des réunions qui ont eu lieu tout au long du tournoi, en alliant bien évidemment le public et le privé sur une vraie réflexion de fond, la création d'une alliance public/privé. Je me suis rapproché de l'ensemble des académies, avec toutes les équipes de la FFT et du travail de qualité qui est fait dans le privé, qu'il faut souligner, et que l'on arrête de bouder ou d'écarter un peu ce travail qui est fait. Donc, cette alliance va nous permettre d'avancer. Je peux vous dire que l'on échange en permanence en ce moment avec eux. On a déjà bien préparé l'avenir.

Un programme pour nos clubs, c'est important. Tout à l'heure je le disais, ce Roland-Garros a permis et a donné envie. Je pense que demain, dès la fin du tournoi, les gens auront envie d'aller jouer au tennis, sur terre battue. Ce sont des moments magiques. La couleur ocre nous donne envie d'aller sur le terrain. Un programme sur les clubs sur la qualité de l'accueil, des offres découvertes pour le tennis, et probablement des nouveaux formats de compétitions loisirs pour nos clubs.

Enfin, et pour terminer sur le constat, les actions que nous allons mener, développer le tennis inclusif. On doit absolument faire en sorte que l'on joue au tennis de partout, ce qui est déjà le cas. On a déjà démarré avec les écoles et un programme De la Cour au Court. On vient de signer une convention avec l'UNSS sur le Short Tennis. On va aller plus près de la rue, avec l’association de Yannick Noah, et développer ce tennis pour tous."

Session de soirée - Roland-Garros 2021©Cédric Lecocq / FFT

Amélie Oudéa-Castera : "un modèle économique résilient"

"Sur le sanitaire, ce n'était pas simple cette préparation de Roland-Garros depuis trois mois. Il y avait beaucoup d'incertitudes sur les différentes phases du plan de déconfinement du gouvernement, sur les modes de calcul, et le niveau des jauges qui nous seraient attribuées sur les conditions sanitaires, notamment les modalités du Pass. Et même si nos équipes étaient aguerries grâce à l'expérience de l'an dernier, il a fallu faire preuve de beaucoup d'agilité, de travail, de beaucoup de professionnalisme. Les équipes ont fait preuve d'une très grande méticulosité. Je voudrais vraiment les remercier pour cela.

Je crois qu’au global, sur ce volet, on a été franchement à la hauteur de nos responsabilités, d’abord dans le décalage d'une semaine du tournoi qu'on a fait en complet alignement avec l’ensemble des Grands Chelems en recréant une confiance qui avait été écornée l'an dernier. Deuxièmement, à travers une rigueur dans l'application des différents protocoles sanitaires. Je vais vous donner l’un des exemples qui est 3 000 tests effectués sur la population de joueurs et seulement deux joueurs de double écartés du tournoi. Et puis, ce déploiement du Pass sanitaire pour la première fois à grande échelle sur un événement sportif, le mercredi 9 juin, avec 97 % des spectateurs du tournoi qui sont arrivés bien préparés. Notre dispositif était prêt pour les 3 % autres, afin de ne rejeter personne aux portes de notre stade.

Sur le plan économique, évidemment, la tonalité est assez difficile dans la mesure où nous sommes le seul des quatre Grands Chelems à être au fond impacté deux fois par cette crise de la Covid. Donc, les finances de la Fédération seront clairement un terrain pour nous de travail très en profondeur pour retrouver une trajectoire financière vertueuse. Mais les chiffres de cette édition, compte tenu des circonstances, sont quand même assez bons, notamment parce que nous avons pu au global accueillir 100 000 spectateurs avec environ 80 % de billets grand public et 20 % sur les aspects hospitalité et partenaires, avec des chiffres d'audience qui sont absolument remarquables.

Je pourrai y revenir plus en détail, mais au global une part de marché d’un peu plus de 20 % sur France 2 et sur France 3, des records qui ont été connus la journée vendredi 11 juin, notamment pour ce match d'anthologie entre Nadal et Djokovic, avec pic de 4,1 millions de spectateurs qui a été atteint.

France 2 était alors la première chaîne nationale, ce qui est remarquable. On a en tête des chiffres aussi excellents sur le plan du digital, avec plus de 10 millions de followers sur l'ensemble de nos plateformes et plus d’un million de téléchargements pour notre application officielle Roland-Garros, et près de 570 millions de personnes qui ont été "exposées" à nos différentes publications.


Sur le plan du business, ce qui est également important de mentionner, c'est l'évolution, la déformation des sources de revenus. Vous avez peut- être en tête que d'habitude les ressources média comptent pour environ 40 % des recettes du tournoi, qui traditionnellement se situent autour de 260 M€ et qui sont cette année environ 80 M€ en dessous. On devrait être autour de 180 M€ de chiffre d'affaires. Un volet média tout à fait important : notre dimension média représentera presque 55 % des recettes du tournoi cette année, un petit peu moins de 30 % pour les partenariats, et de manière plus anecdotique autour de 5 % pour billetterie, hospitalité et griffe. Le poste média est quasiment 15 points de pourcentage au-dessus de ce qui est traditionnellement fait, là ou d'habitude, ils comptent pour 20 % chacun. On a beaucoup plus sur les partenariats cette année et malheureusement, du fait de la jauge, moins sur la billetterie et les hospitalités.

