De nouveau héros d’un match épique, Carlos Alcaraz a validé son ticket pour la grande finale en venant à bout de Frances Tiafoe. Il y retrouvera Casper Ruud, tombeur un peu plus tôt dans la soirée de Karen Khachanov. Les deux hommes batailleront ce dimanche pour un premier Grand Chelem et la place de n°1 mondial.
US Open – J12 : Ruud clinique, Alcaraz épique
Sereinement qualifié pour la finale de l'US Open, Casper Ruud a été rejoint par Carlos Alcaraz, auteur d'un nouveau thriller.
Alcaraz repousse les limites
Lorsqu’on fera le bilan de cet US Open, les mots vont manquer pour analyser les incroyables prestations de Carlos Alcaraz. Si la planète tennis a bien conscience depuis plusieurs mois d’assister à l’éclosion d’un ovni, personne ne pouvait imaginer qu’un gamin de 19 ans serait capable de produire un tel niveau de jeu durant 13h28 de trois thrillers épiques. Parce que oui, le Murcien a bel et bien récidivé face à Frances Tiafoe, remportant un nouveau marathon de 4h19 ((6/7(6), 6/3, 6/1, 6/7(5), 6/3) pour enfoncer la porte ("ouvrir" serait un peu faible) de sa première finale en Grand Chelem. "Je suis un peu fatigué, je dois dire, a-t-il confié. Mais je me sens bien, je me sens super bien. Je suis tellement heureux… J’ai repensé au gamin que j’étais il y a 10 ans et qui rêvait de ce moment".
Au-delà de ses frappes monumentales, de sa couverture de terrain exceptionnelle et de son toucher magique, c’est une nouvelle fois sa rage et son amour du combat qui ont été mis en lumière face au héros local : "Dans ces matchs, vous devez donner tout ce que vous pouvez et vous battre sur chaque point comme si c’était le dernier. Ça n’a pas d’importance si vous devez vous battre pendant cinq ou six heures".
Une volonté inaltérable et ce, malgré un scénario inverse à son quart de finale monumental face à Jannik Sinner. Cette fois, "Carlitos" a cédé la première manche à son adversaire avant de prendre un net ascendant dans les deux suivantes. Une rencontre jusqu’ici très agréable au demeurant mais qui ne sentait alors pas encore le doux parfum du duel mémorable. Mais c’était sans compter sur l’abnégation, la puissance, le mental et la douce folie d’un Tiafoe qui a refusé d’abdiquer. On ne le dira jamais assez : il faut être deux pour faire un grand match.
"Je reviendrai et je gagnerai ce tournoi un jour"
Mené 7/6(6), 3/6, 1/6, 0-2, le chouchou d’un public toutefois respectueux de son adversaire, a débreaké à deux reprises dans la quatrième manche avant de sauver magnifiquement une balle de match et de pousser son vis-à-vis à disputer un nouveau jeu décisif. Le 8e tie-break de sa quinzaine a connu le même sort que les précédents (un record à l’US Open), prouvant une nouvelle fois la propension de "Big Foe" à se sublimer dans les moments clés. De quoi susciter les hurlements d’un public en transe et arracher une cinquième manche qui s’annonçait irrespirable.
La question de la condition physique et de la résistance à la pression pouvait alors légitimement se poser. Et comme une évidence, Alcaraz a donné une nouvelle réponse cinglante avec un break d’entrée puis un autre à 2-2. Celui de trop pour l’Américain qui a plié puis rompu, non sans briller une dernière fois dans la nuit new-yorkaise. S’en sont suivis des adieux déchirants à un public qui ne peut qu’être fier de son représentant. "J'ai tout donné, mais Carlos a été trop fort. Je voulais vraiment gagner cet US Open et j'ai l'impression de vous avoir laissés tomber. Cette défaite fait vraiment mal mais je reviendrai et je gagnerai ce tournoi un jour" a-t-il promis. Au vu de son parcours, tous les espoirs sont en effet permis.
De son côté, Carlos Alcaraz n’est plus qu’à un match d’écrire l’histoire. En plus de décrocher un premier Grand Chelem, il aura l’occasion ce dimanche de devenir le plus jeune numéro un mondial de l’histoire. "J’en suis proche mais en même temps, c’est encore loin, a-t-il souri. C’est une finale de Grand Chelem et une bataille pour la place de n°1. C’est quelque chose dont je rêve depuis que je suis enfant. Mais pour l’instant je vais profiter de ce moment. Je suis en finale ! J’aurai le temps d’y réfléchir demain…". Une ambition et un rêve partagés avec son futur concurrent, Casper Ruud.
Ruud a aussi le droit de rêver
Autoritaire face à Karen Khachanov dans le dernier carré, Casper Ruud n’a pas tremblé ou presque pour rallier la finale de l’US Open, sa deuxième cette année en Majeur après celle disputée à Roland-Garros il y a quelques mois. S’il n’est certainement pas le joueur le plus spectaculaire du circuit, sa lucidité, sa régularité et son efficacité le rendent redoutable. N’en déplaise aux sceptiques, le premier Norvégien à atteindre la finale de Flushing Meadows a mérité sa place, lui qui n’en espérait pas tant. "L'an dernier, mes résultats en Grand Chelem ont été décevants. Tout se passait bien ailleurs, j'étais presque toujours en quarts, en demies et même mieux puisque j'ai gagné cinq tournois. Mais dans les Majeurs, je n’arrivais pas à être aussi performant que je le souhaitais, a-t-il analysé avec lucidité. Par rapport à mon classement, viser un quart de finale me semblait raisonnable".
Et ce n’est pas son adversaire en demi-finale qui dira le contraire. Probablement épuisé après ses deux marathons physiques et mentaux face à Pablo Carreño Busta et Nick Kyrgios, le vainqueur du Rolex Paris Masters 2018 n’a rien pu faire ou presque face à un adversaire parfois brillant, toujours clinique. Nerveux et coupable d’erreurs grossières, il a d’abord cédé dans le tie-break de la première manche avant de s’écrouler dans le set suivant, n’inscrivant que 11 points au total, aucun sur le service de l’actuel n°7 mondial. L’occasion pour ce dernier de prouver qu’il était lui aussi capable de réaliser des coups magiques et de remporter des points insensés, à l’image de ce rallye de 55 coups sur balle de set (dans le jeu décisif de la première manche) bouclé par un revers long de ligne divin.
La fierté et l’orgueil du 31e mondial, combinés à une légère baisse de régime du natif d’Oslo ont permis de repousser l’échéance l’espace d’un set et de faire naître l’espoir d’assister à un match plus engagé. Une petite flamme toutefois très rapidement soufflée par de nouvelles fautes (41 au total pour Khachanov sur la rencontre) et une efficacité nordique retrouvée.
Ce nouveau succès net (7/6(5), 6/2, 5/7, 6/2 en 3h00) propulse Casper Ruud vers un destin inespéré, un rêve qu’il a toujours gardé dans le coin de sa tête. "Plus jeune, quand je voyais Rafa ou Roger à la télévision, je disais que je voulais être dans la télé moi aussi un jour, a-t-il poursuivi en conférence de presse. Cette pensée est restée en moi toute ma vie. Je voulais essayer de devenir un jour numéro un mondial, gagner des Grands Chelems […] Ce but ultime et cette motivation m'ont toujours poussé à être sérieux et à avoir le bon état d'esprit".
Ce rêve, il n’est plus qu’à une marche de le réaliser.