J15 : La carte postale

Anecdote, tranche de vie, moment fort... Chaque jour, Roland-Garros vous envoie sa carte postale.

 - Roland-Garros

Cher public,

Voilà, c'est fini… Je ne sais pas si cela te fait la même chose, mais moi, à chaque fois que s'achève le tout dernier match de mon tournoi, je ressens comme une irrépressible montée de larmes. Celle-ci ne vient pas juste au moment de la balle de match. Non, en général, elle vient quelques minutes après, au moment où le vainqueur soulève la Coupe des Mousquetaires. J'ai beau y être habitué depuis un siècle, à chaque fois, c'est la même émotion. À chaque fois, le même frisson.

Ces larmes, ce sont celles d'un bonheur partagé avec le vainqueur, bien entendu. Mais ça n'est pas que ça. C'est plus que ça. C'est aussi la pression qui retombe, la fatigue qui remonte, la satisfaction du travail accompli et, je crois, une certaine appréhension à retrouver une vie "normale". Je ne suis jamais allé dans l'espace (mon truc à moi, c'est la terre) mais j'imagine que c'est un peu la même chose lorsque les astronautes reviennent sur la planète après une mission de plusieurs semaines en orbite. Il doit y avoir un énorme sas de décompression, physique bien sûr, mais émotionnel surtout.

Roland-Garros, c'est ça aussi. Un moment hors du temps, une bulle dans l'irréel, une parenthèse enchantée durant laquelle plus grand-chose ne semble compter, hormis les circonvolutions capricieuses d'une balle en feutrine d'à peine 50 grammes. C'est dingue, tout de même. Révisions expédiées, travail en double écran, jours de congés posés à l'improviste, vie familiale entre parenthèses, nuits raccourcies… On vibre, on vit, on pleure, on rit. Chaque année, c'est la même sarabande de couleurs et de passion. Une fois que les lumières s'éteignent, il faut du temps pour reprendre le cours d'une existence sans Roland-Garros.

2024, un sacré cru

C'est sans doute plus difficile certaines années que d'autres, et j'aime à croire que c'est le cas cette fois. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais je trouve que mon cru 2024 a été excellent, pour ne pas dire exceptionnel. Il s'est fini en apothéose avec le sacre de Carlos Alcaraz, digne héritier de mon roi Rafa, et quel plus beau symbole, d'ailleurs, l'année même où celui-ci a probablement tiré sa révérence – je n'ose encore y croire, encore moins y penser.

Mais il y a eu beaucoup d'autres moments forts. Très forts. Le duel hors normes entre Swiatek et Osaka, les retournements dantesques de Djokovic, les coups de génie de Moutet, la folie perpétuelle que tu as mise dans les tribunes… Impossible de tout citer, d'autant que c'est aussi un peu subjectif. Même la pluie, tombée sur moi dans des proportions record, fera partie de la légende de ce RG 2024, d'autant qu'elle a coïncidé avec l'arrivée du nouveau toit sur le court Suzanne-Lenglen. Crois-en mon expérience de vieux briscard : on reparlera longtemps de cette édition.

En attendant, l'heure est venue de nous séparer, et que chacun d'entre nous retourne à ses activités normales. Enfin, normales. Dans mon cas, ce sera un peu particulier cette année avec la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques, pour lesquels mon stade sera réquisitionné. Quelque part, cela atténue un peu la nostalgie. Je vais revoir très vite les Carlos, Iga, Rafa, Diede, Tokito et les autres. Et puis toi aussi, bien sûr, puisque je t'attends toujours aussi nombreux fin juillet. Ce ne sera pas moi qui organiserai, mais mon âme sera tout de même un peu présente sur ces épreuves. En attendant, rideau. Repos. La nuit tombe sur Roland-Garros. C'était bien, non ?

Roland-Garros 2024, stade, nuit©Pauline Ballet / FFT