Un petit point sur les innovations du tournoi. Là aussi, sur le plan économique, des choses sont très intéressantes. La signature de notre nouveau contrat avec Discovery pour les cinq prochaines années, pour l'Europe une diffusion dans 50 pays européens, hors la France, avec à la fois une diffusion sur les chaînes gratuites, en streaming digital sur Discovery, plus sur les canaux payants, qui est un très beau renouvellement de partenariats.

La grande boutique a fait le bonheur de l'ensemble des spectateurs du tournoi avec des ventes e-commerce également en progression très forte et un panier moyen supérieur à 70 euros, ce qui est assez remarquable. L'innovation, qu'a constitué notre partenariat avec Amazon, avec de vraies innovations, y compris dans les modalités de diffusion et d'accès des téléspectateurs, des viewers à des statistiques, à la fois de joueurs et du tournoi à travers le dispositif X-Ray. Également, ces opérations "Tous en finale" qui nous ont permis de rendre heureux 7 500 personnes supplémentaires avec un très gros volet porté pour les jeunes qui ont pu bénéficier de 40% de ces billets à des tarifs absolument inédits, qui sont allés jusqu'à 10 € dans les derniers jours du tournoi. Au global, une belle série d'innovations, un modèle économique résilient, même si moins bon qu'une édition normale. De vraies victoires sur le plan sanitaire dans ce tournoi."

Nicolas Mahut, Pierre-Hugues Herbert, Roland Garros 2021, doubles final© Corinne Dubreuil/FFT

Guy Forget : "Satisfaits de la manière dont ce tournoi s'est déroulé"


"Je vais, de manière assez brève, vous parler du volet sportif du tournoi. Avec toutes les équipes de la direction du tournoi et du juge arbitrage, nous avons été satisfaits de la manière dont ce tournoi s'est déroulé. Nous avons joué cette année 832 parties sur notre édition Roland-Garros avec, sur le plan sportif, les meilleures joueuses et les meilleurs joueurs, qui ont répondu présents, même lorsque ces derniers ont dû jouer dans des conditions difficiles, notamment avec des sessions de soirées à huis clos.

C'était parfois un petit peu délicat, parce que les joueurs après avoir subi un début de saison difficile dans des arènes vides, venir à Roland-Garros, sachant que lorsque l'on avait 1 000 personnes sur le Lenglen ou Chatrier, on leur a parfois demandé de jouer le jeu et de venir jouer en session de soirée dans des stades vides. À tour de rôle, ils se sont pliés à l'exercice avec beaucoup d'engagement, et cela s'est vu sur l'ensemble des matches, que ce soit chez les hommes ou chez femmes.

Je voudrais revenir sur les matches phares et cette demi-finale d'anthologie entre Nadal et Djokovic. D'ailleurs, le petit clin d'oeil était le tweet de Nicolas Mahut, qui lorsqu'il a regardé ce match à la télévision, nous a dit "Comment s'appelle ce sport que pratiquent Nadal et Djokovic ? Je connais pas, mais ça a l'air vachement bien !" Je crois qu'aujourd'hui, tout le monde a été bluffé par la qualité de combats de ces deux joueurs, qui sont allés au bout d'eux-mêmes, et qui ont montré, alors qu'on parle de nouvelle génération, qu'à 35 ans passés, pour l'un d'entre eux, ce sont eux encore qui dominent le tennis mondial.

Une finale dames inédite, une nouvelle fois, avec une nouvelle génération et des matches qui ont été spectaculaires. Une championne qui joue la finale du double tout à l’heure face à Swiątek et Mattek-Sands, la Polonaise, qui a gagné le titre l'année dernière. Cela prouve que chez les femmes, le tennis féminin se porte bien et que les joueurs sont investis, non seulement dans le simple, mais aussi dans le double. Sur les performances des Français, Gilles vous en a parlé.

La fin du tournoi nous a fait du bien, nous met du baume au cœur, avec le parcours des juniors brillants, même si la route est encore longue. Cela nous a fait plaisir de les voir devant des courts bondés de public nous montrer l'étendue de leurs talents. Et la formidable victoire de Nicolas Mahut et Pierre-Hugues Herbert dans le double, qui gagnent un nouveau titre du Grand Chelem. Et le parcours en tennis-fauteuil avec Houdet et Peifer en double, eux aussi, sont très constants, au plus haut niveau."

Katerina Siniakova Barbora Krejcikova Roland-Garros 2021©Corinne Dubreuil / FFT